Vidéo édifiante sur le cas de ce jeune américain dont le visage a retenu mon attention alors que j’allais faire un tour sur Youtube pour y chercher autre chose, raison pour laquelle je m’y suis attardée.
Plus le temps de visionnage passait, et plus j’étais persuadée d’en connaître un sosie sans pouvoir me rappeler de qui il s’agissait. Et tout d’un coup, bingo ! mais c’est bien sûr… Jean-Marc Donnadieu !
Et c’est bien le même type de psychopathe…
Voyez sa photo sur son CV du printemps 2013, c’est exactement Joe Clark avec quelques années en plus :
A noter : pour pouvoir retrouver jambes et mobilité, sa dernière victime le jeune Thad Phillips, qui à tout juste douze ans a réussi à échapper à une mort certaine dans les conditions relatées dans la vidéo, a dû subir par la suite nombre d’interventions chirurgicales durant plusieurs années.
Enterrement de victimes de la peste noire à Tournai. Les Chroniques de Gilles Li Muisis (1272-1352), abbé de Saint-Martin de Tournai. Bibliothèque royale de Belgique, MS 13076-77, f. 24v.
La peste noire, ou mort noire, est une pandémie de peste (principalement bubonique) qui a sévi au milieu du XIVe siècle (pendant le Moyen Âge). Cette pandémie touche l’Eurasie, l’Afrique du Nord et peut-être l’Afrique subsaharienne. Son nom lui a été donné par les historiens modernes ; elle n’est ni la première ni la dernière pandémie de peste, mais c’est la seule à porter ce nom. C’est aussi la première pandémie à avoir été bien décrite par les chroniqueurs de l’époque. Elle est parfois également appelée grande peste.
Elle tue entre 30 et 50 % des Européens en cinq ou six ans (1347-1352), faisant environ 25 millions de victimes. Les conséquences sur la civilisation européenne sont sévères et longues, d’autant que cette première vague est considérée comme le début explosif et dévastateur de la deuxième pandémie de peste, qui dure de façon plus sporadique jusqu’au début du XIXe siècle.
Cette pandémie provoque indirectement la chute de la dynastie Yuan en Chine, affecte l’Empire khmer et affaiblit encore plus ce qui reste de l’Empire byzantin, déjà moribond depuis la fin du XIe siècle et qui tombe finalement face aux Ottomans en 1453.
Origines du terme
Les contemporains désignent cette épidémie sous de nombreux termes : « grande pestilence », « grande mortalité », « maladie des bosses », « maladie des aines »1, et plus rarement « peste universelle »2 (qui doit être compris comme un équivalent de fléau universel). Le terme « peste noire » ou « mort noire » apparaît au XVIe siècle. Il semble que « noir » doive ici être pris au sens figuré (terrible, affreux), sans allusion médicale ou clinique1.
La popularité de l’expression serait due à la publication, en 1832, de l’ouvrage d’un historien allemand Justus Hecker(de) (1795-1850), Der schwarze Tod im vierzehnten Jahrhundert (« La Mort noire au XIVe siècle »). L’expression devient courante dans toute l’Europe. En Angleterre, le terme usuel de Black Death (mort noire) apparaît en 1843 dans un livre d’histoire destiné à la jeunesse1. Au début du XXIe siècle, Black Death reste le nom habituel de cette peste médiévale pour les historiens anglais et américains. En France, le terme « peste noire » est le plus souvent utilisé3.
Dans son ouvrage initial de 1832, Hecker dresse la liste des explications de l’emploi de l’adjectif « noir » : le deuil continu, l’apparition d’une comète noire avant l’épidémie, le fait qu’elle ait d’abord frappé les Sarrasins (à peau foncée), la provenance apparente de pays à pierres ou de terres noires, etc.1. Cet ouvrage est à la base de celui d’Adrien Phillippe4 paru en 1853 Histoire de la peste noire5.
Dans le langage médical français, jusqu’aux années 1970, le terme peste noire désignait plus particulièrement les formes hémorragiques de la peste septicémique ou de la peste pulmonaire6.
Épidémies précédentes
Le Moyen Âge fut traversé par de nombreuses épidémies, plus ou moins virulentes et localisées, et souvent mal identifiées (incluant grippe, variole et dysenteries)2 qui se déclenchèrent sporadiquement. Hormis peut-être le mal des ardents, qui est dû à une intoxication alimentaire, la plupart de ces épidémies coïncidèrent avec les disettes ou les famines qui affaiblissaient l’organisme. Le manque d’hygiène général et notamment la stagnation des eaux usées dans les villes, la présence de marais dans les campagnes favorisèrent également leur propagation. Ainsi, l’Artois est frappé à plusieurs reprises en 1093, 1188, 1429 et 1522.
La peste de Justinien (541-767) qui ravagea l’Europe méditerranéenne a été clairement identifiée comme peste due à Yersinia pestis. Elle fut sûrement à l’origine d’un déficit démographique pendant le haut Moyen Âge en Europe du Sud, et indirectement, de l’essor économique de l’Europe du Nord. Elle est considérée comme la première pandémie de peste ; sa disparition au VIIIe siècle reste énigmatique7.
L’absence de la peste en Europe dura six siècles. Quand l’Europe occidentale fut de nouveau touchée en 1347-1348, la maladie revêtit tout de suite, aux yeux des contemporains, un caractère de nouveauté et de gravité exceptionnelle, qui n’avait rien de commun avec les épidémies habituelles8. Pour les plus lettrés, les seules références connues pouvant s’en rapprocher étaient la peste d’Athènes et la peste de Justinien.
Contrairement à la peste de Justinien, qui fut essentiellement bubonique, la peste noire, due aussi à Yersinia pestis9, a pu revêtir deux formes : principalement bubonique10,11, mais aussi pulmonaire12, selon les circonstances.
Chroniqueurs et historiens
Histoire classique
Il ne manque pas d’écrits contemporains de la peste noire, comme la Nuova chronica du chroniqueur florentin Giovanni Villani, lui-même victime de la peste en 1348. Sa chronique s’arrête en 1346, mais elle est poursuivie par son frère Matteo Villani avec le récit détaillé de cette épidémie. Gabriel de Mussis(en) (1280-1356) de Plaisance est l’auteur d’un Historia de morbo en 134813.
De nombreux auteurs, médicaux ou non, ont donné par la suite avis et observations, mais une approche proprement historique de la peste médiévale n’apparaît qu’à la fin du XVIIIe siècle avec Christian Gottfried Gruner(de) (1744-1815) et Kurt Sprengel.
Le tournant décisif est pris en 1832 par Justus Hecker (voir section précédente) qui insiste sur l’importance radicale de la peste noire comme facteur de transformation de la société médiévale. L’école allemande place la peste noire au centre des publications médico-historiques avec Heinrich Haeser(de) (1811-1885), et August Hirsch (1817-1894). Ces travaux influencent directement l’école britannique, aboutissant au classique The Black Death (1969) de Philip Ziegler13.
Histoire multidisciplinaire
La découverte de la bactérie causale Yersinia pestis (1894), puis celle du rôle des rats et des puces, permettent de déterminer un modèle médical de la peste moderne dans la première moitié du XXe siècle. Ce modèle s’impose aux historiens pour expliquer et évaluer la peste médiévale. En même temps, ces chercheurs ont accès à de nouvelles sources locales officielles et semi-officielles, avec l’arrivée dans la deuxième moitié du XXe siècle de démographes, d’épidémiologistes et de statisticiens13.
Le modèle initial de Hecker, représentatif d’une « histoire-catastrophe », quasi apocalyptique, est corrigé et nuancé. La peste noire n’est plus un séparateur radical ou une rupture totale dans l’histoire européenne. Nombre de ses effets et de ses conséquences étaient déjà en cours dès le début du XIVe siècle ; ces tendances ont été exacerbées et précipitées par l’arrivée de l’épidémie. Le phénomène « peste noire » est mieux situé dans un contexte historique plus large à l’échelle séculaire d’un ou plusieurs cycles socio-économiques et démographiques13.
Un apport décisif est celui de Jean-Noël Biraben qui publie en 1975, Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, où la peste noire (Europe occidentale ,1348-1352) n’est qu’un aspect particulier des épidémies de peste qui se succèdent jusqu’au XVIIIe siècle, englobant l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient. Il est suivi en cela par nombre de chercheurs qui abordent la peste à différentes échelles spatio-temporelles, pas forcément centrées sur la peste noire du milieu du XIVe siècle, la plus connue du grand public.
À la fin du XXe siècle, l’étude de la peste noire médiévale apparaît de plus en plus comme multidisciplinaire avec le traitement des données par informatique, l’arrivée de nouvelles spécialités comme l’archéozoologie, la paléomicrobiologie ou la palynologie. Si les notions initiales des premiers historiens paraissent se confirmer en général, la peste noire historique comporte encore de nombreux problèmes en suspens, non ou mal expliqués. Au début du XXIe siècle, elle reste un objet vivant de recherches : mise en cause de données acquises, disputes et controverses avec pluralité de points de vue13,17,18.
Nature de la maladie
Le premier savoir biomédical moderne sur la peste est fondé sur les travaux menés dans la première moitié du XXe siècle à l’occasion de la troisième pandémie de peste, dite peste de Chine ou peste de Hong Kong. Cette troisième pandémie a donc servi de modèle pour expliquer la peste noire (début de la deuxième pandémie de peste)19.
Cependant, à partir des années 1970, des historiens et des épidémiologistes notent d’importantes différences entre la peste médiévale et les pestes modernes du XXe siècle. Par exemple, la peste médiévale a un taux de mortalité très élevé par rapport à la peste moderne (d’avant les antibiotiques), et elle se diffuse beaucoup plus vite. De plus les chroniqueurs européens médiévaux ne mentionnent pas de mortalité chez les rats19,13.
Quelques auteurs ont alors proposé d’autres hypothèses : la peste noire serait une maladie du charbon, une fièvre hémorragique virale pulmonaire, voire « toute maladie autre que la peste bubonique transmise par puce du rat ». D’autres comme une peste, mais transmise différemment par puce de l’homme (sans avoir besoin de rat)19,13.
En 1998, des microbiologistes ont pu mettre en évidence la présence d’ADN de Yersinia pestis dans la pulpe dentaire de squelettes retrouvés sur des sites de la deuxième pandémie20. Ces premiers travaux, d’abord contestés, ont été confirmés dans les années 2010, y compris pour la peste noire médiévale21,22,23.
Quoiqu’il existe de nombreuses questions non résolues, la très grande majorité des auteurs (historiens, épidémiologistes, microbiologistes…) considèrent que la peste noire, comme la peste de Justinien (première pandémie de peste), est bien la peste (bubonique ou pneumonique) causée par le bacille Yersinia pestis19,13.
Chronologie
Origines
Hypothèses
Les historiens sont en désaccord sur l’origine géographique exacte de la peste noire, mais ils sont unanimes sur son arrivée par la route de la soie, par le nord ou par le sud de la mer Caspienne24,25.
Principales routes de la soie, à la fin de l’Antiquité.
Pour les chroniqueurs musulmans andalous, comme Ibnul Khatib de Grenade, l’épidémie vient de Chine. Ils s’appuient sur le témoignage de marchands venant de Samarcande. Ils rapportent aussi une rumeur circulant chez les voyageurs chrétiens selon laquelle la peste est venue d’Abyssinie. La thèse de l’origine chinoise est reprise jusqu’au début du XXe siècle par des auteurs qui ne font, le plus souvent, que se recopier24. Elle s’appuie principalement sur Joseph de Guignes (1758) qui, en citant des annales chinoises, atteste que la capitale est atteinte en 133426.
Quelques chroniqueurs chrétiens voient l’origine de la maladie aux Indes, Giovanni Villani y fait allusion en parlant de feux souterrains et de pluies d’insectes dans ces pays. Des auteurs plus modernes situent l’origine sur les pentes sud de l’Himalaya, en surinterprétant le témoignage d’Ibn Battûta sur une épidémie sévissant à Mathura en 1332 (confusion probable avec Matrah selon Jean-Noël Biraben, en 1975)24.
Depuis le dernier quart du XXe siècle, les historiens ont tendance à déplacer l’origine de la peste noire vers la mer Noire et le sud de la Russie, réduisant la distance du trajet de la peste noire. Les uns s’appuient sur des données phylogénétiques de Yersinia pestis pour localiser l’origine de la peste noire au Kurdistan irakien, d’autres se basent sur des chroniques médiévales russes pour la placer entre le bassin du Don et celui de la Volga25.
Extension de la peste noire 1346-1351, hypothèse de l’Asie centrale.
Si des historiens s’appuient sur l’existence d’une Pax Mongolica favorisant le commerce, d’autres opposent les troubles politico-militaires de l’islamisation de chefs mongols (ce serait alors les guerres et non le commerce qui facilitent l’épidémie)24.
Déroulement
En 1346, les Mongols de la Horde d’orassiégèrent Caffa, comptoir et port génois des bords de la mer Noire, en Crimée. L’épidémie, ramenée d’Asie centrale par les Mongols, toucha bientôt les assiégés, car les Mongols catapultaient les cadavres des leurs par-dessus les murs pour infecter les habitants de la ville31. Cependant, pour Boris Bove il est plus plausible d’imaginer que la contamination des Génois fut le fait des rats passant des rangs mongols jusque dans la ville31, ou selon une théorie récente, plutôt des gerbilles32.
Le siège fut levé, faute de combattants valides en nombre suffisant : Génois et Mongols signèrent une trêve. Les bateaux génois, pouvant désormais quitter Caffa, disséminèrent la peste dans tous les ports où ils faisaient halte : Constantinople est la première ville touchée en 134733, puis la maladie atteignit Messine fin septembre 134734, Gênes et Marseille en novembre de la même année. Pise est atteinte le premier janvier 1348, puis c’est le tour de Spalato, la peste gagnant les ports voisins de Sebenico et de Raguse, d’où elle passe à Venise le 25 janvier 1348. En un an, la peste se répandit sur tout le pourtour méditerranéen8.
Dès lors, l’épidémie de peste s’étendit à toute l’Europe du sud au nord, y rencontrant un terrain favorable : les populations n’avaient pas d’anticorps contre cette variante du bacille de la peste, et elles étaient déjà affaiblies par des famines répétées35, des épidémies36, un refroidissement climatique sévissant depuis la fin du XIIIe siècle, et des guerres37.
Entre 1345 et 1350, le monde musulman et la région du croissant fertile sont durement touchés par la pandémie. Partie de Haute-Égypte, elle touche Alexandrie, Le Caire en septembre 1348, atteint la Palestine, touche successivement Acre, Sidon, Beyrouth, Tripoli et Damas en juin de la même année. Au plus fort de l’épidémie, Damas perd environ 1 200 habitants par jour et Gaza est décimée. La Syrie perd environ 400 000 habitants, soit un tiers de sa population. C’est après avoir ravagé l’Égypte, le Maghreb et l’Espagne qu’elle se répand finalement en Europe38.
La diffusion rapide de la peste est à imputer à l’arrivée du Rat noir en Europe. Natif d’Asie, il s’est rapidement propagé par les navires de commerces. Rattus rattus est le réservoir de la peste bubonique, dont le bacille est transmis à l’Homme via des puces, elles autochtones d’Europe.
La peste noire se répand comme une vague et ne s’établit pas durablement aux endroits touchés. Le taux de mortalité moyen — environ trente pour cent de la population totale et soixante à cent pour cent de la population infectée — est tel que les plus faibles périssent rapidement, et le fléau ne dure généralement que six à neuf mois. Seulement cette épidémie de peste a duré plusieurs années à cause des rats et des puces, vecteurs de la maladie, qui entretenaient les contaminations.
Cette progression n’est pas homogène, les régions n’étant pas toutes touchées de la même façon. Des villages, et même certaines villes sont épargnés comme Bruges, Milan et Nuremberg, au prix de mesures d’exclusion drastiques, et il en est de même pour le Béarn et la Pologne (carte ci-contre).
Afrique sub-saharienne
On a longtemps supposé que la peste, actuellement endémique dans une partie de l’Afrique, était arrivée sur ce continent depuis l’Inde et/ou la Chine au XIXe siècle. Des indices, notamment examinés par le programme de recherche GLOBAFRICA de l’Agence nationale de la recherche française, laissent cependant penser qu’on a sous-estimé la présence et les effets de l’épidémie dans la zone subsaharienne médiévale40.
À cause du manque d’archives écrites pour cette région et du peu de traces archéologiques dans les zones de forêt tropicale, les historiens et archéologues ont d’abord estimé que la bactérie Yersinia pestis n’avait pas traversé le Sahara vers le sud via les puces et rats ou des navires marchands côtiers. On n’avait pas non plus retrouvé dans ces régions de grandes « fosses à peste » comme en Europe. Et les récits d’explorateurs venus d’Europe aux XVe et XVIe siècles ne rapportent pas de témoignages sur une grande épidémie40.
Depuis, l’archéologie s’est alliée à l’histoire et à la génétique, plaidant pour une possible dévastation de la zone subsaharienne par la peste à l’époque médiévale. Elle s’y serait propagée via les voies commerciales reliant alors ces régions à d’autres continents40.
À Akrokrowa (Ghana) les archéologues ont trouvé une communauté agricole médiévale très développée qui a subi un effondrement démographique au moment même où la peste noire ravageait l’Eurasie et l’Afrique du Nord, puis des découvertes similaires ont été faites dans le cadre du projet GLOBAFRICA pour des périodes situées au XIVe siècle à Ife (Nigeria chez les Yorubas), de même sur un site étudié à Kirikongo (Burkina Faso) où la population semble avoir été brutalement divisée par deux durant la seconde moitié du XIVe siècle. Dans ces cas il n’y a pas de signes contemporains de guerre ou de famine, ni de migration. Ces changements évoquent ceux observés ailleurs, notamment dans les îles britanniques lors de la peste justinienne du VIe au VIIIe siècle40.
Les archives historiques éthiopiennes ont aussi commencé à livrer des mentions d’épidémies jusqu’ici ignorées pour la période allant du XIIIe au XVe siècle, dont l’une évoque une maladie qui a tué « un si grand nombre de gens que personne n’a été laissé pour enterrer les morts » et au CNRS, une historienne (Marie-Laure Derat) a découvert qu’au XVe siècle, deux saints européens adoptés par la culture et l’iconographie éthiopienne ancienne étaient associés à la peste (Saint Roch et Saint Sébastien)40. En 2016 les généticiens ont aussi mis en évidence un sous-groupe distinct de Y. pestis qui pourrait être arrivé en Afrique de l’Est vers le XVe – XVIe siècle, uniquement trouvé en Afrique orientale et centrale, phylogénétiquement proche de l’une des souches connue pour avoir dévasté l’Europe au XIVe siècle (c’est même le parent encore vivant de la peste noire le plus proche note une historienne de la peste Monica Green)41. Un autre variant de la bactérie (aujourd’hui disparu) avait déjà sévi dans l’ouest de l’Afrique et peut-être même au-delà. Pour étayer cette hypothèse, de l’ADN ancien est cependant encore nécessaire40.
Guerres et peste
Les rapports entre la guerre et la peste s’expliquent de diverses façons selon les historiens, et il n’est pas toujours facile de distinguer entre les causes et les conséquences.
Guerre de Cent Ans
Les effets de la guerre de Cent Ans paraissent limités, car elle n’est jamais totale (étendue géographique, et dans le temps – existence de trêves). L’impact démographique direct est faible et ne concerne que la noblesse, quoique des massacres de populations civiles soient attestés (Normandie, région parisienne). Il n’en est pas de même pour les conséquences indirectes liées à l’économie de guerre (pillage, rançon, impôts) : la misère, l’exode, la mortalité sont aggravés. Le bon sens populaire associe la guerre et la peste dans une même prière : « Délivre-nous, Seigneur, de la faim, de la peste et de la guerre »42.
La peste frappe Anglais et Français, assiégeants et assiégés, militaires et civils, sans distinction. Cette mortalité par peste est sans commune mesure avec les pertes militaires au combat (une armée de plus de dix mille hommes est exceptionnelle à l’époque). La guerre tue par milliers sur un siècle, la peste par millions en quelques années. La peste est l’occasion d’interrompre la guerre de Cent Ans (prolongation de la trêve de Calais en 1348), mais elle n’en change guère le cours en profondeur43. La proximité de la peste limite les opérations (évitement des zones où la peste sévit). Des bandes armées ont pu disséminer la peste, mais aucune armée n’a été décimée par la peste durant la guerre de Cent Ans44.
Autres conflits
D’autres historiens insistent sur l’influence de la peste sur le déroulement des opérations militaires, surtout en Méditerranée : la fin du siège de Caffa, la mort d’Alphonse XI lors du siège de Gibraltar, la réduction des flottes de guerre de Venise et de Gênes, l’ouverture de la frontière nord de l’Empire byzantin, la dispersion de l’armée de Abu Al-Hasan après la bataille de Kairouan (1348), l’arrêt de la Reconquista pour plus d’un siècle45, etc.
Conséquences démographiques et socio-économiques
La peste eut d’importantes conséquences démographiques, économiques, sociales et religieuses.
Les sources documentaires sont assez éparses et couvrent généralement une période plus longue, mais elles permettent une approximation assez fiable. Les historiens s’entendent pour estimer la proportion de victimes entre 30 et 50 % de la population européenne, soit entre 25 et 45 millions de personnes46. Les villes sont plus durement touchées que les campagnes, du fait de la concentration de la population, et aussi des disettes et difficultés d’approvisionnement provoquées par la peste (chute de la production céréalière dans les campagnes).
Au niveau mondial, il faut ajouter les morts de l’empire byzantin, du monde musulman, du Moyen-Orient, de la Chine et de l’Inde, dont les données sont peu connues. Adrien Philippe estimait les pertes comme suit :
« Le tiers au moins de la population européenne a été emportée par le fléau. L’Europe comptant aujourd’hui 210 millions d’habitants (en 1853), on peut sans exagérer porter à 110 millions la population de ce continent au XIVe siècle [ce chiffre parait aujourd’hui surestimé, on pense que l’Europe pouvait compter environ 75 millions d’habitants]. Cette partie du monde a donc perdu 37 millions d’habitants, auxquels il faut ajouter les 13 millions de la Chine [selon l’historien arabe Aboul Mahassen (1411-1470) cité p. 13], et les 24 millions des autres contrées de l’Asie et de l’Afrique (du Nord) [Rapport fait au Pape Clément VI, cité p. 15] : ce qui élève le total pour le monde entier à 74 millions. C’est le minimum5. » [Adrien Philippe, p. 138-139].
En effet, la population de la Chine aurait diminué de moitié entre 1200 et 1400 (passant de 120 à 65 millions), du fait de l’invasion mongole, de catastrophes climatiques, de famines et de la peste, dont il est difficile de mesurer les parts respectives ; par ailleurs, des recherches archéologiques récentes faites en Afrique subsaharienne, non seulement sur la côte Est, activement fréquentée par les Arabes, mais aussi à l’Ouest, le long du golfe de Guinée, ont révélé l’existence de nombreuses cités abandonnées à cette époque, sans trace de violence, mais en des lieux devenus tabous et désertés ; on constate aussi la disparition (provisoire) de certaines techniques comme l’art du bronze. Il conviendrait donc d’ajouter environ 20 millions d’Africains à ce bilan.
Selon les sources, la peste noire aurait fait entre 75 et 200 millions de morts au XIVe siècle47,48 ; mais en réalité, les sources universitaires attribuent le chiffre de 200 millions de victimes à l’ensemble des trois épidémies mondiales de peste, depuis la peste de Justinien (541-767) jusqu’au début du XXIe siècle49,50. Cette pandémie fut certainement la plus considérable de l’histoire, avec une létalité des malades supérieure à 50 %, et une mortalité d’environ 20 % de la population mondiale (30 % sur les trois continents touchés), qui comptait alors 420 à 450 millions d’individus51, et qui tomba à 360 millions. Par comparaison, la grippe espagnole (1917-1922) a peut-être tué 100 millions de personnes en chiffres absolus, mais sur une population de 1,8 milliard, soit moins de 6 %, ce qui, joint aux pertes de la guerre mondiale, explique son moindre impact dans l’imaginaire collectif de l’époque.
Il existait déjà une récession économique depuis le début du XIVe siècle, à cause des famines et de la surpopulation (il y eut en 1315-1317 une grande famine européenne qui stoppa l’expansion démographique et prépara le terrain à l’épidémie).
Cette récession se transforme en chute brutale et profonde avec la peste noire et les guerres. La main-d’œuvre vint à manquer et son coût augmenta, en particulier dans l’agriculture. De nombreux villages furent abandonnés, les moins bonnes terres retournèrent en friche et les forêts se redéveloppèrent. En France, la production céréalière et celle de la vigne chutent de 30 à 50 % selon les régions42.
Les propriétaires terriens furent contraints de faire des concessions pour conserver (ou obtenir) de la main-d’œuvre, ce qui se solda par la disparition du servage. Les revenus fonciers s’effondrèrent à la suite de la baisse du taux des redevances et de la hausse des salaires ; le prix des logements à Paris fut divisé par quatre52.
Les villes se désertifièrent les unes après les autres, la médecine de l’époque n’ayant ni la connaissance de la cause de l’épidémie ni les capacités de la juguler. Cette désertification est compensée par un exode rural pour repeupler les villes, dans un rayon moyen de 30 à 40 km autour des villes et des gros bourgs53.
Mortalité et démographie
La France ne retrouva son niveau démographique de la fin du XIIIe siècle que dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
En France, entre 1340 et 1440, la population a décru de 17 à 10 millions d’habitants, une diminution de 41 %. La France avait retrouvé le niveau de l’ancienne Gaule. Le registre paroissial de Givry, en Saône-et-Loire, l’un des plus précis, montre que pour environ 1 500 habitants, on a procédé à 649 inhumations en 1348, dont 630 de juin à septembre, alors que cette paroisse en comptait habituellement environ 40 par an : cela représente un taux de mortalité de 40,6 %. D’autres registres, comme celui de l’église Saint-Nizier de Lyon, confirment l’ordre de grandeur de Givry (30 à 40 %)54.
Une source indirecte de mortalité est l’étude des séries de legs et testaments enregistrés. Par exemple, les historiens disposent des données de Besançon et de Saint-Germain-l’Auxerrois, qui montrent que les legs et les testaments décuplent en 1348-1349 par rapport à 1347, mais l’interprétation en est délicate. « La mortalité précipite les hommes non seulement chez leur confesseur mais aussi chez leur notaire […] mais [cela] ne permet pas de la mesurer, car il dépend autant, sinon plus, de la peur de la maladie qui multiplie les legs pieux que des ravages de la peste elle-même »55.
C’est l’Angleterre qui nous a laissé le plus de témoignages ce qui, paradoxalement, rend l’estimation du taux de mortalité plus ardue, les historiens fondant leurs calculs sur des documents différents : les chiffres avancés sont ainsi entre 20 et 50 %. Cependant, les estimations de population entre 1300 et 1450 montrent une diminution située entre 45 et 70 %. Même si là encore la baisse de population était en cours avant l’éclosion de la peste, ces estimations rendent le 20 % peu crédible, ce taux étant fondé sur des documents concernant des propriétaires terriens laïcs qui ne sont pas représentatifs de la population, essentiellement paysanne et affaiblie par les disettes.
Dans le reste de l’Europe, les historiens tentent d’approcher la mortalité globale par des études de mortalité de groupes socio-professionnels mieux documentés (médecins, notaires, conseillers municipaux, moines, évêques). En Italie, il est communément admis par les historiens que la peste a tué au moins la moitié des habitants. Seule Milan semble avoir été épargnée, quoique les sources soient peu nombreuses et imprécises à ce sujet. Des sources contemporaines citent des taux de mortalité effrayants : 80 % des conseillers municipaux à Florence, 75 % à Venise, etc. En Espagne, la peste aurait décimé de 30 à 60 % des évêques56.
En Autriche, on a compté 4 000 victimes à Vienne, et 25 à 35 % de la population mourut. En Allemagne, les populations citadines auraient diminué de moitié, dont 60 % de morts à Hambourg et Brême57.
Empire byzantin
L’Empire byzantin est durement touché lui aussi par la peste, il connaîtra 9 vagues épidémiques majeures du XIVe siècle au XVe siècle (de 1347 à 1453) d’une durée moyenne de trois ans espacées d’une dizaine d’années. La peste touche particulièrement Constantinople, le Péloponnèse, la Crète et Chypre. Cependant, l’Empire byzantin est aussi affaibli par des défaites militaires, des guerres civiles ou des tremblements de terre, en sorte que la peste noire accentue son déclin, mais ne le provoque pas.
L’histoire médiévale de cette région montre que les ambitions économiques, politiques et militaires étaient plus fortes que la peur de la peste. Le commerce et la guerre contribuent à propager la maladie, les hommes finissant par intégrer la peste comme une part de leur vie33. Après la chute de Constantinople, l’Empire ottoman subira aussi de graves épidémies de peste jusqu’à la fin du XVIe siècle.
Monde musulman
Ibn Khaldoun, philosophe et historien musulman du XIVe siècle, de Tunis, évoque dans son autobiographie la perte de plusieurs membres de sa famille dont sa mère en 1348 et son père en 1349, de ses amis et de ses professeurs à cause de la peste. Il évoquera à plusieurs reprises ces événements tragiques, notamment dans la Muqaddima (traduite en Prolégomènes)58 :
« Une peste terrible vint fondre sur les peuples de l’Orient et de l’Occident ; elle maltraita cruellement les nations, emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation. Elle se montra lorsque les empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu’ils étaient menacés d’une destruction complète. La culture des terres s’arrêta, faute d’hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s’effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea d’aspect59. »
Le bilan humain en Méditerranée orientale est difficile à évaluer, faute de données fiables (manque de données démographiques, difficulté à interpréter les chroniques)33. On cite quelques données significatives : la plus grande ville de l’islam à cette époque était Le Caire avec près de 500 000 habitants, sa population chute en quelques années à moins de 300 000. La ville avait 66 raffineries de sucre en 1324, elle en a 19 en 1400. Le repeuplement des grandes villes se fait aux dépens des campagnes, dans un contexte de disettes et de crises économiques et monétaires. En Égypte, le dirham d’argent est remplacé par du cuivre. Alexandrie qui comptait encore 13 000 tisserands en 1394, n’en compte plus que 800 en 143460.
Réactions collectives
Face à la peste, et à l’angoisse de la peste, les populations réagissent par la fuite, l’agressivité ou la projection. La fuite est générale pour ceux qui en ont la possibilité. Elle se manifeste aussi dans le domaine moral, par une fuite vers la religion, les médecins, charlatans et illuminés, ou des comportements par mimétisme (manie dansante, hystérie collective…)61.
L’agressivité se porte contre les Juifs et autres prétendus semeurs de peste (lépreux, sorcières, mendiants…), ou contre soi-même (de l’auto-flagellation jusqu’au suicide). La projection est l’œuvre des artistes : les figurations de la peste et leurs motivations seraient comme une sorte d’exorcisme, modifiant les sensibilités61, en particulier les danses macabres62.
Les réactions les plus particulières à l’époque de la peste noire sont les violences contre les Juifs et les processions de flagellants61. Le Juif Agimet de Genève par exemple aurait été envoyé à Venise, en Calabre, en Apulie et encore à Toulouse par le rabbin Peyret de Chambray’ avec des doses de poisons à placer dans des puits63.
En juillet, le roi de France Philippe VI fait traduire en justice des Juifs accusés d’avoir empoisonné les puits. Six Juifs sont pris à Orléans et exécutés. Le 6 juillet, le pape Clément VI d’Avignon proclame une bulle en faveur des Juifs, montrant que la peste ne fait pas de différences entre les Juifs et les chrétiens, il parvient à prévenir les violences au moins dans sa ville. Ce n’est pas le cas dans le comté de Savoie qui, au mois d’août, devient le théâtre de massacres. Le comte Amédée VI tente de protéger puis laisse massacrer les Juifs du ghetto de Chambéry. En septembre 1348, des Juifs de la région du château de Chillon sur le lac Léman, sont torturés jusqu’à ce qu’ils avouent, faussement, avoir empoisonné les puits66. Leurs confessions provoquent la fureur de la population qui se livre à des massacres et à des expulsions. En octobre, les massacres continuent dans le Bugey, à Miribel et en Franche-Comté67.
Les Ashkénazes d’Allemagne sont victimes de pogroms. Trois cents communautés sont détruites ou expulsées. Six mille Juifs sont tués à Mayence. Nombre d’entre eux fuient vers l’est, en Pologne et en Lituanie.
Plusieurs centaines de Juifs sont brûlés vifs lors du pogrom de Strasbourg le 14 février134968, d’autres sont jetés dans la Vienne à Chinon. En Autriche, le peuple, pris de panique, s’en prend aux communautés juives, les soupçonnant d’être à l’origine de la propagation de l’épidémie, et Albert II d’Autriche doit intervenir pour protéger ses sujets juifs69.
Interprétations
Si les accusations contre les Juifs ont été largement répandues dans toute l’Europe occidentale, les violences se concentrent dans des régions bien limitées (essentiellement l’axe économique Rhône-Rhin). En Angleterre, les Juifs sont accusés, mais non persécutés, à cause de leur évidente pauvreté (les banquiers et riches commerçants juifs ont été expulsés par Édouard Ier en 1290). En Scandinavie, on accuse aussi les Juifs d’empoisonner les puits, mais il n’y a pas de Juifs en Scandinavie. Les chroniqueurs arabes, de leur côté, ne mentionnent pas de persécutions contre les Juifs à l’occasion d’épidémies de peste70.
Un autre facteur est l’importance des communautés médicales juives en Provence. Du tiers à la moitié des médecins provençaux connus du XIIe siècle au XVe siècle étaient juifs. La petite ville de Trets comptait six médecins juifs et un chrétien au XIVe siècle71. L’arrivée de la peste noire en Provence met à nu l’impuissance de la médecine, et par là, celle des Juifs, dont le savoir des remèdes se serait retourné contre eux. On croit qu’ils reçoivent, par la mer, des sachets de venin réduits en poudre qu’ils sont chargés de répandre72.
Selon J.N. Biraben, la richesse des Juifs aurait pu jouer un rôle, à cause de leur situation de prêteurs, faisant appel aux autorités pour faire régler leurs débiteurs. La peste aurait mis le feu aux poudres, les héritiers des morts de peste se retrouvant débiteurs ; cela est bien documenté pour la région de Strasbourg, mais reste hypothétique ailleurs73. Selon l’historien Samuel Kline Cohn, les persécutions sont le fait de personnes de haut rang qui les planifient avant de les mettre en œuvre, non pas tant pour des raisons économiques, que pour des raisons sacrificielles. Dans les villes allemandes, les massacres précèdent l’épidémie, ce qui indiquerait qu’ils étaient censés apaiser la colère divine74.
Trésors de peste
Bague juive de mariage, début du XIVe siècle, or ciselé et émaillé, du trésor de Colmar.
Lorsque les violences s’approchent des régions rhénanes, durant l’hiver 1348-1349, les familles juives d’Allemagne cachent monnaies et objets précieux dans ou autour de leur maison. De nombreux trésors furent enterrés ou emmurés, puis abandonnés à la mort ou la fuite de leurs propriétaires. Plusieurs de ces trésors ont été retrouvés, témoignant de la vie et de la culture juive médiévale en Europe75.
Parmi les trésors étudiés les plus importants, le premier a été trouvé à Weissenfels en 1826, d’autres à Colmar (1863), Bâle (1937), Cologne (1953)… Le plus récent a été découvert à Erfurt en 1998.
Le trésor de Colmar appartient au musée de Cluny de Paris75 qui l’a exposé avec le trésor d’Erfurt du 25 avril au 3 septembre 2007. Ces trésors sont identifiés par leur lieu de découverte, leur datation et la présence caractéristique de bagues de mariage juives76.
Des groupes de flagellants se formèrent, tentant d’expier les péchés, avant la parousie, dont ils pensaient que la peste était un signe annonciateur. Cependant ces groupes restaient extrêmement marginaux, la plupart des chrétiens firent face au fléau par une piété redoublée, mais ordinaire et encadrée par un clergé qui réprouvait les excès77.
Danses maniaques
La disparition d’une partie du clergé entraîne une résurgence de comportements superstitieux ou inhabituels, liés à une contagion par imitation lors de stress collectifs. C’est notamment le cas de la manie dansante ou épidémie de danse de saint Guy (ou saint Vit ou Vitus)78.
Déjà signalée dans les populations germaniques au XIIIe siècle, une manie dansante survient en Lusace, près de la Bohême, en 1349 à l’approche de la peste noire. Des femmes et jeunes filles se mettent à danser devant un tableau de la Vierge78. Elles dansent nuit et jour, jusqu’à l’effondrement, puis se relèvent et recommencent après un sommeil réparateur79.
En juillet 1374, dans plusieurs villes du Rhin moyen, des centaines de jeunes couples se mettent à danser et chanter, circulant dans toute la région. Les spectateurs les imitent et se joignent à eux. Le mauvais temps les arrête en novembre, mais chaque été, ils recommencent jusqu’en 1381. Le clergé parvient à les contrôler en les conduisant en pèlerinage78.
Le phénomène se retrouve en 1414 à Strasbourg pour se répandre en Allemagne, il se répète en 1463 à Metz78. Le plus documenté est l’épidémie dansante de 1518 à Strasbourg, liée à des tensions sociales et économiques, et aux menaces répétées et imprévisibles d’épidémies de peste79.
Le rapport entre ces danses maniaques et le thème artistique de la danse macabre reste peu clair79.
Moyens thérapeutiques
La médecine du XIVe siècle était impuissante face à la peste qui se répandait. Les médecins utilisaient plusieurs moyens simultanément, car nul traitement unique n’avait de succès ou même n’était meilleur qu’un autre. La médecine galénique, basée sur la théorie humorale, privilégiait les remèdes internes, mais dès le début de la peste noire, elle tend à être supplantée par une théorie miasmatique basée sur un « venin » ou « poison ». Le poison de la peste pénètre le corps à partir de l’air infect ou par contact (personne ou objet).
Toutes ces théories pouvaient se combiner : la peste est une pourriture des humeurs due à un poison transmissible par air ou par contact. Ce poison est un principe de corruption provenant des profondeurs de la terre (substances en putréfaction), qui s’élève dans l’air, à la suite d’un phénomène « météo-géologique » (tremblement de terre, orage…) ou astronomique (conjonction de planètes, passage de comète…), et qui retombe sur les humains80.
La distinction entre moyens médicaux, religieux, folkloriques ou magiques est faite par commodité, mais l’ensemble de ces moyens était largement accepté par les médecins savants de l’époque81.
Remèdes externes
Ils ont pour but soit d’empêcher la pénétration du poison, soit de faciliter sa sortie. Contre l’air empoisonné, on se défend par des fumigations de bois ou de plantes aromatiques.
Les médecins arabes avaient remarqué que les survivants de peste étaient plutôt ceux dont les bubons avaient suppuré (vidés de leur pus). Selon leur avis, les chirurgiens de peste incisaient ou cautérisaient les bubons. Ils le faisaient dans des conditions non stériles, occasionnant souvent des surinfections.
De nombreux onguents de diverses compositions (herbes, minéraux, racines, térébenthine, miel…) pouvaient enduire les bubons et le reste du corps (à visée préventive ou curative). On utilisait parfois des cataplasmes à base de produits répugnants (crapauds, asticots, bile et fiente d’origines diverses…) selon l’idée que les poisons attirent les poisons82. Ainsi les parfums empêchent la pénétration du poison, et les mauvaises odeurs facilitent sa sortie.
Les saignées avaient pour but d’évacuer le sang corrompu, ce qui le plus souvent affaiblissait les malades.
Les bains chauds, les activités physiques qui provoquent la sudation comme les rapports sexuels sont déconseillés, car ils ouvrent les pores de la peau rendant le corps plus vulnérable aux venins aériens.
Remèdes internes
La médecine de Galien insiste sur les régimes alimentaire et de vie. Selon la théorie des humeurs, la putréfaction est de nature « chaude et humide », elle doit être combattue par des aliments de nature « froide et sèche », faciles à digérer. La liste et les indications de tels aliments varient selon les auteurs de l’époque83.
Une attitude morale tempérée est protectrice car les principales passions qui ouvrent le corps à la pestilence sont la peur, la colère, le désespoir et la folie.
Les contre-poisons utilisés sont des herbes telles que la valériane, la verveine, ou des produits composés complexes connus depuis l’Antiquité comme la thériaque. Les antidotes minéraux sont des pierres ou métaux précieux, décapés ou réduits en poudre, pour être avalés en jus, sirop, ou liqueur : or, émeraude, perle, saphir82.
Les remèdes visent à expulser le poison, ce sont les émétiques, les purgatifs, les laxatifs, ce qui épuisait les malades plus qu’autre chose.
L’Église organise des processions religieuses solennelles pour éloigner les démons84, ou des actes de dévotion spectaculaire pour apaiser la colère divine, par exemple la confection de cierges géants, la procession à pieds nus, les messes multiples simultanées ou répétées85.
Le culte à la Vierge cherche à répéter le miracle survenu à Rome en 590. Cette année-là, lors de la peste de Justinien, une image de la vierge censée peinte par saint Luc, promenée dans Rome, dissipa aussitôt la peste. À ce culte s’ajoute celui des saints protecteurs de la peste : saint Sébastien et saint Roch86.
Des amulettes et talismans sont portés comme le symbole visible d’un pouvoir invisible, par les Juifs, les chrétiens et les musulmans. Les musulmans portent des anneaux où sont inscrits des versets du Coran, quoique l’opinion des lettrés diverge sur ce point, de nombreux textes musulmans sur la peste recommandent des amulettes, incantations et prières contre la peste provenant non pas d’Allah, mais des démons ou djinns81.
En Occident, en dépit de la désapprobation de l’Église, les chrétiens utilisent charmes, médaillons, textes de prière suspendus autour du cou. L’anneau ou la bague ornée d’un diamant ou d’une pierre précieuse, portée à la main gauche, vise à neutraliser la peste et tous les venins. C’est l’origine magique, à partir de la pharmacopée arabe, du solitaire ou bague de fiançailles des pays occidentaux87.
Les processions de flagellants, notamment à partir de 1349, sont mises en avant comme un effort pour détourner le châtiment divin, tel qu’est perçu le fléau88
Mesures sociales
Gestion des décès
Par leur nombre, les morts ont posé un problème aigu au cours de la peste noire. D’abord pour les évaluer, l’habitude sera prise de recensements réguliers, avant et après chaque épidémie. Le clergé sera chargé d’établir les enregistrements des décès et l’état civil. De nouveaux règlements interdisent de vendre les meubles et vêtements des morts de peste. Leurs biens, voire leur maison, sont souvent brûlés. Dès 1348, des villes établissent de nouveaux cimetières extra muros, Il est désormais interdit d’enterrer autour des églises, à l’intérieur même des villes, comme on le faisait auparavant89.
Les règlements de l’époque indiquent que l’on devait enterrer les cadavres de pestiférés au plus tard six heures après la mort. La tâche est extrêmement dangereuse pour les porteurs de morts, qui viennent bientôt à manquer. On paye de plus en plus cher les ensevelisseurs qui seront, dans les siècles suivants, affublés de noms et d’accoutrements divers selon les régions (vêtus de cuir rouge avec grelots aux jambes, ou de casaques noires à croix blanche)90.
En dernière ressource on utilise la main-d’œuvre forcée : prisonniers de droit commun, galériens, condamnés à mort… à qui on promet grâce ou remises de peine. Ces derniers passent dans les maisons ou ramassent les cadavres dans les rues pour les mettre sur une charrette. Ils sont souvent ivres, voleurs et pilleurs. Des familles préfèrent enterrer leurs morts dans leur cave ou jardin, plutôt que d’avoir affaire à eux90.
Lorsque les rites funéraires d’enterrement y compris en fosse commune ne sont plus possibles de par l’afflux de victimes, les corps peuvent être immergés comme en la Papauté d’Avignon dans le Rhône en 1348, dont les eaux ont été bénies pour cela par le Pape. De même, à Venise des corps sont jetés dans le Grand Canal, et un service de barges est chargé de les repêcher91. Les sources mentionnent rarement l’incinération de cadavres, comme à Catane en 1347 où les corps des réfugiés venus de Messine sont brûlés dans la campagne pour épargner à la ville la puanteur des bûchers89.
Pour les trois religions monothéistes, le respect du mort est essentiel, la promesse de vie éternelle et de résurrection dissuade en fait toute crémation ou autre forme de destruction de l’intégrité corporelle. Le rite funéraire est simplifié et abrégé, mais maintenu autant que possible, mais lorsque les membres du clergé eux-mêmes disparaissent, mourir de peste sans aucun rituel devient encore plus terrifiant pour les chrétiens. En pays d’islam, la difficulté de maintenir les rites est plus supportable pour les musulmans car mourir de peste fait partie des cinq martyrs (chahid). Comme la mort lors du djihad, elle donne accès immédiat au Paradis92.
En Occident, durant la peste noire, la lutte contre les pillages et les violences de foule est d’abord assurée par les sergents de ville ordinaires. Plus tard, les conseils municipaux engageront des troupes spéciales chargées de garder, en temps de peste, les villes désertées par leurs habitants93.
Règlements sanitaires
Au début du XIVe siècle, les règlements d’hygiène publique sont pratiquement inexistants, à l’exception de quelques grandes villes d’Italie comme Florence (surveillance du ravitaillement, dont la qualité des viandes, et de la santé des habitants). La peste noire prend la population au dépourvu et elle sera le point de départ des administrations de santé en Europe. Dès 1348 (première année de la peste noire), plusieurs villes italiennes se dotent d’un règlement de peste : Pistoie, Venise, Milan, Parme, etc., tout comme Gloucester en Angleterre. Ces villes interdisent l’entrée des voyageurs et des étrangers venant de lieux infectés94.
Les premières villes à édicter un isolement radical de la ville elle-même sont Reggio en 1374, Raguse (Dubrovnik depuis 1918) en 1377, Milan (1402) et Venise (1403). Ces premières mesures sont des tentatives et des tâtonnements, le plus souvent par emprunts d’une ville à l’autre. Elles sont très diverses, depuis l’interdiction de donner le sang des saignées des pestiférés aux pourceaux (Angers, 1410) jusqu’à l’interdiction de vendre des objets appartenant à des pestiférés (Bruxelles, 1439)94.
Les premiers isolements préventifs (quarantaine) apparaissent à Raguse en 1377, tous les voyageurs qui arrivent d’un lieu infecté devant passer un mois sur une île avant d’entrer dans la ville. Venise adopte le même système la même année en portant le délai à 40 jours, comme Marseille en 1383. Ce système est adopté par la plupart des ports européens durant le XVe siècle95.
La quarantaine sur terre est adoptée d’abord en Provence (Brignoles, 1464), et se généralise pour les personnes et les marchandises durant le XVIe siècle95. C’est aussi en Provence (Brignoles 1494, Carpentras 1501) qu’apparaît le « billet de santé » ou passeport sanitaire délivré aux voyageurs sortant d’une ville saine, et exigé par les autres villes pour y entrer. L’usage du billet de santé se répand lentement et ne se généralise que vers le début du XVIIe siècle (Paris, 1619)96.
Peu à peu se mettent en place des « règlements de peste », de plus en plus élaborés au fil du temps : c’est le cas des villes en France à partir du XVe siècle. L’application de ces mesures dépend d’un « bureau de santé » composé de plusieurs personnes ou d’une seule dite « capitaine de santé », le plus souvent dotés d’un pouvoir dictatorial en temps de peste. Cette institution apparaît d’abord en Italie et en Espagne, puis elle gagne le sud-est de la France à la fin du XVe siècle. Elle s’étend lentement au nord de la France (Paris, 1531)97.
Durant le XVIe siècle, ces règlements sont codifiés par les parlements provinciaux, ajustés et précisés à chaque épidémie au cours du XVIIe siècle. Ils relèvent du niveau gouvernemental au début du XVIIIe siècle97.
Personnels de santé
À la fin du XIIIe siècle, quelques villes italiennes engagent des médecins pour soigner les pauvres (en dehors des œuvres de charité de l’Église). À l’arrivée de la peste, de nouveaux médecins sont engagés à prix d’or (par manque de candidats). En 1348, c’est le cas d’Orvieto et d’Avignon. Des médecins de peste sont ainsi engagés durant les XVe et XVIe siècles, de même que des chirurgiens, apothicaires, infirmiers, sages-femmes… pour assurer les soins en temps de peste, souvent pour remplacer ceux qui ont fui, abandonnant leur poste, car les risques sont considérables98.
La mort d’artistes, d’ouvriers qualifiés, de mécènes, etc., entraîne des effets directs, notamment l’arrêt ou le ralentissement de la construction des cathédrales, comme celle de la cathédrale de Sienne, dont le projet initial ne sera jamais réalisé. Des historiens anglais attribuent l’apparition du style gothique perpendiculaire aux restrictions économiques liées à la peste noire99. En France, la plupart des grands chantiers ne reprendront qu’après 1450100.
Sur les lieux où la peste s’arrête ou se termine, des chapelles ou autres petits édifices dédiés (chapelles votives, oratoires…) sont construits invoquant ou remerciant la Vierge, des saints locaux, Saint Sébastien ou Saint Roch101…
Paradoxalement en Italie (particulièrement à Sienne et à Florence) une recrudescence de commandes d’art permet de perpétuer le souvenir des familles décimées par la peste et surtout des survivants ayant hérité des biens familiaux : « Le spécialiste de la peste noire en Europe, le professeur Samuel Kline Cohn, a analysé 3 226 testaments du XIIe siècle à 1425. Il en ressort que de 1364 à 1375, les testaments contiennent essentiellement des commandes d’œuvres d’art, chapelles ou peintures pour glorifier le (futur) défunt et sa lignée. »102.
Sensibilités religieuses
La crainte, de la part des familles riches, des enterrements de masse et des fosses communes, entraîne par réaction un développement de l’art funéraire : caveaux et chapelles familiales, tombes monumentales… Le gisant, statue mortuaire représentant le défunt dans son intégrité physique et en béatitude, tend à être remplacé par un transi, représentant son cadavre nu en décomposition99.
La peste marque également la peinture. Selon Meiss103, les thèmes optimistes de la Vierge à l’enfant, de la Sainte Famille et du mariage laissent la place à des thèmes d’inquiétudes et de douleurs104, comme la Vierge de pitié qui tient, dans ses bras, son fils mort descendu de la croix99, ou encore celui de la Vierge de miséricorde ou « au manteau » qui abrite et protège l’humanité souffrante105.
La représentation du Christ en croix passe du Christ triomphant sur la croix à celle du Christ souffrant sur la croix où un réalisme terrible détaille toutes les souffrances : les sueurs de sang, les clous, les plaies, et la couronne d’épines99.
La représentation du supplice de saint Sébastien évolue : de l’homme mûr habillé, à celle d’un jeune homme dénudé, juste vêtu d’un pagne à l’image du Christ99.
Selon Michel Vovelle, le thème de la vie brève s’accompagne d’une « âpreté à vivre », avec la recherche de joies et de plaisirs, comme dans l’œuvre de Boccace, le Décaméron107.
Dès le XIIIe siècle, des thèmes macabres apparaissent comme le Dit des trois morts et des trois vifs sur des fresques ou des miniatures, où de jeunes gens rencontrent des morts-vivants qui leur parlent : « nous avons été ce que vous êtes, vous serez ce que nous sommes ». Apparu en Italie et en France, ce thème se répand et se développe jusqu’au XVIe siècle. Un autre thème plus célèbre est celui de la danse macabre où les vivants dansent avec les morts, ce thème se retrouve surtout sur les fresques d’églises de l’Europe du Nord108.
Selon Vovelle : « C’est à peine exagérer que de dire que, jusqu’à 1350, on n’a point su comment représenter la mort, parce que la mort n’existait pas109. » De rares représentations avant cette date, la montrent comme un monstre velu et griffu, à ailes de chauve-souris. Cette mort figurée perd ses références chrétiennes en rapport avec le péché et le salut.
Elle devient une image autonome et « laïque » : c’est un transi avec une chevelure féminine, qui se décharne de plus en plus jusqu’au squelette proprement dit. C’est la mort implacable, d’origine pré-chrétienne, celle que rappelle le Memento mori.
Cette mort monte à cheval, armée d’une faux ou d’un arc, elle frappe en masse. C’est le thème du triomphe de la mort, dont les représentations les plus célèbres sont celles du palais Sclafani à Palerme, et Le Triomphe de la Mort de Brueghel109.
Au XVe siècle, et jusqu’à 1650, toute une littérature se développe sur « l’art de bien mourir », c’est l’Ars moriendi. Il s’agit de rituels destinés à se substituer à l’absence de prêtres (en situation d’épidémie de peste). Différentes versions apparaissent après la Réforme : anglicane, luthérienne et calviniste99.
Des thèmes picturaux se rattachent directement à la peste noire, comme celui du nourrisson s’agrippant au sein du cadavre de sa mère. Selon Mollaret, ces œuvres « sont d’hallucinants documents, en particulier lorsqu’elles furent peintes par des artistes ayant personnellement vécu la peste »105.
Avec Hans Baldung (1484-1545) apparaît le thème de la femme nue au miroir où la mort montre un sablier. Ce serait un premier exemple de peintures de vanité, où la mort-squelette laissera la place à des objets symboliques : sablier, horloge, lampe éteinte, bougie presque consumée, crâne, instrument de musique aux cordes brisées105…
Poésie en Islam
De nombreux passages poétiques sont incorporés dans des chroniques historiques ou médicales, comme celles de Ibn al-Wardi(en) (mort en 1349) d’Alep, ou d’Ibrahim al-Mimar du Caire. Les descriptions poétiques de la peste noire expriment l’horreur, la tristesse, la résignation religieuse mais aussi l’espoir des musulmans en situation épidémique110.
Dans la culture contemporaine
Littérature et cinéma
Plusieurs uchronies ont été écrites sur le thème de la peste noire. Ainsi, dans La Porte des mondes de Robert Silverberg, l’auteur imagine que la peste noire est bien plus meurtrière, éliminant les trois quarts de la population européenne et changeant complètement l’histoire du monde. Cette idée est également reprise par Kim Stanley Robinson dans Chroniques des années noires, mais dans cette uchronie c’est la totalité des habitants de l’Europe qui périt, entraînant, de la même façon que dans le roman précédent, une histoire complètement différente de celle que l’on connaît.
Connie Willis donne aussi ce cadre à son roman, Le Grand Livre, où une historienne du XXIe siècle qui voyage dans le temps tombe par erreur en pleine peste noire, la confrontant ainsi aux horreurs de cette pandémie.
Ken Follett représente bien les conséquences de la peste noire dans son roman Un monde sans fin où les habitants de la ville fictive de Kingsbridge doivent affronter l’épidémie. L’auteur s’attarde particulièrement sur les différentes stratégies pour guérir les malades et les mesures entreprises par la ville pour diminuer la propagation de la peste.
Le Septième Sceau (Det sjunde inseglet) est un filmsuédois d’Ingmar Bergman, sorti en 1957, qui évoque la mort jouant aux échecs pendant une épidémie de peste avec un chevalier revenant des croisades.
Dans Medieval II: Total War, la peste noire frappe l’Europe à partir du tour 135, décimant aussi bien les unités militaires que les habitants, ce qui provoque une baisse notable de l’ordre public, augmentant ainsi les risques de révoltes. Elle reste environ une dizaine de tours, et elle frappe les régions les plus éloignées de l’Italie sur la carte en dernier (telle que l’Égypte).
Le jeu A Plague Tale: Innocence, publié en 2019, se déroule en pleine guerre de Cent Ans ; la peste noire et les invasions de rats sont utilisés comme des éléments de gameplay, notamment pour la résolution d’énigmes.
Crusader Kings 2 : The Reaper’s Due : le DLC du jeu de gestion ajoute des problématiques liées aux épidémies et aux différentes façons de les gérer. La Peste Noire y apparaît via un événement et peut évoluer plus ou moins fidèlement à la réalité.
Christine Renardy, « Un témoin de la Grande Peste : Maître Simon de Couvin, chanoine de Saint-Jean l’Évangéliste à Liège », Revue belge de philologie et d’histoire, vol. 52, no 2, 1974, p. 273–292 (ISSN0035-0818, DOI10.3406/rbph.1974.3096, lire en ligne [archive], consulté le 1er septembre 2018).
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Décrit par Michel de Piazza dans ses chroniques Historia Secula ab anno 1337 ad annum 1361.
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Le Joueur de flûte (1972), film de Jacques Demy sur une légende germanique se déroulant durant la période de la peste noire.
Le Dernier des Templiers (2010), film de Dominic Sena : durant les croisades du XIVe siècle, une jeune sorcière est soupçonnée d’être à l’origine d’une épidémie de la peste noire. Deux chevaliers templiers déserteurs, Behmen (Nicolas Cage) et Felson (Ron Perlman), sont chargés par l’Église catholique romaine de la convoyer vers un monastère de moines exorcistes détenteurs d’un manuscrit du roi Salomon.
Black Death (2010), film de Christopher Smith : en pleine épidémie, le jeune moine Osmund (Eddie Redmayne) est chargé de mener le chevalier Ulrich (Sean Bean) et son groupe de mercenaires vers un village que la rumeur dit être épargné par la peste et abritant un nécromancien capable de ramener les morts à la vie.
Et les fouteurs de merde du NPA qui vont au Mali et au Burkina Faso depuis des lustres ? Personne ne les voit jamais ? Incroyable…
A noter : leurs milices et assassins jouissant en France d’une impunité totale, on est bien obligé d’en déduire qu’ils y assurent les basses oeuvres des différents régimes qui se succèdent à la tête de l’Etat français depuis un bon paquet d’années. Donc… ailleurs aussi.
L’opposition à la guerre française au Mali démasque le charlatanisme petit bourgeois du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot. Le 18, une junte de colonels maliens a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta avant de proclamer sa loyauté à l’occupation française du Mali. Face à l’installation d’une junte pro-impérialiste, le site Web Révolution permanente du NPA, lié au Parti des travailleurs socialistes (PTS) argentin peine à contenir son enthousiasme.
Sur ce site, Philippe Alcoy écrit que «Le coup d’État a été accueilli avec des scènes de liesse dans les rues de Bamako. En tout cas pour le moment. En effet, ce groupe de militaires dit vouloir ‘une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles’ dans un ‘délai raisonnable’. Les putschistes déclarent avoir pris la décision d’agir car ‘le Mali sombre de jour en jour dans le chaos, l’anarchie et l’insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée’.»
Si Alcoy s’inquiète brièvement des «mesures répressives comme l’instauration d’un couvre-feu et la fermeture des frontières», il n’hésite pas à présenter le coup d’État comme le début de la révolution africaine. Il déclare que le coup est «mené sans doute par des fractions des classes dominantes et de l’armée agissant sans le consentement du gouvernement français.» Il se paie le luxe d’évoquer le réaction du social-démocrate Marceau Pivert face à la grève générale de 1936 en France, publié dans Le Populaire: «Tout est possible!»
Il affirme: «Mais une chose est certaine, la France et ses alliés craignent que le coup d’État au Mali n’ouvre la voie à des situations similaires dans d’autres pays de la région qui sont traversés par les mêmes problèmes politiques, sociaux et économiques. … Pour l’analyste ivoirien Franck Hermann Ekra, dont les propos ont été relayés par Libération, c’est ‘comme si un « modèle malien » venait de voir le jour. Et que, notamment dans les pays voisins, chacun s’autorise enfin à penser que « tout est donc possible », en rapprochant ce qui s’est passé au Mali de situations analogues, de rejet du pouvoir en place, vécues à domicile’.»
Or l’impérialisme français ne craint pas le putsch malien, qui n’a rien à voir avec une révolution. Une vague historique de grèves et mobilisations de masse monte, sans aucun doute, à travers l’Afrique. Les grèves d’enseignants et de cheminots au Mali; le hirak algérien de 2019 contre le régime militaire; les manifestations ivoiriennes contre le président Alassane Ouattara installé par une intervention militaire française en 2011; et les manifestations contre Keïta témoignent tous d’une explosion de colère des travailleurs et des masses opprimées contre l’impérialisme.
Au Mali, les manifestations se succèdent depuis des mois pour s’opposer à l’occupation française lancée en 2013, et aux massacres ethniques entre milices rivales que Paris tolère afin de diviser pour mieux régner sur le pays.
Mais Paris soutient ce putsch contre la mobilisation antiguerre des jeunes et des travailleurs maliens. Comme lors du coup de 2012 qui a ouvert le chemin à l’invasion française de 2013, le putsch est parti du camp militaire de Kita, et le général Ibrahmi Dahirou Dembélé, décoré pour ses services à la défense nationale française, a été l’un des commanditaires. Lorsque les putschistes sont arrivés au pouvoir, ils ont d’ailleurs fait une déclaration sans ambiguïté.
Ils ont appelé l’armée malienne à continuer sa collaboration avec les forces françaises (Opération Barkhane), leurs alliés européens (Takuba), leurs supplétifs de l’ONU (Minusma) et des pays du Sahel (G5 Sahel): «La Minusma, la force Barkhane, le G5 Sahel, la force Takuba demeurent nos partenaires pour la stabilité et la restauration de la sécurité. S’adressant à vous, frères d’armes, nous vous exhortons à assurer la continuité de vos missions régaliennes et opérationnelles.»
Macron a quant à lui hypocritement critiqué le putsch avant d’indiquer que l’armée française travaillerait sans problème avec la nouvelle junte: «Mais nous n’avons pas à nous substituer à la souveraineté malienne. … Rien ne doit nous divertir de la lutte contre les djihadistes.»
Aucune analyse du putsch du 18 août ne serait complète sans mentionner le rôle d’Oumar Moriko. chef du parti SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance), avec lequel le NPA a longtemps collaboré en le traitant de «parti historiquement d’inspiration marxiste-léniniste».
Vers midi le 18, Mouriko a lancé un appel aux jeunes de Bamako à soutenir les putschistes, alors que ceux-ci étaient en difficultés face aux troupes loyales à Keïta. Ces appels ont été relayés par tout le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) de l’imam Mahmoud Dicko, dont fait partie la SADI. A présent, et avec leur soutien, la junte malienne discute sans doute de comment étrangler l’opposition des masses à l’Opération Barkhane.
Face à un mouvement grandissant dans la classe ouvrière et les masses opprimées africaines, Révolution permanente fait tout pour les pousser derrière la contre-révolution. C’est un avertissement aux travailleurs et aux jeunes en Afrique, en France et dans le reste du monde. Pour lutter contre l’oppression impérialiste des anciens pays coloniaux et l’austérité policière en Europe, il faut mener une lutte marxiste et internationaliste, c’est-à-dire trotskyste, contre les illusions et les mensonges semés par les partis populistes de la petite-bourgeoisie argentée comme le NPA.
L’ex-soixantehuitard Alain Krivine qui a fondé le NPA en 2009, afin de rompre les attaches symboliques que sa Ligue communiste révolutionnaire «trotsko-guévariste» avait maintenu avec la figure de Trotsky, le dirigeant de la révolution d’octobre et fondateur de la IVe Internationale. Intégré dans les réseaux du Parti socialiste (PS) bourgeois, qui a longtemps lancé des coups et des guerres en Afrique, le NPA est à présent un soutien inconditionnel de l’impérialisme contre le mouvement international des travailleurs.
Lors des guerres de l’OTAN en Libye et en Syrie lancées en 2011, Besancenot s’est distingué par l’ardeur de ses appels au renseignement français à armer les «rebelles» contre les régimes en place. Ainsi le NPA s’est rendu complice de guerres qui ont fait des centaines de milliers de morts et des dizaines de millions de réfugiés depuis 2011. Et Révolution permanente, qui a voulu se donner un vernis «de gauche» en critiquant parfois «la guerre impérialiste dans une Libye dévastée», tout en faisant oublier le rôle du NPA, récidive en applaudissant les opérations françaises au Mali.
Lors de l’invasion française du Mali, le WSWS avait expliqué les intérêts matériels de classe qui sous-tendaient le soutien de SADI comme du NPA pour cette guerre, que le NPA avait commencé par mollement critiquer. Il n’y a pas grand-chose à changer à cette analyse:
«Les guerres de la France sont bien des actes de pillage impérialistes, dont les travailleurs français paient également le prix par des augmentations d’impôts et de nouvelles coupes sociales. Ces guerres visent à renforcer la position stratégique de Paris, les profits de ses entreprises pétrolières et de ses banques. Mais c’est également la source des flux d’argent que la bourgeoisie dirige, par son financement de la bureaucratie syndicale, des programmes des médias et de bourses de recherche des universitaires ‘de gauche’, vers les forces de la pseudo-gauche telles que le NPA.»
C’est aussi le fondement matériel de la promotion par Révolution permanente des putschistes maliens qui ont mis main basse sur le pouvoir à Bamako. Vu que le putsch et l’action de SADI préparent une répression par l’armée de l’opposition des travailleurs et des jeunes, Alcoy ajoute en conclusion quelques phrases creuses visant à prendre ses distances de la junte qu’il vient de saluer tout au long de son article. Il écrit:
«C’est en ce sens que pour les travailleurs et les classes populaires du Mali, ce serait une erreur fatale de placer leurs espoirs d’émancipation et d’une vie digne dans cette junte militaire. Ce ne serait pas moins catastrophique de faire confiance à la coalition M5-RFP, peuplée de figures réactionnaires, ou aux organisations islamistes. Et il va sans dire que le pire de leurs ennemis reste l’impérialisme, notamment dans sa forme la plus ouvertement militariste. Toutes ces forces sont des ennemies des exploités et opprimés du Mali et de tout le continent africain.»
Il ne manque qu’une chose à cette conclusion: d’ajouter qu’au sein de la coalition M5-RFP, l’élément le plus cynique est le parti SADI et son soutien français, le NPA, au sein duquel les charlatans les plus éhontés sont les partisans de Révolution permanente. Pour se doter d’organisations révolutionnaires, les travailleurs du Mali et d’Afrique comme de France et d’Europe devront fonder leurs partis trotskystes, des sections du Comité international de la IVe Internationale, en lutte contre la pseudo-gauche petite-bourgeoise.
Un jour viendra où le monde entier saura qui sont vraiment le pédophile trafiquant de drogue cybercriminel et terroriste « islamiste » Pascal Edouard Cyprien Luraghi et tous ses complices, parce qu’ils n’ont pas cessé de mentir depuis le début de leurs attaques à mon encontre.
Ce n’est qu’une question de temps.
En attendant, louons Notre Dame que ceux d’en face détestent tant… avec Guillaume de Machaut qui n’a rien perdu de sa modernité à travers les siècles.
L’Ars nova est un courant de la musique médiévale occidentale, centré sur la France, et qui englobe une période comprise entre l’écriture du Roman de Fauvel (1310-1314) et la mort de Guillaume de Machaut (1377).
L’époque de l’ars nova couvre à peu près les années 1320 à 1380 ; elle a pour centre Paris. Le nom donné à cette époque vient directement d’un traité théorique sur la musique attribué à Philippe de Vitry intitulé « ars nova » ou « art nouveau » écrit vers 1320 (mais ceci est très contesté). On donne aussi parfois comme point de départ de l’ars nova le Roman de Fauvel, écrit entre 1310 et 1318. Le traité ars nova concerne un nouveau système de notation, à la fois mélodique et rythmique, en appuyant le propos sur une nouvelle conception de ceux-ci. Plusieurs s’arrachent l’invention de ce système dont le même Philippe de Vitry, Jean de Murs, mathématicien à la Sorbonne qui avait déjà présenté le système mensuraliste de l’Ars nova dans Notitia Artis Musicae en 1321 et Jacques de Liège qui rassembla l’ensemble de la théorie musicale du Moyen Âge dans sept livres intitulés Speculum Musicae de 1321 à 1324. Ce nouveau système de notation, plus clair, mesuré et strict apporte d’infinies possibilités tant sur le point de vue technique et pratique que théorique. De plus, il a permis à la masse profane d’exercer la musique avec plus de facilité au-delà du bouche à oreille et des exercices mnémoniques qui avaient la fâcheuse tendance de déformer motets, hoquets et rondeaux au fil du temps et du perfectionnement des chanteurs et musiciens. Le courant s’éteint en même temps que Guillaume de Machaut, en 1377.
Controverse de l’Église catholique
L’usage liturgique de la musique de l’ars nova fut fermement rejeté par le pape Jean XXII dans sa décrétale Docta Sanctorum Patrum2, mais accepté par le pape Clément VI. Le chant monophonique, déjà harmonisé pour un simple orgue, s’est vu altéré, fragmenté, et dissimulé derrière des mélodies profanes. Les paroles des poèmes d’amour courtois pouvaient être chantés en dessus de textes sacrés, ou des textes sacrés pouvaient être placés à l’intérieur d’une mélodie profane. Ce n’était pas tant la polyphonie qui était une offense dans les âges médiévaux, mais la notion de musique profane qui se combine au sacré et prenant place dans la liturgie.
Caractéristiques stylistiques
Par opposition à l’ars nova, l’ars antiqua ou « art ancien » précède celui-ci et couvre la période approximative de l’an 1240 à 1320. Il n’y a pas lieu de tracer une ligne séparatrice entre l’ars antiqua et l’École de Notre-Dame, car le terme « ars antiqua » a été forgé par les théoriciens de l’ars nova pour décrire tout ce qui avait été fait avant en matière de polyphonie savante (période allant de 1170 à 1310-1320, et comprenant par conséquent l’époque de l’école de Notre-Dame). Les mêmes genres appartiennent aux deux périodes, de plus, la notation et le rythme considérablement plus développés avec l’avènement de l’ars nova, ce qui rend les deux premiers encore plus semblables par leur juxtaposition dans le temps. Les principales améliorations qui ont eu lieu lors de l’avènement de cet « art nouveau » sont majeures et concernent la polyphonie, les modes rythmiques, la notation musicale et l’isopériodicité. L’idée sous-jacente à l’utilisation de ces techniques était de créer de la musique d’une plus grande expressivité, et de varier le répertoire du siècle précédent. On peut la mettre en parallèle avec l’utilisation de la perspective en peinture, et cette étape est nécessaire si l’on veut comprendre les changements de l’art musical.
Les genres de l’ars nova
Le motet occupe une place largement dominante, mais partage l’attention avec des formes polyphoniques ou monodiques séculières voire populaires comme la ballade, le virelai, le rondeau, le lai, et en Italie (où l’ars nova a pour synonyme trecento), la ballata, la caccia, le madrigal.
C’est à travers les quatre formes profanes, poétiques et fixes (le motet est à la frontière entre sacré et profane, on ne le compte donc pas ici) de la ballade, du rondeau, puis, dans une moindre mesure dans le lai et le virelai (aussi appelé « chanson balladée ») que Guillaume de Machaut a démontré son savoir-faire et exploité pleinement la contrainte à la fois de la forme poético-lyrique que dans la nouvelle approche, plus technique, de l’art, pour faire florir le processus de composition comme pratique pleine et un art à proprement parler.
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L’École de Notre-Dame désigne un style de musique développé par des compositeurs ayant exercé à la cathédrale Notre-Dame de Paris de 1160 à 1250 faisant partie de l’Ars antiqua. Mais plus qu’une connotation géographique (des sources proviennent aussi de Beauvais ou de Sens), l’expression fait référence aux caractères des compositions : outre l’utilisation des modes rythmiques et mélodiques (les huit tons d’église) en usage, on constate surtout l’apparition, suivie d’un important développement, de formes musicales polyphoniques telles que le conductus (le conduit), l’organum fleuri et enfin le MOTET .
« À partir de la fin du XIIe siècle […], un lieu de création musicale émerge, lieu primordial servant de modèle pour tout le monde chrétien : la cathédrale Notre-Dame de Paris. Si l’on continue à y célébrer comme ailleurs les liturgies au son des mélodies du chant grégorien, les chantres et chanoines de la cathédraleparisienne développent à partir des années 1170 de nouveaux styles qu’on appelle aujourd’hui l’École de Notre-Dame, introduisant des innovations majeures. D’une part la polyphonie, de plus en plus pratiquée dans de nombreuses abbayes ou cathédrales françaises, gagne ses premières véritables lettres de noblesse à Notre-Dame. D’autre part l’utilisation de pulsations rythmiques régulières dans la musique constitue également une grande nouveauté et il semble bien que les chantres parisiens en soient les initiateurs. Très vite, les procédés des compositeurs de cette « École » seront imités, copiés, chantés dans les grandes églises de France puis dans toute l’Europe. Cette diffusion exceptionnelle pour l’époque s’explique par le génie des créateurs parisiens, au premier rang desquels figurent les fameux Léonin et Pérotin, mais aussi par la renommée et la prépondérance extraordinaire de Paris au début du XIIIe siècle, ville-lumière déjà surnommée « Mater artium » (Mère des Arts), « Secunda Athena » (Seconde Athènes), « Paris expers Paris » (Paris sans égal). La présence des institutions royales et religieuses contribue désormais au statut de capitale, mais c’est la vie intellectuelle, la création et l’immense succès immédiat de l’Université [créée à partir de 1253] qui font le renom de Paris, véritable phare culturel européen. Dès les premières décennies du XIIe siècle, Abélard et d’autres maîtres parisiens attiraient déjà des foules d’élèves venant d’horizons très divers sur la montagne Sainte-Geneviève et dans le futur Quartier latin. Ceux-ci repartaient ensuite avec un bagage théologique, mais souvent également musical, et contribuèrent ainsi à la diffusion dans toute l’Europe du répertoire de l’École de Notre-Dame1. ».
La construction de Notre-Dame de Paris a été décidée par l’évêque Maurice de Sully au lendemain de son élection fin 1160 ou début 1161. Les travaux commencent en 1163 et se poursuivent jusqu’en 1245. Le grand autel est consacré en 1182. Au XIIIe siècle, grâce aux séjours fréquents de la famille royale, à l’université réputée de la capitale et d’autres collèges en développement, Paris rayonne comme foyer culturel et artistique pour toute la chrétienté. Les recherches musicales, d’abord éparpillées dans les grands monastères de province, se concentrent vers les villes et connaît un essor sans précédent. Ainsi, Limoges, Beauvais et Sens sont des centres importants pour l’organum et la polyphonie, de même que Chartres dès le XIe siècle2.
En ce siècle de classicisme médiéval, Notre-Dame est un des principaux centres de la vie intellectuelle et artistique. Par ailleurs, la famille royale entretient un ensemble de chanteurs disponibles quotidiennement et la noblesse française continue à susciter, depuis un siècle, grâce aux troubadours et aux trouvères (souvent nobles), un grand mouvement de poésie chantée (resté longtemps monodique), qui avait créé dès l’époque précédente l’univers de l’amour courtois.
Le répertoire de l’école de Notre-Dame (de même que ses imitations dans les grands centres européens) est évidemment liturgique. L’objectif est d’abord de chanter la gloire de Dieu, par les textes sacrés, considérés comme la parole divine. Le chant accompagne donc les cérémonies et les processions. La musique pratiquée à Notre-Dame est née dans un environnement d’intellectuels et d’érudits : étudiants, théologiens ou juristes, médecins, et bien sûr musiciens.
Par l’intermédiaire de ce savoir, de ces constructions de plus en plus savantes au fil du temps (improvisées en « chant sur le livre » ou écrites), des enfants de basse extraction parviennent à une reconnaissance sociale. C’est à ces « musiciens habiles » (« artis musicæ periti »3, c’est-à-dire musiciens professionnels) qu’on doit le développement continu de cette grande nouveauté qu’est la polyphonie occidentale. Née au sein de l’Église vers le IXe siècle, elle va fleurir et se répandre dans toute l’Europe pendant quatre siècles au moins (pour atteindre son plein épanouissement à la fin du XVIe siècle). On codifie également un système de notation rythmique aussi abstrait que cohérent, la Musica mensurabilis (musique mesurable). Les modes rythmiques sont capables, comme les modes mélodiques, de structurer, plus précisément et plus finement qu’avant, les compositions vocales qui naissent d’abord à l’église. Leur nombre s’accroît sensiblement. Ainsi, les musiciens de Notre-Dame ont ajouté à l’histoire de la musique occidentale une page plus que déterminante : ils ont orienté une grande partie de son avenir.
Les compositeurs
Alleluia nativitatis, dans le troisième mode rythmique de Pérotin (manuscrit de Wolfenbüttel, Codex Guelf 1099, XIIIe siècle).
Deux chantres des XIIe et XIIIe siècle sont restés célèbres.
Léonin d’abord (Leo ou magister Leoninus selon les textes), qui aurait exercé vers le milieu du siècle. Selon Craig Wight4, il aurait été également un poète connu et un chanoine. Il compose surtout des organum à deux voix, mais rien ne confirme qu’il s’y soit cantonné absolument. On lui attribue le Magnus Liber Organi, puisqu’il aurait joué un des rôles principaux dans la création et la reconnaissance de la forme musicale appelée organum, sans toutefois appartenir en titre à la lignée des maîtres de musique de la nouvelle cathédrale.
Puis Pérotin (Perotinus magnus : Pérotin le grand), actif vers la fin du XIIe et premier quart du XIIIe siècle qui compose plutôt à trois ou quatre voix. Selon Craig Wight, il est Pierre, le succentor (sous-chantre) de Notre-Dame, la « dignité » de grand-chantre étant dévolue à un ecclésiastique dont la fonction n’est pas purement musicalen 1. Le manuscrit rédigé par l’Anonyme IV au XIIIe siècle donne les noms de Léonin et de Pérotin et nous apprend que5 :
Et nota, quod magister Leoninus, secundum quod dicebatur, fuit optimus organista, qui fecit magnum liber organi de gradali et antifonario pro servitio divino multiplicando. Et fuit in usu usque ad tempus Perotini Magni, qui abbreviavit eundem et fecit clausulas sive puncta plurima meliora, quoniam optimus discantor erat, et melior quam Leoninus erat. Sed hoc non est dicendum de subtilitate organi etc. Ipse vero magister Perotinus fecit quadupla optima sicut « Viderunt, Sederunt » cum habundantia colorum armonicæ artis ; similiter et tripla plurima nobilissima sicut « Alleluia Posui adiutorium, Nativitas » etc. Fecit etiam triplices conductus ut « Salvatoris hodie » et duplices conductus sicut « Dum sigillum summi patris » ac etiam simplices conductus cum pluribus aliis sicut « Beata viscera », etc. Liber vel libri magistri Perotini erant in usu usque ad tempus magistri Roberti de Sabilone et in coro Beatæ Virginis maioris ecclesiæ Parisiensis et a suo tempore usque in hodiernum diem6.
« Maître Léonin, d’après ce que l’on disaitn 2, fut le meilleur compositeur d’organumn 3, il fit le grand livre d’organum, sur le Graduel et l’Antiphonaire [chanté à partir du Graduel et de l'Antiphonaire], en vue d’accroître la solennité du service divin [en multipliant les parties vocales différentes qu'on fait entendre en même temps, au cours de la messe et de l'office divin]. Ce livre fut en usage jusqu’au temps de Pérotin le Grand qui l’abrégea et fit des clausules ou sections très nombreuses et excellentes car il était excellent compositeur de déchant et encore meilleur que Léoninn 4. — Anonyme IV, 1275.
(la suite : Sed hoc non est dicendum… hodiernum diem, n’est pas traduite dans cet article, pour le moment). »
3:32
Breves dies hominis de Léonin ou peut-être de Pérotin
Deux des œuvres emblématiques sont à citer : Viderunt omnes, Graduel de Noël (daté de 1198) et Sederunt principes, Graduel de Saint-Étienne (26 décembre) daté de 1199. Dans le Viderunt omnes, on peut observer un canon à la quinte, constitué entre le duplum et le triplum (la 2e et la 3e voix). Ces deux pièces se trouvent au début des manuscrits W1 et Pluteus (voir plus bas), ce qui indique bien la valeur ou l’importance des œuvres.
Comme le manuscrit original a disparu et n’est connu que par des copies de dates diverses avec de sensibles modifications, il est probable que les pièces de Léonin retouchées par Pérotin lui soient attribuées faussement, ou que l’apport de l’un ne puisse être mesuré convenablement. Il est possible aussi qu’avec la sensible transformation des manières de noter la musique, le copiste ait volontairement transformé le texte parvenu jusqu’à nous.
Sources
Le Magnus Liber Organi, dont l’original a disparu, était un manuscrit, copié entre 1160 et 12407, où se trouvait noté le vaste répertoire de la cathédrale. Le nom complet est Magnus Liber Organi de Graduali et Antiphonario, soit Grand livre de l’organum sur le Graduel et l’Antiphonaire. Il était placé sur un lutrin, au milieu du chœur lors des cérémonies.
Il fut souvent copié partiellement ou intégralement et diffusé partout en Europe. Edward Roesner6 considère qu’il s’agit du premier corpus polyphonique écrit et non transmis oralement.
Organisation – Le contenu des manuscrits est structuré selon le calendrier liturgique, mais dans une hiérarchie respectant le rang particulier de Noël, Pâques, Pentecôte et Assomption, appelés annuale. Les autres, classées par le terme de duplex, puis les secondaires, appelées semiduplex, regroupant les saints, évêques ou simples confesseurs8. De même le nombre de pièces disponibles pour chaque fête, diminuent à l’inverse de leur hiérarchie ; les fêtes les moins importantes ne reçoivent aucun organum.
Après la relation à la liturgie le classement suit le nombre de voix, le genre, et le type de liturgie9.
Il subsiste deux types de sources essentielles pour étudier ce mouvement : les manuscrits musicaux et les écrits des théoriciens.
Manuscrits conservés
Les manuscrits disponibles sont très postérieurs à la composition des œuvres. Par exemple le Viderunt Omnes de Pérotin, l’une des pièces les plus emblématiques du répertoire, a été composée avant 1198, mais la source la plus ancienne n’apparaît que dans le W1 copié vers 1245. On ordonne les sources chronologiquement par rapport à leur rédaction ; sachant que les trois manuscrits principaux sont les F, W2 et W1.
La structure du Magnus Liber Organi que décrit Anonymous IV se retrouve « dans l’organisation du manuscrit de Florence, [et] se conserve de manuscrit en manuscrit de manière assez stable10 ». La différence étant dans le choix effectué par les copistes. Le manuscrit de Florence, compte une centaine de pièces dans sa section liturgique. Le manuscrit W1, 43 et le W2 en compte 4611. Craig Wright discute de ces éléments pour en conclure que ces choix sont effectués selon les besoins locaux des processions12 et l’élimination des pièces propres à Notre-Dame13.
Manuscrit Pluteus 29.1 ou F de la Bibliothèque Medicea-Laurenziana de Florence14. Il fut copié à Paris et enluminé dans l’atelier de Jean Grusch (probablement situé entre Notre-Dame et la Sorbonne15,16) entre 1240 et 1255. C’est un grand manuscrit de 232 × 157, écrit d’une seule main et réparti en 11 fascicules, le tout organisé selon le cycle liturgique. Les pages contiennent douze portées. Le manuscrit comporte une lacune, repérée par une double pagination.
Il contient 1023 compositions, uniquement religieuses, pour les grandes fêtes de Noël, Pâques, Pentecôte et Assomption ainsi que pour d’autres cultes pratiqués à Paris : Sainte Madeleine, Saint-André ou Saint Denis. Le tout correspond essentiellement à une copie du Magnus Liber Organi de Léonin (cent pièces attribuables) et aux ajouts de Pérotin et de son école décrit par l’Anonyme IV au chapitre VI.
La notation est modale.
Selon Craig Wright17 « c’est le manuscrit qui reflète le mieux l’usage de la cathédrale Notre-Dame de Paris18 ».
fascicule 6 : motets et conduits à trois et quatre voix (fos 201–262)
fascicule 7 : conduits à deux voix (fos 263–380)
fascicule 8 : motets à trois voix (fos 381-398)
fascicule 9 : motets à deux et à trois voix (fos 399–414)
fascicule 10 : conduits monodiques (fos 415–462)
fascicule 11 : conduits monodiques (fos 463–476)
Manuscrit 20496 (Madrid)
Manuscrit 20496 de la Bibliotheca Nacional de Madrid20. Copié vers 1260 peut-être pour le chapitre de la Cathédrale de Tolède ou il fut conservé jusqu’en 1869, au sein des Archives capitulaires de la cathédrale. Mais ne figurant pas au catalogue jusqu’au XVIIe siècle, le doute subsiste quant à sa destination, sans doute d’un usage liturgique privé et non public.
Il est composé de 142 folios de 166 × 115 et il manque des cahiers avant le folio 5 et les folios 106-107. Il a été écrit par trois mains différentes : fos 1–4, fos 5–24 et fos 25–142.
Il contient une collection de conduits (en latin : conductus) (l’essentiel du répertoire) et de motets parfois en source unique, mais le manuscrit de Florence les présente dans le même ordre et avec très peu de variantes. Il est clairement articulé en deux parties. La première comporte de grands organa quadrupla. Dans les motets, à deux ou trois voix, il manque souvent la partie de ténor. Une pièce, Graduletus populus (fo 125vo ) est à une seule voix.
Le manuscrit comporte des unica, tel le In sæculum, un hoquet qui selon Anonyme IV a été composé par un hispanique. Le recueil présente aussi des sections d’organa tropés à quatre voix, et une pièce importante de Pérotin : Viderunt omnes.
La notation est carrée et rythmique.
Manuscrit W1 (Wolfenbüttel)
Manuscrit W121 de la bibliothèque Herzog-August de Wolfenbüttel.
Le premier manuscrit de Wolfenbüttel, le W1 est, selon les paléographes, une compilation du milieu XIIe siècle ou jusqu’à 130022, destinée au prieuré bénédictin de St Andrewsn 5 en Écosse.
C’est un petit livre de 16,6 × 11,5 cm dont les marges ont été rognées pour la reliure. Il contient 197 folios sur les 215 à l’origine, dans 26 cahiers, sur lequel sont tracées douze portées. À moins de considérer la date la plus ancienne proposée par les historiens, il est constitué d’un répertoire à deux voix, relativement ancien (1200) par rapport à la date du recueil ; ce répertoire restant plus ancien que le manuscrit de Florence, sa valeur est grande. Copié par deux scribes différents.
fascicule 2 : tripla et conduits à 3 voix (f. 9–16)
fascicule 3 : dupla – office (fos 17–24)
fascicule 4 : dupla – messe (fos 25-48)
fascicule 5 : clausules à 2 voix (fos 49-54)
fascicule 6 : clausules à 2 voix et 1 conduit à 2 voix (fos 55–62)
fascicule 7 : tripla (fos 63–69)
fascicule 8 : conduits, tripla, clausule, tropes, tous à 3 voix (fos 70–94)
fascicule 9 : conduits à 3 voix, conduits et tropes à 2 voix (fos 95–176)
fascicule 10 : conduits monodiques (fos 177-192)
fascicule 11 : polyphonies à 2 voix pour la Missa de Sancta Maria (fos 193-214)
Manuscrit Egerton 2615 (Londres)
Le manuscrit Egerton 2615, conservé à la British Library de Londres, date de 1240–1255. Il semble avoir été produit dans le même atelier que F pour la cathédrale de Beauvais13,24.
La reliure qui rassemble les trois fascicules dont il est composé, a été effectuée très tôt courant XIIIe siècle13. Le second fascicule contient les plus populaires polyphonies de Notre-Dame25. Le troisième étant dévolu au Jeu de Daniel qui convient aussi pour la fête de la Circoncision.
fascicule 1 : quadrupla et tripla pour la fête de la Circoncision (fos 1–78)
fascicule 2 : quadrupla, tripla, motets et conduits à 3 (fos 79–94)
Manuscrit H 196 de la Bibliothèque de l’École de Médecine de Montpellier26. Le recueil est composé de 400 feuillets de 192 × 136, répartis en huit fascicules. Il y a huit portées par page, mais la disposition varie selon les fascicules. Il fut copié et enluminé entre 1260 et 1280 (fasc. I-VI). Il a été relié au XVIIIe siècle. Le fascicule VII date de la fin du XIIIe siècle et le dernier vers la fin du règne de Philippe le Bel (peut-être pour le début d’un autre recueil).
Il contient une anthologie de 345 compositions dont l’origine est probablement Paris ou non loin (mais il y a quelques traces de parlé picard dans les textes français), représentatives de l’époque. Le répertoire est essentiellement composé de motets profanes à deux ou trois voix, mais aussi de quelques pièces religieuses adoptant la forme du conductus (le conduit), des organa (pluriel d’organum) et des hoquets ; le tout classé d’après le nombre de voix composant les morceaux.
Certains organa, copiés dans une notation plus évoluée, permettent de se faire une idée plus précise du rythme.
Manuscrit W2 (Wolfenbüttel)
Le conduit Salvatoris hodie extrait du Manuscrit W2 de Wolfenbüttel, f°31r.
Manuscrit W227 de la bibliothèque Herzog-August de Wolfenbüttel. L’origine du W2 est française, sans doute du centre de la France. Il est de petite taille, 175 x 130, contient 253 folios, répartie sur 33 cahiers. Copié entre 1250 et 1260 par trois mains différentes : 1) fasc. I-V, a copié des organa, 2) fasc. VII-X, copie des motets, 3) fasc. VI au parchemin différent des autres. Les pages comprennent huit à dix portées. Il y a quelques pertes. Le recueil contient une majorité de motets souvent en français (quelques-uns avec un double texte), seulement 29 conduits et aucune clausule.
Le rythme y est noté plus précisément, sous forme carré modale et conjoncturæ losangées.
fascicule 7 : motets-conduits à 3 voix (latins, français) ; conduits à 2 voix (fos 123–144)
fascicule 8 : motets latins à 2 voix (fos 145–192)
fascicule 9 : motets-doubles français à 3 voix (fos 193–215)
fascicule 10 : motets français à 2 voix (fos 216–153)
Manuscrit Msc.Lit.115 (Bamberg)
Manuscrit Msc.Lit.115 de la Bibliothèque d’État de Bamberg29. Provient de la bibliothèque du chapitre de Bamberg. Il est peut-être originaire de France et fut copié entre 1270 et 1300 sur 80 folios de 26,3 × 18,6 et relié en 1611. Le recueil est articulé en deux parties : les chants (fos 1–64v — sur 10 portées) et deux traités ainsi que deux motets supplémentaires (fos 65–80 — les motets sont notés sur onze portées).
Les traités sont copiés par une main différente, mais de la même époque. Le premier, fos 65–79 est de 1271 par l’Anglais Amerus. Il traite des nuances, des huit modes et de la main guidonienne. Le deuxième, fos 79r & 79v, présente une doctrine mensurabiliste enseignée à Paris de 1240 à 1260.
La musique est composée de 107 motets à trois voix en français ou en latin classés à peu de chose près dans l’ordre alphabétique des incipit, les latins d’abord (44) puis les autres (47 en français et 9 bilingues), outre un conduit (conductus) et sept clausules. Beaucoup de ces motets sont de nature profane et plus anciens que la date de copie (1225–1255 excepté quelques œuvres datées de 1275 maximum). L’essentiel du manuscrit se trouve dans celui de Montpellier.
Le type de la notation, proche du système de Diecritus, est pré-franconiennen 6 et plus évolué que celle du H 196 de Montpellier. Les longues et les brèves sont bien différenciées.
Codex Las Huelgas du monastère des religieuses cisterciennes de Santa Maria la Real de Las Huelgas de Burgos30. Assez tardif, il fut copié à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle sur 18 cahiers. Au folio 152 verso apparaît le nom d’un compositeur : Johannes Roderici ou Johan Rodrigues qui corrigea sans doute les folios plus anciens.
Le manuscrit totalise 186 pièces de nature très hétérogène. Malgré le mélange avec des pièces de l’Ars nova, du début de l’époque suivante, il contient aussi des organa, conduits et motets de l’ancien style (moins d’une cinquantaine), d’origine hispanique, parfois de style antérieur ou semblable à celui de l’école de Notre-Dame, et très proches du manuscrit W1. Le contenu liturgique se monte au quart du recueil. Les quatre cahiers du début contiennent les organa et les quatre à la fin, les conduits. Les dix cahiers centraux sont constitués de proses et de motets, à parts égales.
Le type de notation est franconienne : « le manuscrit de Las Huelgas a traditionnellement été considéré comme le meilleur exemple que l’on connaisse de la notation franconienne » (Juan Carlos Asensio31).
Manuscrit Vari 42 (Turin)
Le manuscrit Vari 42 de la Bibliothèque Royale de Turin est d’origine française, vers 1300. Son contenu est beaucoup plus réduit mais apparenté au manuscrit de Montpellier.
Autres manuscrits
On peut ajouter encore :
Londres, British Library, Add. 30091
Cambridge, Univerty Library ms. Ff. 2.29
Madrid, BN, Ms 20486 (origine probable : Tolède)
Stary Sącz, Klasztor PP. Klarysek (fragments)
Ainsi que Turin, Darmstadt et Worcester.
Les théoriciens
Jean de Garlande (1195 ? – 1272 ?). Est, avec Francon de Cologne, le plus important des théoriciens. Il enseigne à Paris à la même époque que Francon. Son De mensurabili positio (v. 1240) est le traité le plus précis et le plus clair sur la conception et la notation du rythmen 7. En raison de la date et de la provenance, le traité « est sans doute le plus proche de l’école de Notre-Dame et du Magnus liber organi32. » Il a largement commenté le style des organum à 3 et 4 voix de Pérotin, notamment pour ce qui est de l’ornementation mélodique selon des procédés formulaires des voix supérieures, c’est ce qu’on appelle les colores.
Anonyme IV, un étudiant anglais, qui a décrit (vers 1280) les pratiques de Notre-Dame entre 1270 et 1275, c’est-à-dire un siècle après l’origine de l’activité des compositeurs. Ce texten 8, sans titre, cite des pièces importantes des manuscrits qui peuvent être attribuées à Léonin ou Pérotin. La nomination Anonyme IV provient du musicologue E. de Coussemaker33.
Anonyme de St-Emmeran. Le De musica mensuratan 9 est un manuscrit anonyme daté de 1279, composé en prose et en vers par un théoricien, élève parisien de Maître Henri de Daubuef, chanoine de Notre-Dame. Il connait les traités de Jean de Garlande et de Lambertus. Il figure parmi les traités les plus longs et les plus étendus de l’époque. Comme Anonyme IV, il prend pour modèle le traité de Jean de Garlande32, pour le défendre34,35.
Francon de Cologne, enseignant à Paris au milieu du XIIIe siècle et auteur probable du Ars cantus mensurabilis (vers 1260). Le traitén 10 a eu une faible diffusion, mais il a été connu surtout par des abrégés diffusés dans les maîtrises, collèges ou l’université de Paris36.
Jean de Bourgogne n’a laissé aucun traité, mais Pierre de Picard — voir après — nous laisse beaucoup de notation.
Pierre de Picard. Auteur de Ars mottetorum compilata breviter, un court traité reproduit intégralement par Jérome de Moravie son élève. On pense que Pierre le Picard et Pierre de la Croix (Petrus de Cruce), réformateur de la notation franconienne et précurseur de l’Ars nova, sont la même personne.
Jérôme de Moravie. Plutôt écossais que morave, ce dominicain est actif à Paris jusqu’à la fin du XIIIe siècle. Il était professeur de musique à St. Jacques. Il réalise dans son traité, Tractatus de musica, une somme des connaissances musicales de son temps37.
Traité du Vatican
Le traité de composition du Vatican38, provient du nord de la France entre 1170 et 1180. C’est une sorte de manuel ou traité de l’organum à deux voix. Bien que regorgeant d’exemples, on ne fait mention à aucun moment du rythme. Il permet cependant de se représenter la façon dont les doubles (les deuxièmes voix) étaient composés et montre des passages d’organum de plus en plus fleuri. Le traité donne aussi trois organa complets en annexe.
La notation
La notation de la musique de la fin du XIIe siècle se fait sur quatre ou cinq lignes. Les clés sont d’ut ou de fa (très exceptionnellement celle de sol ou d’ut à l’octave). Les notes sont réduites au carré. Les notes longues sont figurées par un rectangle plus ou moins allongé. Les groupes neumatiques sont séparés par des traits verticaux et une double barre indique la fin du morceau. Pour les altérations, on trouve l’indication du bémol, du bécarre et courant XIIIe siècle apparaît le dièse.
Formes, procédés et genres
Si l’organisation liturgique structure l’ordre les recueils manuscrits sur le modèle du Liber organi (et du calendrier), chaque forme correspond à un usage précis dans cette liturgie39.
Dans les traités théoriques du XIIIe siècle, il y a trois « espèces de polyphonie » contrastées : l’organum, le déchant et la copula. Par exemple Jean de Garlande : « Sciendum est ergo, quod ipsius organi generaliter accepti tres sunt species, scilicet discantus, copula, et organum, de quibus discendum est per ordinem40. »
Espèces de polyphonie
L’Organum désigne, en général, toute la polyphonie et de manière spécifique, un genre particulier de polyphonie41.
Dans la pratique, l’organum n’est nullement pour tous les jours : la polyphonie est réservée aux fêtes les plus importantes et pour un type de pièces particulier : antiennes sur les cantiques, le dernier répons des matines, graduel et alleluia de la messe, pour les hymnes et les séquences42. Contrairement à notre écoute moderne qui privilégie la polyphonie et réduit à son minimum les parties monodiques. C’est donc le contraire qui est la norme des interventions, mettant en valeur l’effet sonore de la polyphonie43.
En tant que genre l’organum est une polyphonie élaborée et ornée qui se développe sur une section de plain-chant. Il se divise en Organum duplum (à deux voix ou diaphonie) et Organum triplum / quadruplum. D’abord procédé d’écriture qui remonte, selon les premiers écrits, au IXe siècle, l’organum a évolué en une forme musicale à part entière.
Sur une mélodie issue du plain-chant et appelée cantus firmus vient s’ajouter la voix organale. Partant de l’unisson, elle progresse jusqu’à la quarte inférieure et s’y maintient en mouvements parallèles. On distingue deux styles, l’un dit fleuri ou mélismatique et l’autre en déchant (note contre note). L’organum duplum alterne ces deux derniers styles au sein d’une même composition. Pérotin a écrit postérieurement des sections alternatives de déchant appelées clausules.
La voix organale des dupla, dans sa partie mélismatique, doit prendre la forme d’un flux non mesuré de caractère essentiellement improvisatoire dont le rythme est assujetti aux articulations du texte et aux rapports de consonance avec le cantus firmus44. Les traités du XIIIe siècle sont peu explicites à ce sujet, et ont occasionné des débats virulents parmi les musicologues du XXe siècle45. Le système de notation des tripla et quadrupla fait usage des modes rythmiques, au nombre de six, la valeur de chaque note étant déterminée par sa position au sein des ligatures de l’écriture neumatique.
Suivant le degré de solennité de la cérémonie, l’organum était d’autant plus lent. Le déchant est un procédé qui utilise le mouvement contraire, base du contrepoint : il apparaît vers 1025 dans le Micrologus de Guido d’Arezzo et sera repris par un traité de John Cotton vers 1100.
Copula
La seconde espèce de polyphonie est la copula. Jean de Garlande ne lui consacre qu’un petit paragraphe, au chapitre 12. Suivant ses mots, Jeremy Yudkin46, a mis en évidence les éléments qui suivent : la copula est subdivisée en sections (de longueurs égales ou non), appelées l’antécédent et le conséquent ; eux-mêmes divisés en motifs répétés, séparés par des lignes de division appelées tractus.
La copula se développe sur la teneur (en note tenues), avec un motif mélodico-rythmique qui se répète et s’organise en deux parties47. L’organum et le déchant ont des textures contrastées, de par leur nature et leur activité rythmiques.
Sa position intermédiaire dans les exposés des théoriciens est ambivalent. « La copula participe de l’organum purum par sa teneur en notes tenues, et du déchant par sa voix supérieure en rythme modal qui sont les deux caractéristiques confirmées par les trois théoriciens47 » (Jean de Garlande, Anonyme IV et l’Anonyme de St-Emmeran). La copula participe aux deux textures : elle emprunte au déchant son rythme modal et sa teneur conserve le cantus firmus de l’organum48.
La dernière espèce de polyphonie définie par les théoriciens est le déchant. Il correspond à une superposition de mélodies en mode syllabique, note contre note et en différents modes rythmiques49, qui apparaît à partir du XIIe siècle. Il existe 6 modes et 36 combinaisons modales possibles50. La voix organale est remplacé par le discantus qui se place cette fois-ci au-dessus du cantus-firmus qui passe à la basse et prend le nom de teneur (qui donnera notre moderne ténor). Cette voix use d’une grande liberté de mouvements contraires, abandonnant le parallélisme ancien. Cette voix est couramment improvisée et ornée ; c’est tout ce qui n’apparaît pas dans les sources qui nous restent.
Le plus couramment, ils sont sur des tropes d’Alleluia ou de Benedicamus.
Dans le discours musical des organa, les trois espèces se succèdent (ponctué et sous-tendu par le plain-chant) et se déroule ainsi : « le début de l’incipit en polyphonie constitué par la succession de trois textures contrastées, la suite et la fin de l’incipit en grégorien, puis le début et la suite du verset selon le même princips48. »
Le Conductus : ou chant de conduite51 qui peut être monodique ou polyphonique. Son nom même indique qu’il est destiné à l’origine, à accompagner une procession52 durant l’office. Cette forme provient directement du versus (verset) de la tradition aquitaine.
Francon de Cologne insiste sur le traitement clairement rythmique de cette forme. Les conduits sont écrits à la manière du discantus, le texte et la musique étant des compositions libres, sans relation avec le texte de la liturgie canonique ou le chant grégorien : le compositeur est désormais face à son inspiration52. Les conduits prennent une forme strophique pour les poèmes.
Le témoignage de l’Anonyme IV apprend que c’était bien Pérotin qui composa le conduit monophonique Beata Viscera, dont le texte a été composé par Philippe le Chancelier. Les conduits existent à une ou à quatre voix égales. Les conduits à deux voix sont les plus riches en variations techniques, les phrases finissent souvent avec une « copula » (liaison) sur la dernière syllabe.
« L’école de Notre-Dame a produit un nombre considérable de conduits. L’écriture à trois voix y acquiert une souplesse considérable et une force d’expression d’autant plus grandes qu’entre les points d’appui consonants, la liberté des notes de passage introduit des harmonies étrangement riche et « modernes ». On trouve (par exemple dans le Crucifigat Omnes, déploration sur la perte de Jérusalem), aux points de consonances, des quintes superposées qui sonnent pour nous comme des accords de « neuvième », accords qu’on ne réinventera qu’avec Wagner et Debussy »
Les clausulæ : ou clausules sont des sections musicales des organa qui remplacent certains passages d’origine. Les clausulæ gardent le cantus firmus de l’original, en déchant. Par ce moyen, Pérotin a modernisé le répertoire laissé par Léonin. Le manuscrit de Florence (fascicule 5), particulièrement riche, en comporte 462 s’appliquant à 75 organa dupla. Un seul passage pouvant en recevoir de neuf à jusqu’à douze clausulæ53.
Motet
Motet : (de motetus, petit mot) un chant polyphonique de type organum sur lequel on ajoute un texte nouveau. Pour citer un motet il faut citer les deux ou trois textes qui composent le morceau. Les pièces les plus anciennes se trouvent dans le W2. Les textes latins ou en français sont apparus en même temps et l’on trouve des mélanges. D’abord à deux voix, c’est vers 1220 que les compositions se voient ajouter une troisième voix, d’abord le triplum qui reprend les paroles du motetus (appelés motets-conduits), vite abandonné au profit du triplum ou quadruplum. N’a aucun rapport avec l’acception du terme au XVIIe siècle.
L’école de Notre-Dame se montre moins parisienne que ne semble le défendre les chercheurs du début du XXe siècle, tel Friedrich Ludwig54. Au XIIIe siècle se propage en Angleterre ou en Espagne, comme les manuscrits W1, de Madrid ou de Burgos, nous le suggèrent des pratiques polyphoniques issues de l’organum parisien2, mais aussi des développements propres, puisque les « versets du Kyrie, des proses, le Santus et l’Agnus qui n’étaient pas traités polyphoniquement à Paris2 », sont d’origine anglaise. La plupart des organa anglais n’utilisent que le premier mode rythmique (noire-croche, noire-croche) et domine aussi dans les motets plus tardifs.
Pérotin & l’École de Notre-Dame, 1165-1245 – Ensemble Gilles Binchois, dir. Dominique Vellard (Ambroisie AMB 9947) (Fiche sur medieval.org) 1165-1245, texte de présentation est d’Edward Roesner.
École de Notre-Dame : Léonin, Pérotin, Plain-chant et organum tirés du Magnus Liber Organi – Ensemble Orlando Consort (1996, Archiv) (OCLC225278208)
Dame de Flors, École Notre-Dame XIIe siècle-XIIIe siècle, Motets, Conduits, Organum – Ensemble Discantus, Dir. Brigitte Lesne (1996, Opus 111 OPS 30-175) (Fiche sur medieval.org), (OCLC38451400)
Musique profane
Les écoliers de Paris, Motets, Chansons et Estampies du XIIIe siècle – Ensemble Gilles Binchois, dir. Dominique Vellard (1992, Harmonic Records H/CD 9245) (Fiche sur medieval.org)
Codex Bamberg
Codex Bamberg – Camerata Nova, Luigi Taglioni (1997, Stradivarius STR 33476) (Fiche sur medieval.org)
Codex de Madrid
Codex de Madrid XIIIe siècle – Ensemble de musique Alfonso X El Sabio, Luis Lozano Virumbrales (24–27 juin 1997, Sony SK 60074) (OCLC884662627)
Éditions
Polyphonies du XIIIe siècle; le manuscrit H 196 de la Faculté de médecine de Montpellier, édité par Yvonne Rokseth, Paris: Éditions de l’Oiseau lyre, 1935-1939
The Rhythm of Twelfth-Century Polyphony: Its Theory and Practice, Edited by William Waite, Yale Studies in the History of Music, vol. 2, New Haven, 1954
Thirty-five Conductus for Two and Three Voices, Edited by Janet Knapp, Y1006. A-R Editions, 1965
Compositions of the Bamberg Manuscript, Edited by Gordon A. Anderson, CMM 75. Corpus Mensurabilis Musicæ, 1977
The Montpellier Codex, Edited by Hans Tischler. Part 1: Critical Commentary, Fascicles 1 and 2, M002-3; Part 2: Fascicles 3, 4, and 5, M004-5; Part 3: Fascicles 6, 7, and 8, M006-7; Part 4: Texts and Translations, M008. A-R Editions, 1978
The Conductus Collections of MS Wolfenbüttel 1099, Edited by Ethel Thurston. Part 1, M011; Part 2, M012; Part 3, M013. A-R Editions, 1980
The Las Huelgas Manuscript, Edited by Gordon A. Anderson. Vol.I Cantus ecclesiastici ad missam pertinentes, CMM 79-1; Vol.II Motetti et Conductus, CMM 79-2. Corpus Mensurabilis Musicæ, 1982, 1984
The Parisian Two-Part Organa: The Complete Comparative Edition, Edited By Hans Tischler. [vol.1: Acknowledgments, preface, indexes, pp. vi-lxviii; Style and Evolution -catalogue raisonné- Office Organa, 631 p.; vol. 2: The Mass Organa and Mass-Ordinary Settings, p. 632-1605.] Stuyvesant, N.Y.: Pendragon Press, 198856
Magnus Liber Organi, 7 vol. édités sous la direction d’Edward H. Roesner, éd. de L’Oiseau Lyre, Monaco, 1993-200957,58
Vol I, Les Quadrupla et Tripla de Paris, éd. Edward Roesner, OL 261, 1993
Vol II, Les Organa à deux voix pour l’Office, Pluteus 29.1, éd. Mark Everist, OL 262, 2003
Vol III, Les Organa à deux voix pour la messe I, Pluteus 29.1, éd. Mark Everist, OL 263, 2001
Vol IV, Les Organa à deux voix pour la messe II, Pluteus 29.1, éd. Mark Everist, OL 264, 2002
Vol V, Les Clausules à deux voix, Pluteus 29.1, éd. Rebecca Baltzer, OL 265, 1995
Vol VI a-b, Les Organa à deux voix du manuscrit de Wolfenbüttel 1099, éd. Thomas Payne, OL 266, 1996
Vol VII, Les Organa et Clausules à deux voix du manuscrit de Wolfenbüttel 628, éd. Edward Roesner, OL 267, 2009
The earliest polyphonic art music: the 150 two-part conductus in the Notre-Dame manuscripts, Edited by Hans Tischler. Ottawa: Institute of Mediæval Music, 200559
Monophonic Tropes and Conductus of Wolfenbüttel 1: The Tenth Fascicle. Edited by Jann Cosart, M038. A-R Editions, 2007
Philip the Chancellor: Motets and Prosulas, Edited by Thomas Payne, M041. A-R Editions, 2011
Pascale Duhamel, Polyphonie parisienne et architecture au temps de l’art gothique (1140–1240), Berne, Lang, coll. « Varia musicologica » (no 14), 2010, 266 p. (ISBN978-3-0351-0052-5, OCLC811387863).
Thèse Université Montréal, 2002.
(en) Mark Everist, Polyphonic music in thirteenth-century France : aspects of sources and distribution, New York/Londres, Garland, coll. « Outstanding dissertations in music from British universities », 1989, 398 p. (ISBN0-8240-0195-8, OCLC19321640)
Alejandro Planchart, « L’organum », dans : Jean-Jacques Nattiez (dir.) (trad. de l’italien), Musiques, une encyclopédie pour le XXIe siècle, vol. 4 : Histoire des musiques européennes, Arles/Paris, Actes Sud / Cité de la Musique, 2006, 1514 p. (ISBN2-7427-6324-4, OCLC494173993), p. 288–311.
Actes du Colloque de Royaumont, 1987 : L’École de Notre-Dame et son rayonnement, dans : Michel Huglo et Marcel Perès (dir.), Aspect de la musique liturgique au Moyen Âge, Paris, Créaphis, coll. « Atelier de Recherche et d’Interprétation des Musiques Médiévales », 1991, 850 p. (ISBN2-213-03063-4, lire en ligne [archive]), p. 149–217.
Juan Carlos Asencio, « L’École Notre-Dame », Goldberg, no 24, 2003, p. 52–59 (ISSN1138-1531, OCLC38546560).
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(en) Craig Wight, « Leoninus, Poet and Musician », Journal of the American Musicological Society, Berkeley, vol. 39, no 1, printemps 1986, p. 1–35 (ISSN0003-0139, JSTOR831693, lire en ligne [archive])
Notes discographiques
(fr) Paul Hillier (trad. Isabelle Demmery), « Hoquetus, Musique vocale européenne médiévale/Theatre of Voice/Paul Hillier », p. 6, Harmonia Mundi HMU 906085, 1997.
Notes et références
Notes
À l’office, la fonction du grand-chantre est, entre autres, de chanter la phrase d’intonation des prières grégoriennes. D’un point de vue plus général, on peut, en partie, comparer son rôle à celui d’un directeur d’établissement scolaire, alors que le métier de succentor est celui d’interprète et d’enseignant.
Ou : « selon la tradition orale ».
optimus organista
optimus discantor
Ce sont les deux Répons de l’office du fascicule III qui permet de le prouver : Saint-André étant le patron de l’Écosse. Le folio 164r, permet aussi de savoir qu’il faisait toujours partie de la bibliothèque du monastère au XIVe siècle.
Franconien, c’est-à-dire qu’il correspond à la notation que présente Francon de Cologne dans son traité, vers 1260.
Environ 5000 mots : il est court.
Environ 22000 mots.
Et conservé à Munich. Édité et traduit en anglais par H. Sowa, 1990.
Environ 4000 mots.
Célèbres hoquets dans le manuscrit de Bamberg
Références
(fr) Antoine Guerber, « Paris expers Paris / École de Notre-Dame, 1170-1240 », Paris, Alpha 102, 2005–2006.
(en) Robert Branner, « The Johannes Grusch Atelier and the continental origins of the William of Devon Psalter », The Art Bulletin, vol. 54, no 1, mars 1972, p. 24–30 (ISSN0004-3079, DOI10.2307/3048929, lire en ligne [archive]).
Édition par P. Aubry, dans Cent motets du XIIIe siècle, Rouart-L, Paris 1908. G.A. Anderson, dans Compositions of the Bamberg Ms. CMM 75, American Institute of Musicology, 1977.
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Jeremy Yudkin, Notre-Dame theory: a study of terminology, including a new translation of the music treatise of Anonymous IV, Thèse, Stanford University, 1982, p. 74–104. (OCLC11432059).
Jacques Chailley et Norbert Dufourcq (dir.), La musique des origines à nos jours, Paris, Larousse, 1946, 592 p. (OCLC851442, BNF37441761), livre III, « La musique polyphonique et la suprémtie française, des origines à la fin du XVe siècle », p. 112.
Guillaume de Machaut, né probablement à Machault, près de Reims, vers 1300 et mort à Reims en 1377, est un compositeur et écrivain français du XIVe siècle. Il a mené une vie dans le monde laïc, au service de mécènes et en liens étroits avec la Couronne de France. Il a aussi mené une vie ecclésiastique en tant que chanoine de Reims. Clerc lettré et maître ès arts, il a marqué pendant au moins un siècle la production artistique européenne.
Éléments biographiques
Vie dans le monde laïc
Les éléments sur le lieu de naissance de Guillaume de Machaut sont lacunaires, la tradition biographique1, donne la commune de Machault, qui faisait partie à l’époque du diocèse de Reims, comme lieu de naissance du poète-musicien2. Mais si, comme cela est attesté par des pierres tombales, une famille de Machault vivait effectivement dans la commune vers 13403, d’autres Machaut (ou Machau, Machaud, selon les manuscrits), étaient localisés à Attigny, à Reims et Chalons sur Marne dès le XIIIe siècle4.
Aussi incertaine que le lieu, son année de naissance est située entre 1300 et 1302 issu d’une famille roturière. On ne sait rien sur ses vingt premières années sinon qu’il reçut les ordres mineurs étant jeune.
En 1324, il composa la première œuvre que l’on connait de lui, le motetBone Pastor Guillerme dédié au nouvel archevêque de Reims Guillaume de Trie.
Il fut employé comme secrétaire de 1323 à 1346 par Jean Ier de Bohême, avec lequel il acquit l’amour de la fauconnerie, de la chevalerie et des aventures. Il accompagna Jean Ier dans ses divers voyages (principalement des expéditions militaires) à travers l’Europe (en particulier à Prague), participant aux campagnes de Silésie, de Pologne (1327)5, de Lituanie (1329) et d’Italie (1330)6. Ces divers voyages sont racontés dans ses œuvres Le Confort d’Ami et La Prise d’Alexandrie. Machaut parle de Jean de Bohême comme d’un roi idéal : un homme courageux et généreux. Grâce à son protecteur, il obtint successivement des prébendescanoniales à Verdun en 1330, à Arras en 1332, à Reims en 13336 et à Saint-Quentin.
En 1346, Jean Ier fut tué à la bataille de Crécy, et Guillaume de Machaut entra au service de divers seigneurs, parmi lesquels la fille de son ancien maître, Bonne de Luxembourg (pour laquelle il écrivit le Remède de Fortune et un motet) en 1347, puis Charles II de Navarre, aussi appelé Charles le Mauvais (pour lequel il écrivit le Confort d’Ami) de 1349 à 1357. Mais aussi ensuite des fils de Bonne : Jean de Berry à partir de 1357, Philippe le Hardi et Charles, duc de Normandie, qui allait devenir le roi Charles V en 1364. Par ce biais, il se mit sous la protection des princes et se revendiqua à la fois poète de la Cour et poète individu. Vers la fin de sa vie, il servit également Pierre de Lusignan (auquel il dédia la Prise d’Alexandrie) et Amédée de Savoie (pour lequel il écrivit le dit de la Harpe).
Vie ecclésiastique
Machaut s’installa ensuite en tant que chanoine au sein du chapitre de la cathédrale de Reims, ayant renoncé à ses autres postes canoniaux à la demande du pape Benoît XII. La date de son installation est floue. Nous savons qu’il reçut son canonicat en expectative en 1333, puis une confirmation en 1335 lors de l’arrivée du nouveau Pape Benoît XII. Il fit une réception de ce poste par procuration en 1338, et si certaines hypothèses prétendent une installation à Reims en 1340, une étude récente indique que la présence de Machaut en tant que chanoine n’est régulière qu’à partir de 1359. En effet, après la réception de son poste, il continuait ses déplacements et maintenait ses liens avec les princes, ce qui lui permettait de ne pas perdre le contact avec le monde profane. C’est d’ailleurs à cette dernière date qu’il participe à la défense de la ville assiégée par les Anglais d’Édouard III7.
Cette vie de chanoine sera le point de départ de la période la plus féconde pour son œuvre poétique et musicale. Il posséda une maison à Reims au 4 de l’actuelle rue d’Anjou. Il s’y retira à la fin de sa vie. Il mourut en 13778 et repose avec son frère Jean en la cathédrale de Reims.
Guillaume de Machaut survécut à la Peste noire qui dévasta l’Europe, et vécut ses dernières années à Reims, recopiant ses manuscrits et composant. Son poème Le Veoir Dit (vers 1364) est autobiographique selon certains auteurs. Il relate une histoire d’amour tardive pour une jeune femme de 19 ans, supposée être Péronne d’Armentières, bien que cela soit contesté par d’autres.
Œuvres
Dans son œuvre il allie les lumières d’un clerc et la vaillance chevaleresque, il est proche de son contemporain Jean III de Craon. Comme toutes les autres productions pour l’église, ses œuvres liturgiques sont destinées à faire entendre la parole divine au cours d’un office et chantent la gloire de Dieu. Sa production religieuse part ainsi des motifs de plain-chant (ou chant grégorien), dont elle s’éloigne en les ornant et en les développant. Il perpétua alors, en les bouleversant, les traditions médiévales des polyphonistes de l’École de Notre-Dame de Paris et celles de l’Ars antiqua du XIIIe siècle (l’« art ancien » aux yeux des créateurs du XIVe siècle) : ces anciens auteurs avaient fait naître dès la fin du XIIe siècle un langage et des formes musicales que Machaut et ses contemporains contribueront grandement à faire évoluer. Les auteurs du XIVe siècle développèrent ainsi l’Ars nova (l’« art nouveau »), expression par laquelle eux-mêmes caractérisaient fièrement leur art, aussi bien dans le domaine religieux que profane. Machaut est à nos yeux le plus important représentant de cette école. Dans son œuvre profane, il se sert d’allégories et de la nature. Nous les retrouvons à travers les figures d’Amour et ses enfants, le Doux-penser, Plaisance et Espérance pour inspirer le poète à travers le Sens (raison), la Rhétorique (l’art du discours, envisagé sous sa forme poétique) et la Musique, alors indissociable de la parole et du discours poétique.
Tel celui du légendaire Orphée, son « chant » mêle poésie et musique pour exprimer des idées et des sentiments, et s’inscrit ainsi dans la tradition poétique et musicale venue de l’Antiquité, lignée initiée, pour nous, par Homère. Mais il est un héritier encore plus direct des trouvères médiévaux des XIIe et XIIIe siècles (évidemment bien plus proches de lui), à cette différence près que son œuvre n’est plus monodique mais polyphonique.
C’est ainsi qu’il maîtrise les formes lyriques fixes comme le lai, la ballade, le rondeau, le chant royal et donne une impulsion décisive au virelai, forme née à la fin du XIIIe siècle. De manière tout aussi essentielle, il renouvelle l’art des grands polyphonistes d’église, dont il a contribué à faire évoluer les techniques ou les formes musicales, en les complexifiant et en y acclimatant de nombreuses innovations.
Page manuscrite de Dame, mon cuer en vous remaint, rondeau à trois voix de Guillaume de Machaut
L’œuvre lyrique de Guillaume de Machaut comprend près de 400 poèmes, dont 248 ballades, 76 rondeaux, 39 virelais, 80 lais, 10 complaintes et 7 chants royaux : avec une telle production, Machaut a eu une grande importance dans la codification et le perfectionnement de ces formes fixes. Une grande partie de sa production lyrique est insérée dans ses poèmes narratifs, ou dits, tels que Le Remède de Fortune et Le Voir Dit.
Nombre de ces poèmes n’ont pas été mis en musique. Dans plusieurs de ses manuscrits la musique n’a pas été recopiée. L’écriture du poème précédait toujours la composition de la musique. En effet, la musique occidentale était née à l’église, du chant grégorien puis de la polyphonie, qui s’était initialement développée autour de cet axe (la voix appelée teneur grégorienne, celle qui « tient » le chant). Cet art du « verbe » chanté avait eu d’abord pour objectif (chose fondamentale) de mettre en forme et donc de faire entendre ce que le christianisme considère comme la parole divine. Au XIVe siècle, la musique purement instrumentale, qui bien sûr existait, était encore loin d’avoir pris son autonomie9. Longtemps, jusque dans la musique baroque, c’est la parole qui prima, aussi bien dans les œuvres profanes que religieuses : la musique, vocale ou instrumentale, continua à développer ce qu’on peut appeler un discours, un art rhétorique procédant de la voix.
Les motets en latin de Machaut étaient tout naturellement destinés à l’église (cérémonies et offices religieux). Comme d’autres auteurs de son temps, il composa également des motets profanes, aussi bien que des motets sur texte double (latin et français), ce qui peut aujourd’hui sembler être une bizarrerie mais qui se développa jusqu’au XVe siècle et même XVIe siècle.
Dans le domaine profane, hormis quelques poèmes évoquant les misères de la guerre de 100 ans et de la captivité (comme La complainte à Henri), dans un siècle plein de détresse et d’épidémies, l’essentiel de la poésie lyrique de Machaut a pour sujet l’amour courtois. Elle exprime la soumission à une dame, ainsi que les joies et les peines du poète.
Pour F. Autrand, Guillaume de Machaut poète a porté à ses sommets le style dit « courtois international »10. Son œuvre narrative est dominée par le dit, un poème qui, comme son nom l’indique, n’était pas destiné à être chanté. Ces poèmes narratifs à la première personne (tous sauf un sont écrits en couplets d’octosyllabes à rimes plates, comme le roman de la même époque) suivent en général les conventions du Roman de la Rose, comme le recours au rêve, à des personnages allégoriques, et la situation du narrateur : amant cherchant à revenir vers sa dame ou à la satisfaire. Machaut est également l’auteur d’une chronique poétique d’exploits guerriers (la Prise d’Alexandrie) et de poèmes de consolation et de philosophie morale.
À la fin de sa vie, Machaut rédigea un traité poétique sur son métier (son Prologue) qui donne a posteriori une unité à l’ensemble de son œuvre lyrique.
Principales œuvres narratives de Guillaume de Machaut
Jugement dou Roy de Behaingne (Jugement du Roi de Bohême, fin des années 1330) – Le narrateur entend une conversation entre une dame (dont l’amant est mort) et un chevalier (trahi par sa dame) ; afin de déterminer lequel des deux est le plus malheureux, le narrateur va demander l’avis du roi de Bohême, qui consulte des allégories, et le chevalier malheureux est déclaré vainqueur (2079 vers).
Le Remède de Fortune (vers 1341) – Le narrateur se voit demander par sa dame si le poème qu’elle a trouvé est de lui ; il la fuit et arrive dans un jardin où Espérance le console et lui apprend comment être un bon amant ; il revient alors auprès de sa dame (environ 4300 vers ; sont insérés 8 poèmes lyriques, dont 7 mis en musique).
Dit dou Lyon (Dit du Lion, achevé le 3 avril 1342) – Le narrateur arrive sur une île magique où un lion le guide vers une belle dame ; un vieux chevalier s’approche du narrateur et lui révèle la signification de ce qu’il voit, puis lui donne des conseils pour être un meilleur amant.
Dit de l’Alérion, ou Dit des Quatre Oiseaux (avant 1349) – Un conte symbolique d’amour : le narrateur élève quatre oiseaux différents, mais chacun d’entre eux s’enfuit ; un jour, le premier oiseau, son favori, revient auprès de lui.
Jugement dou Roy de Navarre (vers 1349) – Suite du Jugement dou Roy de Behaingne : une dame reproche au narrateur d’avoir accordé le prix au chevalier ; le roi de Navarre est consulté et condamne le poète (4212 vers). Au début de son ouvrage Le Bouc émissaire, René Girard commente un extrait du Jugement du Roy de Navarre.
Confort d’Ami (1357) – Dédiée à Charles II de Navarre, qui était prisonnier en France, cette consolation poétique donne des exemples (exempla) de force d’âme tirés de récits bibliques et classiques.
Dit de la Fonteinne amoureuse, ou Livre de Morphée (écrit pour Jean de Berry, vers 1360) – Le narrateur rencontre un amant désespéré qui doit se séparer de sa dame ; les deux hommes se rendent devant une fontaine magique où ils s’endorment, et en rêve la dame vient consoler son amant (2848 vers).
Le Veoir Dit (Le Voir Dit, le dit de la vérité, vers 1364) – Chef-d’œuvre de Machaut, ce poème (parfois vu comme autobiographique) raconte la tristesse de la séparation d’un amant de sa dame (Toute-Belle) et les fausses rumeurs répandues sur lui ; des lettres en prose et des poèmes lyriques échangés par les amants malheureux sont intégrés dans un récit narratif (près de 10000 vers) qui donne à cette œuvre sa structure complexe et nouvelle pour le XIVe siècle.
Prise d’Alexandrie (vers 1370) – Récit poétique des exploits de Pierre de Lusignan, roi de Chypre, écrit après la mort de celui-ci à la demande de Charles V (près de 9000 vers).
Prologue – Conçue comme une préface à l’édition de ses œuvres réunies, qu’il rédige vers 1371, cette allégorie décrit les principes de Machaut en matière de poésie, musique et rhétorique ; il y célèbre ses deux sources d’inspiration, Nature et Amour ; Nature lui a donné trois enfants : Sens, qui tient son esprit informé, Rhétorique, qui lui enseigne l’art de construire, et Musique, qui « porte joie » partout où elle est ; Amour lui a donné trois autres enfants, Doux penser, Plaisance et Espérance : ce sont les thèmes sur lesquels vont travailler les dons de Nature.
La Louange des Dames – Œuvre dans laquelle le personnage-poète chante son amour aux Dames et décrit ses émotions, qu’elles soient heureuses ou malheureuses. Cette œuvre peint aussi le paradoxe de l’amour courtois avec l’entre-deux de la distance et de la proximité, et la douleur provoquée par le désir acharné de la Dame.
Musique et poésie étaient intimement liées chez le compositeur. Son œuvre lyrique comprend près de 400 poèmes dont l’écriture précédait toujours la composition. Il fut la figure la plus importante de l’Ars nova, mouvement musical moderniste qui poursuivit le développement de l’art polyphonique dans la musique (technique qui était apparue en France au IXe siècle et qui s’était grandement développée au XIIIe siècle). Si ses talents de poète sont moins connus, il fut pourtant considéré comme un auteur essentiel de son temps. Il était à la fois poète de cour et poète solitaire, individu privé qui écrit des chefs-d’œuvre de la poésie courtoise comme Le livre du veoir dit12. Dans les années 1330, il devint chanoine à la cathédrale de Reims, ce qui lui offrit une grande liberté pour composer, tout en lui créant également des obligations, fécondes elles aussi. Il peut être considéré comme un des derniers trouvères (cependant tous attachés à la musique monodique des XIIe et XIIIe siècles13). Succédant aux brillants polyphonistes de l’Ars antiqua, qui avait tout d’abord « fleuri » chez les interprètes/improvisateurs/compositeurs de l’École de Notre-Dame de Paris, plus d’un siècle auparavant, Machaut développa un langage polyphonique résolument moderne (on pourrait même dire d’avant-garde, comme chez les autres compositeurs de son siècle : il est le plus significatif d’entre eux). Reprenant malgré tout les canons liturgiques et artistiques des époques précédentes, il continua à se référer au plain-chant, dans certaines de ses partitions produites pour l’église (les œuvres destinées à l’église ne peuvent pas toutes être bâties sur une teneur grégorienne). Machaut écrivit des motets complexes (religieux aussi bien que profanes, selon les habitudes de ce temps). Ils sont d’une grande beauté.
Ses motets isorythmiques à 3 ou 4 voix illustrent notamment les innovations rythmiques de l’Ars Nova, rendues possibles par l’évolution de la notation musicale.
Machaut a contribué au développement de la musique polyphonique, non seulement dans ses motets, mais aussi dans ses rondeaux et ses ballades. Sa célèbre Messe Nostre Dame en cinq parties, composée entre 1360 et 1365, est considérée, en l’état actuel des connaissances, comme la première messe polyphonique complète écrite par un seul auteur. Elle est à quatre voix.
Au sujet de cette messe, Lucien Kandel écrit : « Nos recherches approfondies sur la « musica ficta » au XIVe siècle, sous la conduite très avisée du musicologue Gérard Geay, révèlent une œuvre aux sonorités inouïes à ce jour. [...]. La lecture sur manuscrit impose d’emblée un souffle et une interprétation amples, lié à l’utilisation de la valeur longue et de sa division ternaire (modus perfectus) »14.
Sa Messe Nostre Dame est d’une écriture polyphonique complexe, du point de vue mélodique aussi bien que rythmique. Ces avancées, qui résument l’Ars nova du XIVe siècle, sont inscrites dans un avant-gardisme que décrit le musicologue Jacques Chailley. Et c’est sans réelle surprise qu’elles furent saluées par Pierre Boulez, figure de proue du modernisme musical français et européen dans la seconde moitié du XXe siècle15.
Comte de Caylus, Premier mémoire sur Guillaume de Machaut, poète et musicien dans le XIVe siècle, contenant des recherches sur sa vie, avec une notice de ses principaux ouvrages, dans Mémoires de littérature tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1744, tome 34, p. 147-173 (lire en ligne) [archive]
Comte de Caylus, Second mémoire sur les ouvrages de Guillaume de Machaut, contenant l’histoire de la prise d’Alexandrie, et des principaux évènemens de la vie de Pierre de Lusignan, roi de Chypre et de Jérusalem, tirée d’un poème de cet écrivain, dans Mémoires de littérature tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1744, tome 34, p. 174-216 (lire en ligne) [archive]
Ernest Hoepffner, Œuvres de Guillaume de Machaut, E. Champion, Paris, 1908-14, III tomes.
Armand Machabey, La vie et l’œuvre de Guillaume de Machault, t. 1, Paris, Richard Massé éditeur, 1955
Ernest Kalas, La Vie rémoise à travers les âges, Impr. de la « Dépêche », Reims, 1921, pp93-198.
Guillaume de Machaut, Quatre dits [archive]. Traduction, introduction, et notes par Isabelle Bétemps. Champion, 2008. 208 p., broché, 11 x 17,5 cm. (ISBN978-2-7453-1663-9).
Jacqueline Cerquiglini-Toulet, Guillaume de Machaut, Le Livre du Voir Dit, Un art d’aimer, un art d’écrire, Paris, SEDES, 2001
Comme mon cœur désire : Le livre du voir dit. Guillaume de Machaut, Denis Hue, préface de Jacqueline Cerquiglini-Toulet, éditions Paradigme
Nigel Wilkins, ed., Guillaume de Machaut: la Louange des Dames, Edinburgh, Scottish Academic Press, 1972.
Nigel Wilkins, Guillaume de Machaut 1300-1377, in The Consort Vol. 33 (1977), pages 213-221.
Dictionnaires
Dictionnaire du Moyen Âge, dir. Claude Gauvard, Alain de Libera et Michel Zink, Paris, PUF, 2004
Littérature française du Moyen Âge, Michel Zink, Paris, PUF (Quadrige-Manuels), 1re éd. 1992
1997 – Dreams in the Pleasure Garden: Machaut Chansons, Orlando Consort, Deutsche Grammophon DG Archiv 477 6731.
2004 – Zodiac : Ars Nova and Ars Subtilior in the Low Countries and Europe, Capilla Flamenca, Eufoda 1360. Contient les enregistrements de Riches d’amour et mendians d’amie et Quant je suis mis au retour de Guillaume de Machaut.
2004 Motets – Guillaume de Machaut – The Hilliard Ensemble : David James, David Gould, Rogers Covey-Crump Steven Harrold et Gordon Jones – ECM Records GmbH
2009 – En un gardin. Les quatre saisons de l’Ars Nova. Manuscrits de Stavelot, Mons, Utrecht, Leiden, Capilla Flamenca. MEW 0852. Contient un enregistrement de Se vous n’estes de Guillaume de Machaut.
Georges Minois, La Guerre de Cent ans, Perrin 2008 p. 161
D. Queruelle et J.Pape, La Fin du chant courtois et les nouvelles formes poétiques, Reims, Bonneton, 1990
Cela n’interviendra complètement qu’à partir du XVIIe siècle.
Autrand, p. 53
Earp, Lawrence. .Ars nova [archive]. IN Kibler, William W. Medieval France: an encyclopedia. Volume 2 de Garland encyclopedias of the Middle Ages. Routledge, 1995. p. 72-73.
BNF. Gallica : [1] [archive]-Le livre du veoir dit.
Si l’on excepte Adam de la Halle, mort à la fin du XIIIe siècle et dont l’art se situe à la charnière de la monodie et de la polyphonie.
Ressources-IRCAM : Journée Pierre Boulez sur France Culture, Messe de Notre Dame, Guillaume de Machaut[2] [archive] (19 février 1995. Consulté le 13 février 2017).
(en) Nielsen Business Media, Inc., Billboard, 1977, 161 p. (lire en ligne [archive]), p. 148.
Cette femme de 55 ans, soupçonnée du meurtre de son mari, en 1995, à Busset (Allier), était en détention provisoire depuis plus d’un mois. Ce mercredi matin, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom a ordonné sa remise en liberté très encadrée.
La veuve de Christophe Doire, ce chasseur retrouvé décapité à Busset, dans l’Allier, le jour de Noël 1995, va pouvoir sortir de prison. Après plus d’un mois de détention provisoire consécutive à sa mise en examen pour homicide volontaire, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom a ordonné sa remise en liberté avec assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE).
L’audience a eu lieu ce mercredi matin, en sa présence et à huis clos, conformément à la demande de ses conseils, Maîtres Nathalie Bernard et Jean-François Canis. Rien n’a filtré sur la motivation de cette décision. Les magistrats se sont prononcés dans le cadre d’un appel de la détention provisoire formulé par les deux avocats de la défense, en s’appuyant sur une enquête de faisabilité pour un bracelet électronique, décidée le 12 juillet dernier.
Rebondissement en juin dernier
Pour rappel, l’affaire Christophe Doire, restée un « cold case », une affaire jamais élucidée, durant 27 ans, a été relancée en novembre 2021, à l’initiative d’Eric Neveu, procureur de la République de Cusset. De nouvelles investigations ont été lancées, orientant les soupçons des enquêteurs sur Maria M., laquelle avait été mise hors de cause après la découverte du cadavre de son mari. Durant ses 48 heures de garde à vue, en juin dernier, cette femme de 55 ans, jusqu’alors discrète, aurait nié avoir tué celui-ci, fin 1995, ainsi que toutes relations conflictuelles avec lui.
Ce mardi matin, c’est une quinquagénaire au visage déterminée qui est apparue dans le box de la cour d’appel de Riom, juste avant le début de l’audience. Chemisier blanc rayé de noir, cheveux longs attachés, elle s’est longuement entretenue avec ses avocats.
Les débats, devant la chambre de l’instruction, ont duré près d’1 h 30. Dans la salle, côté public : Olivier Doire, le frère de la victime. Maîtres Canis et Bernard n’ont pas souhaité faire de commentaires à l’issue de l’audience. Mais c’est bien l’innocence de leur cliente qu’ils sont venus plaider.
« C’est prématuré et risqué »
Maître Juliette Chapelle (*), l’avocate d’Olivier Doire, se dit pour sa part »assez surprise » de la décision de la chambre de l’instruction. « C’est prématuré et risqué. D’une part au regard des indices graves et concordants qui ont été rassemblés jusqu’à présent dans l’instruction et d’autres part sur les garanties de représentation, qui sont assez faibles et sur le risque de concertation qui est non négligeable. La suspecte n’a pas encore été interrogée au fond par le juge d’instruction. »
(*) Réprésentée par Maître Sylvain Gauché à l’audience
Si vous êtes dans le Finistère, je vous recommande ce duo harpe et violon qui se produira de manière unique vendredi à la chapelle de Kersaint, à Landunvez (voir ci-dessous).
Et j’en profite pour reparler un peu de moi (j’adore faire ce que la criminelle Josette Brenterch du NPA de Brest et ses complices Pascal Edouard Cyprien Luraghi de Puy-l’Evêque, Jean-Marc Donnadieu de Béziers et autres détestent que je fasse), en rappelant ma très bonne éducation, notamment dans le domaine musical :
Je rappelle aussi être pour ainsi dire « tombée de l’armoire » en début d’année 1993 lorsque j’ai appris pour la toute première fois que des complices de le criminelle Josette Brentrech du NPA de Brest me faisaient passer pour une « mythomane » depuis déjà près de quatre ans, pour avoir tout simplement indiqué à l’un d’entre eux, une femme, que je pouvais jouer du violon, en réponse à une question très précise qu’elle venait de me poser à ce sujet. Cette commerciale qui m’avait recrutée peu de temps plus tôt pour être exploitée par la société qui alors m’employait m’ayant invitée à déjeuner avec deux de mes collègues informaticiens nous avait demandé si nous pourrions participer à un groupe musical formé de salariés de cette société et nous avait bien interrogés chacun individuellement, l’un après l’autre, sur nos compétences musicales, elle voulait savoir si nous pouvions jouer d’un instrument de musique et lequel. Elle ne nous demandait pas si l’idée de participer à un tel groupe aurait pu nous plaire ou nous motiver (moi oui, peut-être, s’agissant de musique, mais pas dans n’importe quelles conditions, et je préférais de toute façon organiser mes loisirs très loin de mon employeur), elle recherchait des compétences pour former un groupe, sans autre précision sur ledit groupe. En particulier, nous ne savions pas du tout ce qu’elle voulait : rock, musique de chambre ou autre. J’ai toujours été très réticente à livrer à mes employeurs des éléments de ma vie privée (je venais d’ailleurs de voir ma période d’essai prolongée au motif très précis et unique que personne dans mon entourage professionnel ne savait rien de ma vie privée), j’étais donc un peu gênée par cette question, mais ne voyais vraiment pas de mal à y répondre sans cacher la vérité, j’avais juste un peu peur de me retrouver embarquée dans un truc dont je ne savais encore strictement rien. Or, à peine avais-je répondu qu’elle était partie dans un éclat de rire hystérique qui nous avait mis tous trois très mal à l’aise tant il en ressortait de manière évidente que cette femme était mentalement dérangée. Sur le coup, j’avais cru qu’elle se foutait de ma gueule en raison de l’image de ringardise du violon et de la musique classique dans les classes populaires sous-éduquées, mes collègues aussi, et nous étions rapidement passés à un autre sujet de conversation pour ne plus revenir à celui-là qui provoquait chez notre commerciale des réactions anormales montrant pour le moins que cette débile mentale ne savait même pas se tenir en société.
Eh bien, en définitive, ce n’était pas ça du tout. Ma réponse l’avait fait rire aux éclats, car tout le monde sait bien que les Bretons sont tous des arriérés totalement incultes ne sachant pour aucun d’entre eux jouer du moindre instrument de musique… et depuis ce temps-là, elle me disait partout non seulement débile, comme tous les Bretons (elle m’avait effectivement toujours traitée comme une débile, mais comme le sont de toute façon tous les matheux qui ont fait de « grandes études » chez la plupart des commerciaux, si bien que je ne savais jamais très bien comment me comporter avec elle et m’en tenais comme toujours en ce cas-là à la plus grande des politesses), mais également « mythomane » pour avoir donc prétendu être violoniste… et aussi helléniste environ un an plus tard auprès d’un de ses collègues commerciaux ayant de même amplement suscité ma réaction en m’interpellant avec des comparaisons très hasardeuses entre le grec et le breton, deux langues qu’il ne connaissait ni l’une ni l’autre (celui-là n’avait pas éclaté de rire après avoir entendu ma réponse, il était resté me regarder avec des yeux ronds comme des soucoupes, comme si tout d’un coup je m’étais mise à parler chinois, et avait juste fait, l’air hébété : « … grec… latin grec… » – mais oui, monsieur, j’ai bien entendu, c’est ce dont je vous parle, je connais très bien le grec ancien, je suis helléniste; fin de la conversation). Mieux encore : j’apprendrai dans la foulée qu’à Brest, ville la plus reculée de notre province d’arriérés mentaux, les gens vivaient encore dans des maisons au sol en terre battue au milieu des cochons faisant toujours office de camions poubelles comme à Paris au Moyen-Âge… et que j’avais donc été élevée parmi eux dans une de ces maisons… baignant dans la gadoue…
Mais je me souviens aussi de cette réflexion qu’elle m’avait faite elle-même une fois, révélant sa mentalité et ses préjugés : « Finalement, vous n’êtes pas si timide, vous êtes même très intelligente ».
Pour le commercial de base, « timide » ou tout simplement correct ou poli rime avec « stupide ».
Si tu respectes ton prochain et ne t’enrichis pas en le volant, voire en le vendant comme esclave à son insu, tu n’es qu’un débile mental et ne mérites que le mépris de tous ceux qui n’en sont pas et se trouvent par conséquent toujours prêts à tout pour se faire une place au soleil, ne reculant vraiment devant rien.
Et le jour où cette commerciale m’avait dit me trouver finalement « très intelligente », ce n’était pas forcément un compliment, mais plutôt un constat d’échec : mon intelligence la dérangeait, elle ne rigolait plus.
Deux ou trois ans plus tard, j’ai revu l’un de mes collègues informaticiens présents à ce déjeuner où elle nous avait demandé si nous savions jouer d’un instrument de musique. Tout comme moi, il avait depuis longtemps quitté cette société, et dans des conditions pas tellement meilleures. Lui non plus n’était pas trop stupide. De plus, contrairement à moi, il était doté d’un physique qui lui permettait de se défendre de manière très efficace contre divers escrocs. Il m’a raconté comment il avait procédé pour obtenir de notre ancien employeur commun le règlement de son solde de tout compte : après plusieurs mois de demandes infructueuses, il s’était résolu à aller le trouver dans son bureau de PDG pour en exiger qu’il lui signât immédiatement son chèque, faute de quoi il allait tout casser; joignant le geste à la parole, il se saisissait de la lampe de bureau qu’il jetait au sol, et répétait : « Tant que je n’aurai pas mon chèque, je continue. » Puis il mettait la main sur le téléphone. Notre ancien employeur s’écriait alors : « Non, pas le téléphone ! » Puis il sortait son carnet de chèques et le problème était définitivement réglé. MDR !!! J’aurais tenté la même chose, j’aurais encore fait rire, j’aurais même pu me retrouver à Sainte-Anne ou dans un poste de police quelconque, et en tous les cas, n’aurais jamais obtenu ce que je demandais.
Cet ancien collègue dont la mère ne parlait pas français venait de Seine-Saint-Denis et qualifiait à juste titre nos anciens employeurs communs de « ploucs », de « minables », etc, etc…
Etant eux-mêmes des affairistes d’origine étrangère sans grande instruction ni éducation, ils recrutaient de préférence de jeunes informaticiens issus de la province ou de banlieues défavorisées en pensant qu’ils pourraient leur imposer n’importe quoi plus facilement et tombaient de temps en temps sur un os.
J’imagine que leurs complices de Brest, notamment la criminelle Josette Brenterch du NPA de Brest, ont bien dû sauter de joie au plafond le jour où ils ont su que ces commerciaux me disaient « mythomane », et surtout pourquoi, eux qui me haïssaient déjà depuis tellement d’années, précisément pour cette excellente éducation qu’ils connaissaient bien et m’avaient toujours enviée.
Je rappelle ici à leur attention, d’une part, que contrairement à ce qu’ils prétendent, et qui m’avait été rapporté par quelques collègues harceleurs en relation avec eux dès l’année 1994, elle n’a jamais coûté une fortune, les cours dispensés par l’Ecole Nationale de Musique de Brest étant quasiment gratuits pour ceux qui peuvent les suivre sans aucun problème (les autres n’étant pas gardés dans cette école publique doivent recourir aux cours privés payants s’ils veulent poursuivre leurs études musicales), et d’autre part, que la musique est chez nous une tradition familiale, peut-être depuis notre ancêtre luthier du XVIIIème siècle, et plus probablement depuis la nuit des temps.
Je retrouve ainsi dans la parentèle de mes ascendants deux célèbres musicologues du XIVème siècle, Philippe de Vitry et Johannes de Muris (voir ci-dessous), des descendants de ces deux familles s’étant de nouveaux alliés bien plus tard pour former l’une de nos branches familiales.
Eh oui, comme mon nom breton ne l’indique pas, j’ai en fait de très nombreux ancêtres parisiens, mais de tous temps, la capitale a aussi toujours compté un grand nombre de Bretons venus s’y installer de manière temporaire ou définitive, sans qu’ils y soient toujours décriés comme des débiles ou des arriérés mentaux, bien au contraire.
Rappelons pour l’exemple que c’est la Reine de France Anne de Bretagne, connue pour sa très grande culture, qui a introduit dans ce pays la Renaissance italienne, et non son gendre François 1er, un rustre que par ailleurs elle n’appréciait pas et dont elle ne voulait pas comme mari pour sa fille Claude de France.
Depuis le début de l’été Tiphaine Escarguel enchaîne les concerts dans le Léon. Dans des chapelles mais aussi dans les bois, sur les dunes ou la plage.
Il y a quelques jours, la harpiste originaire d’Argenton avait fait le choix de jouer sur celle de Penfoul. Le 31 juillet, jusqu’au dernier moment elle a bien cru devoir tout annuler, à cause du mauvais temps. « Mais ne dit-on pas qu’avec la marée tout change », lance-t-elle en riant. À 19 h, les nuages s’en étant allés et elle a pu jouer pour près de 80 auditeurs ravis.
Après un second rendez-vous réussi vendredi 12 août, cette fois près de la cabane des douaniers à Argenton, elle se produira une dernière fois à la chapelle de Kersaint. Pour ce concert, elle sera accompagnée par son amie, la violoniste chinoise Ruixian Liu. Pour cette soirée en duo, elles ont choisi un répertoire de compositions personnelles, comme de musiques traditionnelles allant de l’Amérique du Sud à l’Europe de l’est.
Vendredi 19 août, à 20 h 30 à la chapelle de Kersaint. Entrée libre
Considéré par ses contemporains comme un esprit brillant, loué pour ses connaissances en mathématiques, philosophie, poésie, rhétorique et musique, il est une figure emblématique du Moyen Âge. Seule une partie de ses compositions musicales — quelques motets et chansons — et de ses traités de musique nous sont parvenus. Sa musique se démarque de celle de Pérotin (v. 1160 – v. 1230), et son influence, qui perdure plus d’un siècle après son décès, se reconnaît, par exemple, dans les œuvres de Guillaume de Machaut ou de Guillaume Dufay.
En plus de ses fonctions importantes dans l’administration royale, Philippe de Vitry est très estimé de ses contemporains qui le considèrent comme un grand érudit et un intellectuel, un homme de lettres et un musicien reconnu. Il est en relation avec les grands intellectuels de son temps, notamment Pierre Bersuire, Nicole Oresme et Pétrarque. Ce dernier, dans une lettre qu’il lui a adressé en 1351, parle de lui comme « un poète unique ». Leo Hebraeus le proclame « le plus grand maître de la science musicale ». L’auteur des Règles de la seconde rhétorique (ouvrage anonyme) dit de Vitry qu’il « a inventé le style des motets, ballades, lais et rondeaux simples », une position également attestée par le témoignage de Gace de La Bigne (« Philippe de Vitry qui a élaboré des motets mieux que quiconque »). Gilles Le Muisit dans ses Méditations (1350), le considère avec Guillaume de Machaut comme le plus grand des musiciens vivants.
Son rayonnement dépasse largement le milieu français puisqu’à sa mort, Francesco Landini compose un madrigal, Si dolce non sono, où Vitry est implicitement évoqué. Ce renom est explicable par le rôle majeur qu’exerce Vitry dans les domaines politique et intellectuel, mais aussi par le fait que le traité Ars nova cite explicitement ses motets comme exemples du style et des techniques de composition propres au XIVe siècle naissant. L’importance de Vitry est enfin soulignée par les deux sources principales contenant ses œuvres jusqu’à nous parvenues et les cercles auxquels ces premières sont attachées : le Roman de Fauvel associé à la Cour de France et le manuscrit d’Ivrea (recueil de pièces composées pour la Cour et la Chapelle pontificales d’Avignon).
Œuvres
Page du traité Ars nova musicae de Philippe de Vitry.
En dépit de sa célébrité, peu d’œuvres de Vitry nous sont parvenues. Nous ne possédons rien de ses écrits savants et seulement quelques-uns de ses poèmes, et on ne connaît qu’un tronçon du fameux traité2Ars nova musicæ, paru vers 1320 et dont il est l’auteur présumé, qui propose une notation musicale novatrice, utilisant des signes inconnus. Il encourage l’emploi de nouvelles règles de composition, notamment des arrangements rythmiques novateurs, ce qui permet l’émergence d’un style polyphonique moins dépendant des contraintes de l’Ars antiqua du XIIIe siècle, considéré pour cela comme le siècle classique médiéval, dans le domaine musical comme dans d’autres.
Philippe de Vitry a aussi écrit le Dit de Franc-Gontier3, qui appellera une réponse du cardinal Pierre d’Ailly: Combien est misérable la vie du tyran4. Le cycle sera clôturé par François Villon au siècle suivant avec Les Contredits de Franc Gontier5.
Les experts modernes n’ont attribué à Vitry qu’une quinzaine de motets, dont l’attribution pour certains est remise en cause aujourd’hui, tous conservés dans seulement deux manuscrits : un manuscrit savoyard de la fin du XIVe siècle, Ivrea 115, et surtout le Roman de Fauvel (Paris, Bibliothèque Nationale fr. 146) qui contient également un grand nombre de chants courtois qui sont peut-être également de la plume de Vitry.
Les motets « Adesto » et « Tribum que » ont fait chacun l’objet d’une diminution anonyme, ces pièces destinées à l’orgue nous ont été transmises par le dénommé Codex Robertsbridge6.
O canenda vulgo / Rex quem metrorum / contratenor / Rex regum8
Floret cum van gloria / Florens vigor ulciscendo / Neuma9
Références
Les œuvres de Philippe de Vitry, Imp. P. Regnier, Reims, 1850 – 186 pages (lecture en ligne [archive]).
Guide de la musique du Moyen Âge, sous la direction de Françoise Ferrand, Fayard 1999, 853 pages, p. 562-568.
Texte de présentation de Edward H. Roesner, CD Philippe de Vitry, motets & chansons par l’Ensemble Sequentia (Harmonia Mundi).
(en) Margaret Bent et Andrew Wathey, « Vitry, Philippe de », The New Grove Dictionnary of Music and Musician, Stanley Sadie, no 26, 2001, p. 803 – 813
les innovations proposées par ce traité musical et leurs conséquences furent contestées en vain par le pape Jean XXII
Jean de Murs, aussi connu sous les noms Jean des Murs, Jean des Meurs ou Johannes de Muris (vers 1290 — vers 1351-1355) est un mathématicien, astronome, théoricien de la musique de l’ars nova, et ecclésiastique français. Les formes Jean de Murs, Jean des Murs et Jean de Meurs ne se trouvent que dans des documents tardifs.
Biographie
Il est né dans le diocèse de Lisieux à la fin du XIIIe siècle, peut-être dans une famille de petite noblesse car il est apparenté à Julien des Murs, secrétaire de Charles V.
En 1317, il propose une réforme du calendrier. Il a étudié à Évreux où il était en 1318. Il y fait des observations astronomiques en mars 1319 ; puis il a enseigné à la Sorbonne avec le titre de Magister artium en 1323 et 1324, date de rédaction de son Musica speculativa secundum Boecium.
En 1326 et 1327 on le retrouve à Fontevrault et de nouveau à Évreux en 1332 et 1333, peut-être comme rector scholarum. Le 14 mai1333, en présence de la reine de Navarre Jeanne II, il observe une éclipse et note que le phénomène a débuté dix-sept minutes plus tôt que ce que notaient les tables alfonsines.
Pendant l’hiver 1336-37 il effectue d’autres observations astronomiques à Paris et rédige un opuscule proposant de compenser l’erreur due à l’utilisation du calendrier julien : supprimer toutes les années bissextiles pendant quarante ans… Ce qui le fit mander par le pape Clément VI à Avignon en 1344, pour sa réforme du calendrier – mais les travaux partagés avec un autre parisien, Firmin de Belleval, dans leur Epistola ad dominum papam Clementem VI super reformatione antiqui Kalendarii – ne sont pas source de réforme. Il semble que les tables alfonsines qui servent de base au travail de Jean aient suscité la méfiance des astronomes contemporains. Jean et Firmin corrigèrent donc seulement le calendrier lunaire, qui sert à la détermination de la fête de Pâques.
En 1342 il est un des chanoines à Mézières-en-Brenne (Indre), où il écrivit sans doute son ouvrage principal : Quadripartitum numerorum.
Théorie de la musique
Théoricien de la musique, il publie De sonis musicis sur les proportions mathématiques en musique et Ars novæ musicæ sur les intervalles en musique publié en 13191. Il publie ensuite Musica speculativa secundum Boethium en 1323 puis Libellus cantus mesurabilii.
C’est un des précurseurs de l’unification du quadrivium et ses théories sont enseignées à la Sorbonne et dans de nombreuses universités de France et d’Allemagne. Jean de Murs applique les proportions numériques à la musique polyphonique parce qu’il croit à l’existence de relations entre les proportions numériques de la musique et celles de l’univers.
Avec Philippe de Vitry, c’est un des fondateurs de l’Ars nova en France. Il présente le système mensuraliste de l’ars nova dans Notitia Artis Musicae en 1321
Œuvres
Johannes de Muris – Proportions.
Astronomie
Expositio intentionis Regis Alphonsi circa tabulas eiun (Paris, BN, Ms. 7281, unique exemplaire trouvé) Emmanuel Poulle (voir paragraphe Éditions) considère qu’il peut s’agir là de notes mises bout à bout dans des circonstances diverses et à des dates variables.
Epistola ad dominum papam Clementem VI super reformatione antiqui Kalendarii (Paris, BN, Ms. Lat. 15104, fos 50v-57v)
Il est aussi l’auteur d’une lettre à Clément VI où il prédit une catastrophe pour l’année 1357 (Paris, BN, Ms. Lat. 7443, fos 33-34v) 2
Mathématiques
Quelques opuscules assez peu originaux, touchants à l’arithmétique, la géométrie, l’algèbre ainsi que la trigonométrie.
Canon tabule tabularum (1321) C’est une table de multiplication en numérotation sexagésimale.
Arbor boeti de arte numerorum sumpta et ordinata (Sorbonne, 1324 – Paris, Ms. Lat. 16621, fol. 62v-64)
De arte mensurandi (Paris, Ms. Lat. 9410, fos 1-67 3)
Opus quadripartitum numerorum sive de mensurandi ratione (nov. 1341 – connu en cinq copies manuscrites) Les trois premiers chapitres sont consacrés à l’arithmétique pure et le dernier à l’arithmétique appliquée.
Musique
Voici le domaine où Jean des Murs a eu le plus d’influence, s’occupant de techniques relatives à la musique proportionnelle. Le musicologue Edmond de Coussemaker, lui avait attribué à tort le Speculum musice qui n’est pas de lui, mais de Jacques de Liège (on y trouve l’acrostiche Iacobus). Ce qui ramène à trois ouvrages certains et deux autres probables, outre deux courts écrits anonymes regroupés dans la section « Autres ».
Ars nove musice ou Notitia artis musice (entre 1319-1321 – dix manuscrits connus) Il s’agit d’un manifeste en faveur de l’Ars nova, dont il est avec Philippe de Vitry le grand propagateur.
Compendium musicæ practicæ ou Quæstiones super partes musicæ (v. 1322)4
Musica speculativa secundum Boetium (pub. juin 1322 – cinquante manuscrits connus). Il s’agit d’un abrégé du texte de Boèce exposant les principes de l’harmonie. Il fut obligatoire dans plusieurs universités d’Europe orientale au XIVe et XVe siècles.
Libellus cantus mensurabilis (v. 1340) Les manuscrits d’origines italiennes5 portant souvent la mention « secundum Johannem de Muris » les musicologues pensent qu’il s’agit-là d’un texte de disciples ou de notes de cours donnés par le maître.
Ars contrapuncti4 S’il est authentifié ce serait le seul traité du genre de Jean des Murs, bien qu’il ne soit guère original.
Autres
Pas de certitude d’attribution.
Paris, BN, Ms. lat. 7378A, incipit : Omnes homines (v. 1320) Traité en trois livres.
Valde honorandus est beatus Joannes / Per gramma prothoparet.
Voir aussi
Éditions
Le « Quadripartitum numerorum » de Jean de Murs, introd. et éd. critique par Ghislaine L’Huillier, Paris, École des chartes, 1991, 661 p.
M. Gerbert, Scriptores ecclesiastici de musica sacra, III, St. Blasien, 1784, p. 249-283, 256-258, 292-301 et 312-315 (Ars nove musice), p. 301–306 (Compendium musicæ practicæ).
E. de Coussemaker, Scriptorium de musica medii ævi nova series, Paris, 1864–1876, III, p. 46–48 (Libellus cantus mensurabilis) et p. 56–68 (Ars contrapuncti).
Revues
Expositio intentionis Regis Alphosi circa tabulas eiun, commentaire par E. Poulle, dans AHDL, XLVII, 1980, p. 250–268.
Articles et chapitres sur Jean de Murs
Roger Aubert, « Jean des Murs », dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Letouzey et Ané, t. 27, p. 327 sqq., 2000.
Eugène Déprez, « Une tentative de réforme du calendrier sous Clément VI. Jean des Murs et la chronique de Jean de Venette », dans MÉFrR, XIX, 1899, p. 131–143.
Pierre Duhem, Le système du monde : histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, vol. IV, Paris, 1916, p. 30–38 et 51–60 (analyse de l’Epistola ad dominum…), rééd. Hermann 1984 (OCLC630456524).
Emmanuel Poulle, Les astronomes parisiens au XIVe siècle et l’astronomie alphonsine, Histoire littéraire de la France, Paris, de Boccard, t. 43:1, 2005, p. 1–54.
Thérèse Charmasson, « L’arithmétique de Roland l’Écrivain et le « Quadripartitum numerorum » de Jean des Murs », dans Revue d’histoire des sciences, XXXI, 1978, p. 173–176.
De même, on conserve peu de traces de l’éducation d’Anne de Bretagne. Il est probable qu’elle reçoive l’éducation d’une jeune noble de son temps : elle apprend à lire et à écrire en français, peut-être un peu de latin. Contrairement à ce que l’on retrouve parfois dans l’historiographie bretonne, il est peu probable qu’elle ait appris le grec ou l’hébreu3 et elle n’a jamais parlé ni compris le breton, langue à laquelle les milieux nantais où elle évolue sont étrangers4. Elle est élevée par une gouvernante, sa marraine Françoise de Dinan, comtesse de Laval5. Elle a plusieurs précepteurs, tel son maître d’hôtel, le poète de cour Jean Meschinot (de 1488 à la mort de celui-ci en 1491), qui, lors des loisirs d’Anne, va chasser au faucon avec elle. On lui aurait peut-être enseigné la danse, le chant et la musique6.
Héritière de Bretagne
En cette période, la loi successorale est imprécise, établie principalement par le premier traité de Guérande, en 1365, par Jean IV. Celle-ci prévoyait la succession de mâle en mâle dans la famille des Montfort en priorité ; puis dans celle de Penthièvre. Or, côté Montfort, il ne reste qu’Anne (puis Isabeau) et côté Blois-Penthièvre, Nicole de Penthièvre. Cette dernière meurt le 3 janvier1480 et les Penthièvre cèdent alors à Louis XI leurs droits sur le duché de Bretagne pour 50 000 écus. Anne de Beaujeu confirme cette vente en 1485 à la mort de Jean de Brosse, mari de Nicole de Penthièvre7.
Si, par la naissance d’un frère, la princesse Anne perd la succession de Bretagne, elle doit recevoir une dot de 200 000 livres. Mais François II n’a pas d’héritier mâle, ce qui menace de replonger la Bretagne dans une crise dynastique, voire de faire passer le duché directement dans le domaine royal. François II étant en résistance contre les prétentions du roi de France, il décide de faire reconnaître héritière sa fille par les États de Bretagne, malgré le traité de Guérande. Ceci a lieu le 20 février1486 à Rennes et accroît les oppositions au duc dans le Duché, la concurrence des prétendants au mariage avec Anne de Bretagne et mécontente l’entourage du roi de France8.
La destin d’Anne est lié à la politique menée par ses parents, qui sont souverains du duché de Bretagne. François II promet en effet sa fille à différents princes français ou étrangers afin d’obtenir des aides militaires et financières, et de renforcer sa position contre le roi de France. La perspective pour ces princes de joindre le duché à leur domaine permet ainsi à François d’entamer plusieurs négociations de mariage et de nouer à cette occasion différentes alliances secrètes qui accompagnent le projet matrimonial. Anne devient l’enjeu de ces ambitions rivales, et son père, rassuré par la signature de ces alliances, peut se permettre de refuser différents projets et contrats de mariageNote 3. Ces calculs politiques conduisent ainsi aux fiançailles d’Anne avec ces différents princes d’Europe9 :
elle est d’abord fiancée officiellement en 1481 au prince de Galles Édouard, fils du roi Édouard IV. À la mort de son père, il est brièvement roi (en titre) sous le nom d’Édouard V et disparaît peu après (mort probablement en 1483) ;
Henri Tudor, le futur Henri VII d’Angleterre, (1457-1485-1509), dernier représentant mâle de la branche Lancastre alors en exil en Bretagne, mais ce mariage ne l’intéresse pas ;
Le vicomte Jean II de Rohan, autre héritier présomptif, propose, avec le soutien du maréchal de Rieux, le double mariage de ses fils François et Jean avec Anne et sa sœur Isabeau, mais François II s’y oppose.
Duchesse de Bretagne
Anne, duchesse de Bretagne, promet de rembourser à ses oncle et tante le roi et la reine de Castille et d’Aragon les sommes qu’ils ont avancées pour la défense de la Bretagne contre le roi de France. Rennes, 7 septembre 1490. Charte scellée. Archives nationales.
En 1488, la défaite des armées de François II à Saint-Aubin-du-Cormier, qui conclut la guerre folle, le contraint à accepter le traité du Verger, dont une clause stipule que François II ne pourra marier ses filles sans le consentement du roi de France10.
À la mort de François II, le 9 septembre 1488, quelques jours seulement après sa défaite, s’ouvre une nouvelle période de crise qui mène à une dernière guerre franco-bretonne – le duc, sur son lit de mort, ayant fait promettre à sa fille de ne jamais consentir à l’assujettissement à son voisin le royaume de France, et au roi son ennemi. Avant de mourir, François II a nommé le maréchal de Rieux tuteur de sa fille, avec pour mission de la marier11. Le roi de France réclame la tutelle d’Anne et d’Isabeau, qui lui est refusée par Jean de Rieux, si bien que Charles VIII entre officiellement en guerre contre le duché de Bretagne le 7 janvier1489. Le parti breton s’empresse alors, le 15 février1489, de proclamer Anne duchesse souveraine légitime de Bretagne. Le 4 janvier1490, la duchesse publie que seront reconnus coupables du crime de lèse-majesté ceux de ses sujets qui la trahiraient et qui rallieraient le camp du roi de France12.
Ce mariage est une nouvelle provocation à l’égard du camp français, qui considère qu’il viole le traité du Verger et que la jeune épouse menace le royaume en ayant adhéré à la ligue que forment les rois d’Angleterre, d’Aragon et des Romains10. Il réintroduit un ennemi du roi de France en Bretagne, ce que leur politique a toujours tenté d’éviter aux XIVe et XVe siècles. De plus, il est conclu au mauvais moment : les alliés de la Bretagne sont occupés sur un autre front (siège de Grenade pour le roi de Castille, succession de Hongrie pour Maximilien d’Autriche), ce qui rend la procuration inopérante pendant neuf mois13.
En dépit de renforts anglais et castillans venus soutenir les troupes ducales, le printemps 1491 voit de nouveaux succès de La Trémoille (déjà vainqueur à Saint-Aubin-du-Cormier), et, se posant en héritier, Charles VIII vient assiéger Rennes, où se trouve Anne, afin qu’elle renonce à ce mariage avec l’ennemi du royaume de FranceNote 4.
Reine de France à la suite du mariage avec Charles VIII
Après deux mois de siègeNote 5, sans assistance et n’ayant plus aucun espoir de résister, la ville se rend et Charles VIII, le jour où le parti breton se rallie au roi de France, y fait son entrée le 15 novembre. Les deux parties signent le traité de Rennes, qui met fin à la quatrième campagne militaire des troupes royales en Bretagne. Anne ayant refusé toutes les propositions de mariage avec des princes français, des fiançailles avec Charles VIII auraient été célébrées à la chapelle des Jacobins de Rennes le 17 novembre 149114 – selon la tradition historique. En réalité, aucune source d’époque ne prouve que cet événement, s’il a eu lieu, s’est passé aux Jacobins15. Puis Anne de Bretagne se rend, escortée de son armée (et donc supposée libre, ce qui était important pour la légitimité du mariage et du rattachement de la Bretagne16) jusqu’à Langeais pour les noces des deux fiancés. L’Autriche combat désormais sur le terrain diplomatique (notamment devant le Saint-Siège), soutenant que la duchesse vaincue a été enlevée par le roi de France et que leur descendance est donc illégitime.
Le 6 décembre1491 à l’aube, Anne épouse officiellement, dans la grande salle du château de Langeais, le roi de France Charles VIII. Ce mariage est une union personnelle entre couronnes, il est discret et conclu sans l’accord du Pape. Il n’est validé qu’après coup par le pape Innocent VIII, qui se décide, en échange de concessions appréciables, à adresser à la cour de France, le 15 février 1492, l’acte de reconnaissance de nullité antidatéNote 7 du mariage par procurationNote 8 d’Anne avec Maximilien, et la dispense concernant la parenté au quatrième degré d’Anne et de Charles par la bulle du 15 février 149217. Par le contrat de mariage, signé la veille des noces, Anne institue Charles VIII, nouveau duc de Bretagne, comme prince consort, son procureur perpétuel. Le contrat comprend une clause de donation mutuelle au dernier vivant de leurs droits sur le duché de Bretagne. En cas d’absence d’héritier mâle, il est convenu qu’elle ne pourra épouser que le successeur de Charles VIII18. La donation royale, en cas de décès de Charles VIII, n’est cependant pas recevable : les droits de la couronne de France étant inaliénables, le roi n’en est pas le propriétaire mais seulement l’administrateur. Ce contrat n’officialise pas l’annexion de la Bretagne au domaine royal19, car il s’agit d’une union personnelle, entre deux couronnes. Ce n’est pas une union réelle. À la mort de Charles VIII, il y a séparation des couronnes (clause du contrat). Anne de Bretagne redevient souveraine légitime de son duché ; dès le deuxième jour d’avril 1498, elle rétablit la chancellerie en Bretagne. Rien ne l’oblige à se marier au roi de France.
De cette union naissent six enfants, tous morts en bas âge20.
Charles VIII et Anne de Bretagne devant l’assemblée de tous les saints, miniature du Maître de la Chronique scandaleuse, vers 1493, BNF, Vélins 689.
Par le mariage de 1491, Anne de Bretagne est reine de France. Son contrat de mariage précise qu’il est conclu « pour assurer la paix entre le duché de Bretagne et le royaume de France ». Il fait de Charles VIII son procureur perpétuel. Le 8 février 1492, Anne est sacrée et couronnée reine de France à Saint-Denis. Elle est la première reine couronnée dans cette basiliqueNote 9 et sacrée, « oincte, chef et poitrine », par André d’Espinay, archevêque de Bordeaux21. Son époux lui interdit de porter le titre de duchesse de Bretagne22. Gabriel Miron sera chancelier de la reine et premier médecin.
Elle passe beaucoup de temps en grossesses (avec un enfant tous les quatorze mois en moyenne). Lors des guerres d’Italie, la régence est attribuée à Anne de Beaujeu, qui a déjà tenu ce rôle de 1483 à 1491. Anne de Bretagne est encore jeune et sa belle-sœur la suspecte23. Elle n’a qu’un rôle réduit en France comme en Bretagne et doit parfois accepter d’être séparée de ses enfants en bas-âge. Anne vit essentiellement dans les châteaux royaux d’Amboise, de Loches et du Plessis, ou dans les villes de Lyon, Grenoble ou Moulins (lorsque le roi est en Italie). À Amboise, Charles VIII fait faire des travaux, tandis qu’elle réside à côté, au Clos Lucé, où le roi lui fait construire une chapelle24.
Elle devient reine de Naples et de Jérusalem après la conquête de Naples par Charles VIII.
Duchesse de Bretagne et épouse de Louis XII, roi de France
Dès la mort de Charles VIII, héritière légitime des droits des ducs de Bretagne sur le duché de Bretagne, elle reprend la tête de l’administration du duché de Bretagne (clause du contrat). Elle fait acte de souveraineté en tant que chef d’État du duché par les nombreux actes qu’elle adopte : elle restaure notamment la chancellerie de Bretagne au profit du fidèle Philippe de Montauban, nomme lieutenant général de Bretagne son héritier Jean de Chalon, convoque les états de Bretagne, émet une monnaie à son nom (une monnaie d’or à son effigieNote 10)25,26. Elle nomme aussi responsable du château de Brest son écuyer Gilles de Texue.
Médaille d’Anne de Bretagne réalisée pour son passage à Lyon en 1499.
Trois jours après la mort de son époux, le principe du mariage avec Louis XII est acquis31, à la condition que Louis obtienne la reconnaissance de nullité de son mariage avant un an. Elle retourne pour la première fois en Bretagne en octobre 1498, après avoir échangé une promesse de mariage avec Louis XII, à Étampes, le 19 août, quelques jours après le début du procès en reconnaissance de nullité de l’union entre Louis XII et Jeanne de France32.
Un contrat de mariage qui rend sa souveraineté au duché de Bretagne
Le contrat de son troisième mariage, en 1499, est conclu dans des conditions radicalement différentes de celles du second. À l’enfant vaincue a succédé une jeune reine douairière et duchesse souveraine de l’État breton désormais incontestée, en face de qui l’époux est un ancien allié, ami et prétendant. Contrairement aux dispositions du contrat de mariage avec Charles VIII, le nouveau lui reconnaît l’intégralité des droits sur la Bretagne33 comme seule héritière du duché et le titre de duchesse de Bretagne. Anne de Bretagne, souveraine du duché, et Louis XII souverain pour le royaume de France signent le contrat de mariage de la reine qui est une union personnelle entre les deux couronnes, ducale et royale, par la rédaction de deux actes, — deux lettres ; une, publiée le 7, pour le mariage, cinq clauses, et l’autre, publiée le 19 janvier 1499, traite des généralités du duché comprenant treize clauses34 —, Traité de Nantes35 du 1er janvier 1499, avec le roi Louis XII36,37
Ce n’est pas une union réelle des territoires au point de vue juridique et du droit des gens. Ces actes définissent le statut légal de la Bretagne : « L’Acte authentique qui réglait le droit public de la province [de Bretagne] était encore le contrat de mariage de la reine Anne avec Louis XII. Or cet Acte assurait l’indépendance du Duché, car il stipulait formellement que la Reine en conservait personnellement la propriété, et que celle-ci passerait non pas à l’héritier du trône [de France], mais au second fils [ou fille] qui naîtrait du mariage… la pleine propriété revenant aux héritiers naturels de la reine. »38 à la mort des 2 souverains.
Le contrat33 affirme aussi clairement que le duché de Bretagne reviendra au deuxième enfant, mâle ou femelle « et s’il avenoit que d’eux deux en ledit mariage n’issist ou vinst qu’un seul enfant masle, que cy-après issent ou vinssent deux ou plusieurs enfans masles ou filles, audit cas, ils succéderont pareillement audit duché, comme dit est »39,40 – clause qui ne sera pas respectée par la suite. Renée sera déshéritée au profit de son aînée, Claude de France, et surtout du mari de cette dernière, François Ier. Pour le moment, le pouvoir régalien en Bretagne est exercé par Louis XII, en tant que duc par mariage (jure uxoris), prince consort uniquement usufruitier, quoique les décisions soient prises au nom de la duchesse. Anne vit à Blois, où la présence de la duchesse de Bretagne est partout signée. Elle fait édifier le tombeau de ses parents en la cathédrale de Nantes (où son cœur reviendra également, selon ses dernières volontés) avec les symboles des 4 vertus (prudence, force, tempérance justice) qu’elle aura toujours essayé de porter. Tous les arts italiens seront appréciés par cette reine de plus en plus cultivée. Durant la maladie de Louis XII, elle fait un tour de la Bretagne (mais pas le Tro Breiz, contrairement à ce qui est souvent raconté3).
Leur fille Claude de France, héritière du duché, est fiancée à Charles de Luxembourg en 1501, pour faciliter la conduite de la 3e guerre d’Italie en renforçant ainsi l’alliance espagnole, et pour convenir au dessein d’Anne de lui faire épouser le petit-fils de son premier mari Maximilien d’Autriche. Ce contrat de mariage est signé le 10 août 1501 à Lyon par François de Busleyden, archevêque de Besançon, Guillaume de Croÿ, Nicolas de Rutter et Pierre Lesseman, les ambassadeurs du roi Philippe Ier le Beaule Beau, père de Charles de Luxembourg. Les fiançailles sont annulées quand le risque d’encerclement plus complet du royaume peut être évité par l’absence d’un dauphin, à qui le contrat de mariage de Louis et Anne aurait interdit d’hériter de la Bretagne. C’est désormais au futur François Ier que sa fille est fiancée. Anne refusera jusqu’au bout ce mariage, qui aura lieu quatre mois après sa mort, et tentera de revenir à l’alliance matrimoniale avec le futur Charles Quint. C’est à ce moment que, mécontente de cette alliance, elle commence son « tour de Bretagne », visitant bien des lieux qu’elle n’avait jamais pu fréquenter enfant. Officiellement, il s’agit d’un pèlerinage aux sanctuaires bretons (elle se rend notamment à Saint-Jean-du-Doigt et à Locronan41), mais, en réalité, il correspond à un voyage politique et à un acte d’indépendance qui vise à affirmer sa souveraineté sur ce duché. De juin à septembre 1505, ses vassaux la reçoivent fastueusement. Elle en profite pour s’assurer de la bonne collecte des impôts et pour se faire connaître du peuple à l’occasion de festivités, de pèlerinages et d’entrées triomphales dans les villes du duché42.
Une souveraine cultivée et mécène
La reine possédait sa propre bibliothèque contenant une cinquantaine d’ouvrages sur la religion, la morale ou l’histoire43. On y trouve notamment des livres d’heures : les Grandes Heures (commande à Jean Bourdichon), les Petites Heures, les Très Petites Heures, les Heures (inachevées), la Vie de sainte Anne, les Vies des femmes célèbres de son confesseur Antoine Dufour, le Dialogue de vertu militaire et de jeunesse française44. Un Livre d’heures d’Anne de Bretagne, illuminé par Jean Poyer, est commandé par Anne pour Charles-Orland45.
Une partie venait de ses parents. Elle en a commandé elle-même plusieurs et quelques-uns lui ont été offerts. Enfin, ses deux maris possédaient aussi de nombreux ouvrages (environ un millier sont ramenés à la suite de la première guerre d’Italie).
Différentes miniatures de dédicace de livres commandés par Anne de Bretagne
L’éditeur Antoine Vérard donnant son ouvrage Le Trésor de l’Âme à Anne de Bretagne, BNF, Vélins350 f6r.
Anne de Bretagne recevant de son confesseur Antoine Dufour le manuscrit des Vies des femmes célèbres.
l’auteur Claude de Seyssel donnant son ouvrage à sa commanditaire Anne de Bretagne
Jean Marot remet son ouvrage à Anne de Bretagne
Des miniatures qui montrent le travail diplomatique et politique d’Année de Bretagne, par l’écriture de lettres
Anne de Bretagne écrivant à Louis XII (1508)
Anne de Bretagne donnant une lettre à un messager à destination de Louis XII (1508)
Anne de Bretagne écrit à Louis XII (1508)
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Mort et sépulture
Exposition du corps d’Anne de Bretagne dans la grande salle du château de Blois, par le Maître des Entrées parisiennes, Commémoration de la mort d’Anne de Bretagne de Pierre Choque, 1514, Bibliothèque de Rennes, Ms.332.
Usée par les nombreuses maternités et les fausses couches, atteinte de la gravelle, elle meurt le 9 janvier 1514 vers six heures du matin au château de Blois, après avoir dicté par testament la partition de son corps (dilaceratio corporis, « division du corps » en cœur, entrailles et ossements) avec des sépultures multiples, privilège de la dynastie capétienne. Elle permet ainsi la multiplication des cérémonies (funérailles du corps, la plus importante, et funérailles du cœur) et des lieux (tombeaux de corps et de cœur)46.
Selon sa volonté, son cœur a été placé dans un cardiotaphe en or rehaussé d’émail, cette boîte en or étant enfermée dans une autre boîte en plomb puis une autre en fer. L’ensemble est transporté à Nantes en grande pompe pour être déposé, le 19 mars 1514, en la chapelle des Carmes. S’y trouve le tombeau de François II de Bretagne, qu’elle a fait réaliser pour ses parents, son cœur est placé à la tête du tombeau. Saisi durant la Révolution, l’écrin est transféré à la Monnaie de Paris, où il manque de peu d’être fondu48.
Après sa mort en 1514, Louis XII n’est qu’usufruitier du Duché de Bretagne. Il n’en est pas propriétaire, et la mort de Louis XII mettra fin à l’union personnelle en janvier 1515 (clause du Traité de Nantes de 1499).
Blason d’Anne de Bretagne, les armes de son époux royal (fleurs de lys) à senestre, celles de son père (queues d’hermine) à dextre.
Anne avait hérité de ses prédécesseurs les emblèmes dynastiques bretons : hermine passante (de Jean IV), d’hermine plain (de Jean III), cordelière (de François II). Veuve de Charles VIII, elle s’inspire de cette figure paternelle pour créer en 1498 l’ordre de la Cordelière54.
Lettres couronnées L A de Louis XII et d’Anne avec leurs armes d’alliance entourées du collier de Saint-Michel et de la cordelière sur le fronton de la porte d’entrée de la chapelle du château de Blois.
Elle fit usage aussi de son chiffre, la lettre A couronnée, de la devise Non mudera (« je ne changerai pas »), et d’une forme particulière de la cordelière paternelle, nouée en 8. Ses emblèmes furent joints, dans la décoration de ses châteaux et manuscrits, avec ceux de ses maris : l’épée enflammée pour Charles VIII et le porc-épic pour Louis XII. Elle avait également comme devise Potius mori quam foedari : « Plutôt mourir que déshonorer », ou « Plutôt la mort que la souillure » (en breton : « Kentoc’h mervel eget bezañ saotret »). Cette devise a été utilisée par les ducs de Bretagne dès avant Jean IV.
On retrouve son blason dans de nombreux lieux où elle est passée, ou liés à ses fonctions (principalement de duchesse ou de reine) :
Dernière duchesse de Bretagne et deux fois reine de France, Anne de Bretagne est, avec saint Yves, un des personnages historiques les plus populaires de Bretagne.
En 2014, pour le 500e anniversaire de sa mort, plus d’une quarantaine d’événements sont organisés dans les cinq départements bretons58.
La noblesse bretonne, voulant préserver ses privilèges comme ses prérogatives, s’évertue à prouver par l’intermédiaire de l’historiographie régionale que sa dernière duchesse a résisté à cette annexionNote 11. Anne de Bretagne reste depuis lors dans la mémoire bretonne un personnage soucieux de défendre le duché face à l’appétit de la France. Parallèlement, elle est élevée dans la mémoire nationale comme un symbole de paix et de concorde dans le royaume dont elle a été sacrée la mère59.
Le destin posthume d’Anne de Bretagne est composé d’images déformées par son histoire façonnée par les calculs politiques et les jeux de propagande. D’où la nécessité de séparer l’historiographie objective d’Anne de Bretagne de l’imaginaire collectif qui fait régulièrement appel à cette référence culturelle dans des supports publicitaires, des spectacles et manifestations folkloriques, et de dépasser la vision antagoniste de certains historiens qui poursuivent, avec ce personnage, une mythification de son histoire, et une historiographie nationale voulant forger le mythe d’une nation française une et indivisible60.
De son vivant, les propagandes royales de Charles VIII puis de Louis XII ont présenté Anne de Bretagne en reine parfaite, symbole de l’union et de la paix entre le royaume de France et le duché de Bretagne (tradition populaire de la « bonne duchesse »). L’Autriche de Maximilien, évincée du mariage, a porté un autre regard sur ces événements. Au cours des siècles, les historiens et l’imaginaire populaire ont présenté une Anne de Bretagne parfois différente, lui attribuant des actes ou des caractéristiques physiques et psychologiques qui ne sont pas nécessairement attestés par des éléments historiques.
Après sa mort, elle tombe progressivement dans l’oubli dans l’historiographie nationale jusqu’au milieu du XIXe siècle, à la différence de l’historiographie bretonne. La noblesse bretonne commande une nouvelle histoire du duché, Histoire de Bretagne écrite de 1580 à 1582 par Bertrand d’Argentré, qui fonde une historiographie régionale faisant d’Anne de Bretagne la femme qui a conservé l’autonomie du duché malgré ses mariages avec deux rois de France. Si cette historiographie bretonne de propagande ne peut nier l’inaction de la reine pendant le règne de Charles VIII, elle amplifie l’emprise de la reine sur Louis XII19. Les celtomanes puis les régionalistes bretons cherchent, dès la fondation en 1843 de l’Association bretonne, un personnage capable d’incarner leur idéal de renouveau agraire et régional, tout en manifestant leur attachement à la nation française61. Leur choix se porte sur la figure mythique et folklorique de la duchesse Anne, qui est progressivement dotée, dans les histoires de Bretagne, du costume breton et qui la présentent comme une Bretonne proche du peuple (d’où la légende de la « duchesse en sabots »)62,63.
Plusieurs mythes entourent désormais Anne de Bretagne : celui d’une femme contrainte à un mariage forcé avec Charles VIII ; celui d’une duchesse bretonne attachée à l’indépendance et au bonheur de son duché ou, au contraire, d’une reine symbole de l’union et de la paix entre la Bretagne et la France60.
Présente après la guerre franco-allemande de 1870 dans les revendications régionalistes, la figure de la duchesse Anne est également récupérée par la propagande de la Troisième République (France) qui reprend la tradition antique et aristocratique du culte des grands personnages. Enjeu mémoriel et politique, elle incarne pour ces derniers la soumission de le Bretagne à la couronne de France puis aux intérêts français de la République64. Au XXe siècle, elle nourrit l’inspiration de l’iconographie touristique pour promouvoir la patrimoine breton et s’accompagne d’une appropriation identitaire à des fins commerciales65.
Cette figure hautement symbolique explique la parution, depuis 200 ans, d’une cinquantaine de livres à son sujet qui n’ont pas fini d’en donner une vision contrastée, entre un Georges Minois qui la présente comme une personne « bornée, mesquine et vindicative » et un Philippe Tourault qui en fait une « personnalité tout à fait riche et positive, ardemment attachée à son pays et à son peuple »66.
Littérature
Louis Ferrier de La Martinière, Anne de Bretagne, reine de France, tragédie par le sieur Ferrier, Paris, Jean Ribou, 1679, 72 p. (BNF30431149, lire en ligne [archive]).
Pierre de Lesconvel, Le prince de Longueville et Anne de Bretagne, nouvelles historiques, Paris, J. Guignard, 1697, 268 p. (BNF30801985, lire en ligne [archive]).
Si mort a mors, poème anonyme datant de ses funérailles, et repris par Tri Yann. D’autres chansons du répertoire du groupe font référence à la duchesse, notamment l’instrumental Anne de Bretagne de l’album Portraits en 1995.
Dans la chanson C’est un pays, Soldat Louis évoque « une duchesse encore enfant qui s’est fait mettre d’une manière royale ».
Le groupe Stetrice l’évoque en chantant « Mais ici honte à qui délaisse la volonté de la duchesse » dans sa chanson Naoned e Breizh, de l’album homonyme en 2011.
Un festival Anne de Bretagne itinérant a lieu chaque année dans une ville de Loire-Atlantique depuis 1995, par exemple en 2016 à Châteaubriant70.
Bâtiments
Sites historiques
L’église Saint-Pierre de Montfort-l’Amaury. Reconstruite, en lieu et place d’une église médiévale du XIe siècle, à la demande d’Anne de Bretagne.
Le château des ducs de Bretagne, à Nantes est conçu comme une forteresse dans le contexte de la lutte pour l’indépendance du duché de Bretagne. Le système défensif du château est composé de sept tours reliées par des courtines et un chemin de ronde. Depuis le début des années 1990, la ville de Nantes a mis en œuvre un programme de restauration et d’aménagement de grande envergure pour mettre en valeur ce site patrimonial en plein centre-ville, emblématique de l’histoire de Nantes et de la Bretagne. L’édifice restauré accueille le musée d’histoire de Nantes installé dans 32 salles.
Le manoir de la vicomté, dit « Le Bailliage » à Montreuil-l’Argillé (Eure) datant du XVe siècle est, depuis 1949 inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques71. Le manoir aurait été un pavillon de chasse, propriété d’Anne de Bretagne et de Louis XII[réf. nécessaire].
L’église Saint-Pierre de Montfort-l’Amaury (Yvelines) : église des XVe et XVIe siècles, d’une taille impressionnante et rare pour une petite cité, construite par la volonté d’Anne de Bretagne en lieu et place d’une église médiévale du XIe siècle.
les maisons d’Anne de Bretagne, à Guingamp, Morlaix, Saint-Malo et quelques autres villes, sont supposées avoir accueilli la duchesse lors de son tour de Bretagne (et non le Tro Breizh, ce pèlerinage des sept saints de Bretagne étant confondu avec celui du Folgoët qu’elle réalise le 29 août 1505 en exécution d’un vœu si le roi guérissait, pèlerinage prolongé par le tour de la Bretagne pendant trois mois)3 ;
Couronne en bronze doré à fleurs de lys incrustée de cabochons offerte en 1505 par la duchesse Anne de Bretagne à la frairie de Trescalan.
En 1505, la reine Anne fit cadeau de trois couronnes de mariage liées, selon plusieurs traditions historiographiques concordantes, aux relations qu’elle a entretenues avec les cités de la presqu’île guérandaise60 :
On attribue à Anne de Bretagne le don du grand calice et de sa patène en argent doré présents dans le trésor de Saint-Jean-du-Doigt. Ces œuvres réalisées selon la tradition par Guillaume Floch, sont en fait plus anciennes, leur inspiration étant clairement Renaissance italienne79.
En robe de soie à larges manches à parements doublés de fourrure, qui porte sur un béguin de soie blanche un chaperon noir cerclé d’un rang de joyaux. Cette coiffure évoluera en bonnet-chaperon. Source : Didier Le Fur, Anne de Bretagne, Guénégaud, 2000, p. 63.
« Si Alain Bouchart, dans ses Grandes Chroniques de Bretagne met en avant la date du 25 janvier, d’autres auteurs contemporains, tel Jean de Penguern dit Dizarvoez, dans sa Généalogie de très haulte, très puissante, très excellente et très chrétienne royne de France et duchesse de Bretagne (1510), proposent le 26 janvier pour sa naissance » (cf. Collectif, Anne de Bretagne. Une histoire, un mythe, Somogy, 2007, p. 21). Le 25 janvier 1477 correspond au 15 janvier1477ancien style (en ancien style, l’année commençait à Pâques).
À cette époque, les projets matrimoniaux ne se concrétisent qu’après de longs calculs politiques et d’âpres négociations, les promis n’étant parfois pas nés au moment du contrat. Ces projets peuvent donc varier au rythme des aléas politiques et beaucoup d’entre eux n’aboutissent pas. (cf. Didier Le Fur, Anne de Bretagne, Guénégaud, 2000, p. 17.
Yolande Labande-Mailfert, dans Charles VIII et son milieu (1470-1498) – La jeunesse au pouvoir (1975) montre en effet que le camp royal a été long à se décider au mariage breton, qui lui faisait abandonner le mariage bourguignon Voir aussi Dominique Le Page et Michel Nassiet, L’Union de la Bretagne à la France. Morlaix : Éditions Skol Vreizh, 2003. (ISBN2-911447-84-0).
Le 27 octobre 1491, convoqués à Vannes par Charles VIII, les États de Bretagne conseillent à Anne d’épouser le roi de France.
Cette reconstitution, accompagnée d’une bande-son, met en scène l’établissement du contrat de mariage qui a eu lieu dans la salle des gardes du château (scène de droite), et la cérémonie religieuse qui a eu lieu à l’étage (scène de gauche). Quinze personnages en cire et à taille réelle, réalisés par le sculpteur Daniel Druet et mis en costume par Daniel Ogier en 1987, sont présentés : Charles VIII et Anne de Bretagne (en robe de brocart d’or garnie de 160 peaux de zibeline et sur laquelle a été brodé à la hâte l’ordre de Saint-Michel), derrière à gauche Anne et Pierre de Beaujeu, à droite les évêques Louis et Georges d’Amboise, trois demoiselles d’honneur, enfin deux soldats de la garde du roi ; le chancelier de France Guillaume de Rochefort donne lecture du contrat établi par le notaire de apostolique Pierre Bourreau assis à sa droite, devant les témoins Louis d’Orléans et le prince d’Orange. Source : Geneviève-Morgane Tanguy, Les jardins secrets d’Anne de Bretagne, Fernand Lanore, 1991, p. 42.
Sous date rétroactive du 5 décembre 1491.
Ce mariage par procuration fut ainsi considéré comme n’ayant jamais existé grâce au droit canonique qui pouvait invalider le mariage non consommé et une cérémonie entérinée par le nombre de personnes non prévu par ce droit.
La cadière portant sur l’avers la mention traduite du latin « Anne reine des Français par la grâce de Dieu et duchesse des Bretons » et sur le revers l’antique devise des monnaies royales « Que le nom de Dieu soit béni ».
Afin d’asseoir ses revendications, cette noblesse commanda une nouvelle histoire du duché, Histoire de Bretagne écrite de 1580 à 1582 par Bertrand d’Argentré.
« Cet oratorio est la seule et unique œuvre du patrimoine musical mettant en scène les personnages clés de l’histoire de l’alliance du duché de Bretagne au royaume de France : Charles VIII, la reine-duchesse Anne et Louise de Savoie, tous réunis autour du thaumaturge François de Paule », in plaquette de présentation du 29e festival de Lanvellec, octobre 2015.
Bret vient de la « petite Brette » ou « chère Brette », surnom donné à Anne de Bretagne par Louis XII, dans l’intimité.
Références
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Sophie Cassagnes-Brouquet, Un manuscrit d’Anne de Bretagne : les vies des femmes célèbres d’Antoine Dufour, Ouest-France, septembre 2007, 251 p. (ISBN978-2-7373-4029-1), p. 19
Contient des extraits du manuscrit conservé au Musée départemental Dobrée à Nantes.
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Henri Pigaillem, Anne de Bretagne. Épouse de Charles VIII et de Louis XII, Pygmalion, 2008, p. 18.
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Henri Pigaillem, Anne de Bretagne. Épouse de Charles VIII et de Louis XII, Pygmalion, 2008, p. 420.
Didier Le Fur, Anne de Bretagne, Guénégaud, 2000, p. 13-14.
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Dominique Le Page, Pour en finir avec Anne de Bretagne, Archives départementales de Loire-Atlantique, 2004, p. 92.
Jean-Jacques Monnier, Jean-Christophe Cassard, Toute l’histoire de Bretagne : des origines à la fin du XXe siècle, Skol Vreizh, 2003, p. 170.
Yvonne Labande-Mailfert, Charles VIII et son milieu : 1470-1498, Librairie C. Klincksieck, 1975, p. 93.
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Dominique Le Page et Michel Nassiet, op. cit., p. 105 et suivantes.
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Didier Feuer et Jean d’Hendecourt, Dictionnaire des Souverains de France et de leurs épouses, p. 28, Pygmalion, Paris, 2006.
Henri Pigaillem, op. cit., p. 100.
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Sophie Cassagnes-Brouquet, Un manuscrit d’Anne de Bretagne : les Vies des femmes célèbres d’Antoine Dufour, Ouest-France, septembre 2007, 251 p. (ISBN978-2-7373-4029-1), p. 19-20
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Commémoration de la mort d’Anne de Bretagne, par Pierre Choque (lire en ligne [archive] sur le site des Tablettes rennaises). Ce manuscrit a été publié peu après le décès d’Anne de Bretagne pour relater l’événement.
Études historiques
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Sophie Cassagnes-Brouquet, Un manuscrit d’Anne de Bretagne : La vie des femmes célèbres d’Antoine Dufour, Rennes, Editions Ouest-France, 2007, 237 p.
Pierre Chotard (dir.), Anne de Bretagne : une histoire, un mythe, Paris / Nantes, Somogy / Château des ducs de Bretagne-Musée d’histoire de Nantes, 2007, 206 p. (ISBN978-2-7572-0063-6)
Catalogue de l’exposition organisée au château des Ducs de Bretagne, musée d’histoire de Nantes.
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Dominique Le Page (dir.), Pour en finir avec Anne de Bretagne ? : Actes de la journée d’étude organisée aux Archives départementales de la Loire-Atlantique le 25 mai 2002, Nantes, Archives départementales de Loire-Atlantique : Conseil général de Loire-Atlantique, 2004, 132 p. (ISBN978-2-86044-025-7, OCLC294283619).
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Claire L’Hoër, Anne de Bretagne, duchesse et reine de France, Paris, Fayard, 2020 (BNF46502360)
Jacques Santrot, Les doubles funérailles d’Anne de Bretagne : le corps et le cœur (janvier 1514-mars 1514), Genève, Droz, coll. « Travaux d’Humanisme et Renaissance » (no 572), 2017, 728 p. (ISBN978-2-600-14749-1, présentation en ligne [archive]).
Collectif d’universitaires des universités de Brest, Nantes, Rennes, Toute l’histoire de Bretagne, dans l’Île de Bretagne et sur le continent, Morlaix, éditions Skol-Vreizh, 1996, 800 p., in-8o.
Vulgarisations
Michel de Mauny, Anne de Bretagne : ce cœur qui a tant aimé la Bretagne, Londres, Celtics Chadenn, 2002 (ISBN978-2-847-22017-9)
Philippe Rault, Les drapeaux bretons de 1188 à nos jours, Spézet, éditions Coop breizh, 1998 (BNF37079638)
Geneviève-Morgane Tanguy, Les Jardins secrets d’Anne de Bretagne, F. Sorlot — F. Lanore, 1991
Geneviève-Morgane Tanguy, Sur les pas d’Anne de Bretagne, Ouest-France, coll. « Itinéraires de l’histoire », 2003, 126 p. (ISBN978-2-7373-3107-7, BNF38978883)
Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne : volume consacré à Anne de Bretagne, t. LV, Rennes, Shab, 1978 (lire en ligne [archive])
Yvonne Labande-Mailfert, « Le mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII, vu par Erasme Brasca », p. 17-42 ; (lire en ligne [archive])
Michael Jones, « Les manuscrits d’Anne de Bretagne, reine de France, duchesse de Bretagne », p. 43-82 ; (lire en ligne [archive])
Jacques Bréjon de Lavergnée, « L’Emblématique d’Anne de Bretagne, d’après les manuscrits à peintures (xve – xvie siècles) », p. 83-96 ; (lire en ligne [archive])
Auguste-Pierre Segalen, « Esquisse d’un état des recherches sur « Anne de Bretagne et la littérature de son temps » (1477-1514) », p. 97-110. (lire en ligne [archive])
Personnage clivant d’Affaire conclue pendant de nombreuses années, Pierre-Jean Chalençon n’est pas le seul de la famille a avoir fait de la télé. Sa soeur, elle aussi, a été vue par les téléspectateurs sur France 2.
Ces dernier temps, Pierre-Jean Chalençon a surtout fait parler de lui pour ses frasques. Il y a d’abord eu sa participation à l’anniversaire de Jean-Marie Le Pen, puis ses provocations envers ses camarades d’Affaire Conclue ou encore son affaire de dîners clandestins en pleine crise sanitaire. Mais bien avant cette descente aux enfers médiatiques, le passionné de Napoléon Bonaparte avait connu une ascension fulgurante.
En moins de deux ans, Pierre-Jean Chalençon était passé de l’anonymat à la célébrité, en premier lieu grâce à l’émission de brocante présentée par Sophie Davant sur France 2. Sa personnalité excentrique avait tellement plu aux téléspectateurs que Cyril Hanouna lui avait proposé de tenir une chronique dans Touche pas à mon poste. Il faut dire que chez les Chalençon, la télévision est une affaire de famille ! Car certains l’ignorent peut-être, mais la sœur du collectionneur est, elle aussi, un visage bien connu du petit écran.
Des rapports parfois compliqués
Les fidèles de téléspectateurs de France 2 ont sans aucun doute déjà vu Isabelle Chalençon. Depuis 1997, elle a régulièrement officié dans l’une des émissions les plus célèbres de la chaîne : Télématin ! A l’époque de William Leymergie, puis de son successeur Laurent Bignolas, la journaliste de 58 ans y parlait de mode et de beauté face à des milliers de téléspectateurs. En septembre 2019, elle avait toutefois révélé avoir fait un burn-out en raison des conditions de travail dégradées au sein de la rédaction. Elle avait alors entamé une procédure judiciaire aux prud’hommes contre France Télévisions, pour demander la requalification de son contrat de travail en CDI.
Mais si le frère et la sœur ont tous deux choisi la télévision comme projet de vie, force est de constater qu’ils sont néanmoins très différents. Comme l’avait révélé Isabelle Chalençon dans Story, une émission diffusée sur M6, leurs rapports peuvent parfois être…explosifs. « J’ai des souvenirs de repas où finalement, ça s’est mal fini parce que, il était tellement odieux avec moi, avec les gens qui étaient autour de nous que oui, je lui ai balancé un seau de glace en pleine figure« , avait révélé la grande sœur du collectionneur. Qui aime bien châtie bien !
Rappelons qu’ils sont toujours considérés comme des petits saints dans toutes les administrations françaises et tous les syndicats de la fonction publique, notamment ceux de l’extrême-gauche…
Officine criminelle de francs-maçons : deux chefs d’entreprise mis en examen
Par Le Figaro avec AFP
Publié le 12/08/2022 à 11:57, Mis à jour le 12/08/2022 à 12:04
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Pierre T. et son partenaire Alain M. sont soupçonnés d’avoir commandité une violente agression à des membres d’une officine dirigée par des francs-maçons.
Deux chefs d’entreprise ont été mis en examen en juin à Paris, soupçonnés d’avoir commandité une violente agression pour se faire payer une dette, via des membres d’une officine dirigée par des francs-maçons qui aurait organisé une série de crimes, selon deux sources proches du dossier.
Pierre T., gérant d’une entreprise de construction à Toulouse, et son partenaire Alain M., ont été mis en examen le 24 juin et placés sous contrôle judiciaire, ont indiqué vendredi 12 août ces sources, confirmant une information du Parisien. «Mon client qui n’a jamais eu affaire de toute sa vie à la justice n’a rien à voir avec le cœur de cette affaire. Sans rien savoir, il est manifestement tombé dans une “béchamel” infernale», a affirmé auprès de l’AFP l’avocate de Pierre T., Me Marie Burguburu.
Instruit à Melun jusque-là, ce dossier a été transféré à Paris mi-mars et joint à l’information judiciaire visant une officine criminelle dirigée par des francs-maçons et suspectée d’au moins un assassinat. Pour récupérer une dette d’environ 300.000 euros, Pierre T. et Alain M. sont soupçonnés d’avoir commandité, entre 2019 et janvier 2020, une stratégie d’intimidation – messages menaçants, dépôts de rats morts, incendie d’un portail – envers le gérant d’une entreprise de BTP débiteur, jusqu’à la violente agression du compagnon de ce dernier en Seine-et-Marne. Pour ce faire, ils auraient été mis en relation avec Yannick P., ancien agent de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et l’un des exécutants présumés de cette officine criminelle, dont les principaux acteurs ont été arrêtés. Ce dernier aurait ensuite demandé, contre quelques milliers d’euros, à Sébastien L., l’un des principaux hommes de main de la cellule, de brûler le portail du couple et de «donner quelques gifles, quelques tartes».
«Mon client a pris toutes ses responsabilités, ainsi qu’il l’a toujours fait dans ce dossier», a déclaré Me Antoine Ory, avocat de Sébastien L., déjà mis en examen dans d’autres volets. Pour Me Joseph Cohen-Sabban, avocat du couple victime, «on reste interloqué face au manque de la plus élémentaire moralité de la part de personnages par ailleurs bien intégrés». Cette enquête à tiroirs, qui avait démarré fortuitement fin juillet 2020 avec l’évitement d’une possible tentative d’assassinat d’une coach en entreprise à Créteil, a été élargie à de nombreux autres faits. La cellule est suspectée d’avoir ordonné l’assassinat du pilote de rallye Laurent Pasquali en 2019; un projet d’assassinat d’un «syndicaliste gênant» de la CGT à Bourg-en-Bresse la même année; de projets criminels visant le maire de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) Sylvain Berrios ou un opposant congolais au président Sassou Nguesso, Ferdinand Mbaou, etc.
Toulouse et la Franc-maçonnerie : radiographie d’une tradition chevillée à la Ville rose
Au moins 4 000 Toulousains sont Francs-maçons et pratiquent dans plus de 80 loges. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Quels sont leurs secrets ? Radiographie.
Formant une société ouverte à peu de membres et s’enfermant à double tour dans la discrétion, la Franc-maçonnerie constitue une nébuleuse peu connue.
Cette famille spirituelle parmi d’autres n’en reste pas moins bien ancrée dans notre société en raison d’une histoire vieille de trois siècles, l’inscrivant au patrimoine national, et des valeurs qu’elle a porté et continue de cultiver, à l’instar de la laïcité, de la tolérance et de l’humanisme.
À Toulouse, elle est une réalité forte. La Ville rose est en quelque sorte une capitale de la Franc-maçonnerie, annonce l’historien Paul Pistre, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la franc-maçonnerie à Toulouse.
« Depuis la fondation de la première loge, La Française des Arts en 1745, la présence de la Franc-maçonnerie est restée continue tandis qu’ailleurs elle a souvent été interrompue, notamment au moment de la Révolution française », abonde l’historien.
De fortes connections avec l’Espagne
Sous la IIIe République, Toulouse ne compta presque aucun maire qui ne soit pas passé sous le bandeau. Ils s’appelaient Jules Julien, Honoré Serres ou Albert Bedouce… D’autres personnages dont la postérité a retenu le nom ont été initiés, à l’instar de l’antifasciste italien Silvio Trentin, libraire à Toulouse après avoir fui le régime de Mussolini.
D’autres exilés ont joué un rôle certain dans la Franc-maçonnerie toulousaine : les républicains espagnols qui ont participé à la renaissance des loges de la Ville rose après l’occupation allemande. « Grâce aux liens tissés à cette époque, le Grand Orient de France (GODF) a ensuite aidé à relever la franc-maçonnerie espagnole après l’ère franquiste. La province de Toulouse du GODF patronne aujourd’hui 11 loges en Espagne », révèle Paul Pistre.
Un fort développement depuis 1945
Au XXe siècle, la confrérie toulousaine a globalement connu une importante progression en terme d’effectif. Toulouse comptait moins de 10 loges en 1939. L’agglomération en héberge aujourd’hui plus de 80. 4 000 initiés s’y côtoient.
Qui sont-ils ? Les loges accueillent tous les profils depuis l’homme public jusqu’à l’individu seulement connu du fichier de la sécurité sociale. « On est tous différents, c’est une formidable richesse », devise un frère du GODF.
Que font-ils ? Entourés d’un cérémonial désuet et d’un symbolisme prégnant, ils polissent leur pierre et l’apportent à l’édifice. «Ils construisent leur temple intérieur considérant que leur personne est toujours perfectible et ils construisent le temple extérieur voulant humaniser au maximum la société », décode Paul Pistre.
La Franc-maçonnerie est une école de réflexion approfondie sur l’homme, de son passage à la nature qu’il reçoit par son corps à la culture que lui propose la société. Elle propose une philosophie humaniste, un approfondissement de soi, pour et avec les autres, la connaissance de soi et le travail sur soi-même passant par la reconnaissance de l’autre. Sans l’autre, je ne suis rien. Chaque loge est une petite humanité qui chemine ensemble. Nous ne détenons aucune vérité, nous cherchons ensemble. C’est un pari au fond, abonde un Franc-maçon initié au Droit Humain.
Les grands sujets de société s’invitent au temple et font l’objet d’exposés, les fameuses « planches », dont les conclusions ont pu parfois résonner jusqu’en très haut lieu. Les loges seraient-elles l’antichambre du pouvoir politique ? « Sous la IIIe République, il y avait effectivement des lobbies comme la défense de la laïcité. Aujourd’hui, les Francs-maçons sont moins politisés. Ils cherchent à donner du sens à leur vie », assure Paul Pistre.
Le fameux Grand Orient n’est plus majoritaire…
La pratique diffère selon les rites et selon les obédiences. Sept obédiences sont représentées à Toulouse. Le Grand Orient de France, plus penché sur les sujets d’actualité que les autres, compte 23 loges dans l’agglomération toulousaine dont 14 à Toulouse et 6 à Pechbonnieu. À Toulouse, les tenues maçonniques se tiennent au plus vieux temple de la ville, sis au 5 de la rue de l’Orient.
Longtemps majoritaire, cette obédience est aujourd’hui dépassée par la Grande Loge nationale de France (GLNF), imposant à ses membres de croire en Dieu et dont les 34 loges toulousaines se partagent le temple du 33 de la rue Gabriel-Péri.
Viennent ensuite la Grande Loge de France (GLF) comptant 9 loges, le Droit Humain, obédience mixte et la Grande loge régulière de France, récemment créée, patronnant 6 loges chacune. La Grande loge féminine de France, exclusivement réservée à ces dames, et l’obédience Memphis ferment la marche avec quelques loges.
Des symboliques maçonniques en ville
Au-delà des temples de l’agglomération affichant une certaine neutralité vu de l’extérieur, c’est probablement à l’hôtel du Département, siège du Conseil départemental boulevard de la Marquette que s’arbore, à Toulouse, le symbole maçonnique le plus connu.
Ce sont les deux piliers encadrant l’entrée qui doivent retenir l’attention. Ils rappellent les deux colonnes du temple de Salomon. « Il dressa les colonnes sur le devant du Temple, l’une à droite, l’autre à gauche : il nomma celle de droite Jakin, et celle de gauche Boaz… (Les Chroniques, II – 3 – 17) ». Présentes dans tous les temples maçonniques, ces colonnes sont le premier symbole que découvre le nouvel initié à sa sortie du cabinet de réflexion. Elles représentent la construction du temple intérieur et moral.
À Blagnac, c’est un rond-point dit de la Révolution qui présente des signes maçonniques et interpelle les amateurs d’ésotérisme. Cet ouvrage présente une grande pyramide et une plaque censée représenter les tables de la Loi reçues par Moïse. Cette plaque se trouve scindée en 11 tablettes de bronze. Pour certains, une douzième tablette existait et aurait disparu suite à une dégradation. Pour d’autres, il n’y a toujours eu que 11 tablettes.
11, un chiffre chargé de symboles pour les francs-maçons dixit, notamment, le philosophe Pierre Dortiguier qui l’interprète à partir du fameux rond-point blagnacais… Pour lui cette représentation du chiffre 11 est, dans l’esprit maçonnique, une mobilisation des « initiés », une sorte de mobilisation révolutionnaire pour lutter contre la loi établie.
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Dans son ouvrage très documenté*, le journaliste Jacques Molénat s’immisce « sans vénération ni malveillance » dans les sombres arcanes de cette société que l’on dit aussi puissante que discrète.
De Toulouse à Toulon, de Montauban à Aix-en-Provence en passant par Nice, Narbonne, Carcassonne, Nîmes, Montpellier, Béziers, Avignon ou encore Sète et Saint-Chinian, dans l’Hérault, les francs-maçons sont omniprésents, si l’on en croit Jacques Molénat. Même en Corse où, plus qu’ailleurs sans doute, l’omerta est élevée au rang d’institution.
Ils occupent souvent des postes à responsabilités dans l’économie, la justice, le sport, la politique. Quelle que soit leur obédience (que l’auteur appelle ‘’les 110 tribus’’) : Grand Orient, Grande Loge de France, Grande Loge Nationale Française, Droit Humain etc. ‘’ les Fils de la Veuve’’ comme on les appelle parfois, se retrouvent dans des fraternelles ou des confréries très fermées comme les fameux Clubs 50. C’est là, parait-il, que se nouent les contacts utiles, que se font ou se défont les petits arrangements « entre frères ».
Si la plupart viennent en loge chercher la nourriture spirituelle que le monde profane ne leur offre plus, quelques-uns n’hésitent pas à se servir des puissants réseaux maçonniques à des fins plus personnelles. Cela donne lieu, de temps en temps, à de jolis scandales médiatiques.
C’est ce que l’on découvre en lisant ce livre qui tient à la fois du glossaire pour profanes, du Who’s who pour initiés et de la rubrique des faits divers d’un journal.
Entretien avec l’auteur.
« L’une des clés du pouvoir régional «
-Quelle idée de faire un livre sur les francs-maçons du Midi ? Seraient-ils moins vertueux qu’ailleurs ?
-C’est une idée toute simple de journaliste politique et d’enquêteur vivant à Montpellier depuis longtemps. Il y a une trentaine d’années j’ai appris, par inadvertance, l’existence dans ma ville, d’un cercle banalement dénommée le Club 50. J’étais dans une ignorance totale. On m’expliqua que ses membres étaient sélectionnés à un haut niveau social et maçonnique. Ils se retrouvaient le dernier jeudi de chaque mois autour d’une très bonne table de la ville. Ça m’a diablement intéressé. Je parvins à mettre la main sur l’annuaire secret du cénacle. Le feuilletant je découvris une bonne partie de la nomenklatura locale : le président de la chambre de commerce, le président du Tribunal de commerce , un haut cadre de l’URSSAF, le patron de l’ANPE, des banquiers, des mandarins du droit et de la médecine, le directeur du cabinet du maire, le patron de la Caisse régionale d’assurance-maladie, un avocat de renom, des promoteurs, le directeur de la Poste, le directeur des services du conseil général… Que du beau monde !
Bien sûr, ce n’était pas le QG clandestin de la ville, plutôt une instance occulte où, entre Importants, s’échange de l’information, carburant essentiel dans les affaires et l’exercice du pouvoir. Cette découverte fut pour moi un déclic. La franc-maçonnerie m’a intéressé à travers ses réseaux et, à un moindre degré, son riche univers symbolique. Pour L’Express, dont j’étais le correspondant régional, j’ai mené plusieurs enquêtes locales visant à bien comprendre comment, ville par ville, fonctionne la maçonnerie locale. J’ai été assez rapidement convaincu qu’elle est l’une des clefs du pouvoir régional.
Mon livre a pour point de départ ce travail d’enquête. Je l’ai actualisé, restructuré, complété, élargi du côté de Toulouse, de la Côte d’Azur et de la Corse. Bref, j’ai voulu synthétiser ce que j’ai appris de la franc-maçonnerie méridionale.
Les francs-maçons seraient-ils moins vertueux dans le Midi qu’ailleurs en France ? N’ayant enquêté que dans les régions méridionales il me manque des points de comparaison. Ceci dit, je raconte plusieurs affaires plutôt gratinées qui montrent que le Sud est le théâtre d’indiscutables dérives à travers, en particulier, les fraternelles qui réunissent, on le sait, autour d’intérêts communs, des francs-maçons de différentes obédiences.
-La lecture de votre livre donne à penser que la maçonnerie, dans le Midi, serait moins un lieu de réflexion philosophique qu’un puissant lobby. Est-ce vrai dans toutes les villes du Sud ?
-A mon avis il n’y a pas de lobby homogène de la franc-maçonnerie, comme le croient beaucoup de gens. Ce fantasme ne tient pas la route. Au-delà de l’expérience commune, très émotionnelle, de la cérémonie d’initiation, les francs-maçons ne forment en rien une entité cohérente. Ils se divisent entre cinq à six « grandes obédiences » et s’éparpillent entre une bonne centaine de micro-obédiences. Parmi eux il y a des athées, des catholiques, des juifs, des musulmans, des socialistes, des communistes, des réacs, des affairistes. C’est un ensemble disparate impossible à coaguler et à faire marcher au pas. Je dirais même qu’aujourd’hui, surtout en politique et dans les affaires, la franc-maçonnerie est plus souvent instrumentalisée quelle n’instrumentalise.
Je me suis aperçu en outre que la franc-maçonnerie colle à l’identité des terroirs. A Nîmes, par exemple, ville taurine, beaucoup de frangins appartiennent à des cercles tauromachiques. Et puis l’enracinement est très différent d’une ville à l’autre. Une cité comme Narbonne a une densité surprenante de francs-maçons. Des pans entiers de la bourgeoisie locale se sont engouffrés dans les loges. Toulon est une ville sous l’emprise de la GLNF, la Grande Loge nationale française. La quasi-totalité des détenteurs du pouvoir économique et politique sont affiliés à cette obédience.
-La maçonnerie n’est plus la force de proposition qu’elle était jusqu’au siècle dernier. Les obédiences se déchirent, dites-vous. Et pourtant la maçonnerie recrute toujours plus. Qu’est-ce qui attire encore chez les francs-maçons ?
– Il y a en effet une petit mystère. La franc-maçonnerie compte quelques 180 000 membres, un effectif en augmentation régulière. Dans le Midi, qu’il s’agisse de l’Occitanie, de la Provence, de la Côte d’Azur ou de la Corse les francs-maçons sont, en proportion de la population, deux à trois fois plus nombreux que dans le reste de l’Hexagone. Je n’ai pas d’explication globale à cette surreprésentation, seulement quelques pistes. Dans les régions méridionales le catharisme, le protestantisme, les pulsions irrédentistes ont, je crois, dopé ce goût du débat qui s’épanouit dans les loges. En outre, plus qu’ailleurs, le brassage des populations y est plus intense et, du coup, aiguise le besoin de lieux apaisés de sociabilité où l’on peut échanger et se faire des relations utiles.
Il faut ajouter la qualité de la méthode maçonnique, l’organisation très disciplinée des débats. Elle développe chez beaucoup de francs-maçons une capacité d’écoute et une ouverture à l’autre qu’on rencontre rarement dans d’autres organisations. Le fanatisme n’est pas dans l’ADN maçonnique. Quand monte la violence politique, cette constatation fait du bien. J’ajoute que pour des autodidactes la vie en loge se révèle souvent une formidable école du soir.
Propos recueillis par M.G.
* Voyage indiscret chez les francs-maçons du Midi de Jacques Molénat. Cairn Editions. 238 pages. 18 €. On peut aussi commander l’ouvrage chez l’auteur : jacquesmolenat@yahoo.fr
Jacques Molénat, journaliste et écrivain Montpelliérain, décrypte la vie politique régionale depuis quatre décennies. Il a collaboré à de nombreux journaux dont Midi Libre, L’Express, l’Événement du Jeudi, La Croix, Marianne etc. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : Le Marigot des pouvoirs (Climats), Notables, trublions et filous (Chabot du Lez).
N’ayant accès à la totalité de l’article, je ne peux rien dire sur son différend avec Sciences Po.
Mais moi aussi, je déplore que ces écoles aient en quelques sorte institutionnalisé la promotion canapé pour des nuls en tout tout justes capables de décrocher un demi-bac quoiqu’ils soient tous issus de classes financièrement aisées (le montant des frais de scolarité à Sciences Po en exclut les plus modestes), ou peut-être précisément parce qu’ils ont toujours baigné dans un environnement qui leur aura quand même permis de faire le demi-bac pseudo « littéraire » à défaut d’autre chose, quand des débiles mentaux socialement moins favorisés terminent leur scolarité au mieux avec un CAP.
Voyez ce qui nous arrive propulsé au sommet de l’Etat par ces écoles de cul pour y foutre un souk pas possible, puisque c’est tout ce qu’ils savent faire :
Peggy Sastre : « Ce qui m’inquiète, c’est que Sciences Po forme 90% de l’élite française »
Après l’annulation de son séminaire intitulé « Biologie, évolution et genre » à Sciences Po, l’essayiste répond aux critiques de l’IEP.
Article réservé aux abonnés Durée : 13 min
La journaliste scientifique et docteur en philosophie des sciences Peggy Sastre.
Natacha Nikouline
Propos recueillis par Laetitia Strauch-Bonart et Alix L’Hospital
Publié le 09/08/2022 à 17:00, mis à jour à 18:12
En juin dernier, L’Express révélait que deux séminaires ancrés dans la théorie de l’évolution, dont l’un devait être assuré par la journaliste au Point et essayiste Peggy Sastre, avaient été annulés sans plus d’explication par Sciences Po Paris. Répliquant à notre enquête, la direction de l’IEP répondait entre autres que ces cours avaient été refusés pour des motifs scientifiques ou encore que « les conceptions de Mme Sastre peuvent presque conduire à légitimer le viol ». Dans cet entretien, l’auteure de La Haine orpheline (Anne Carrière) réfute fermement ces accusations.
L’Express : Pourquoi avez-vous proposé un cours à Sciences Po ? Dans quelles circonstances ?
Peggy Sastre : J’ai été contactée en février 2019 par Leonardo Orlando. Je venais de donner une conférence à Sciences Po Paris, invitée par une association étudiante, et il en a profité pour me demander de participer, en tant qu’enseignante, à un cours qu’il comptait proposer à l’établissement à la rentrée suivante, une fois son doctorat obtenu, avec pour thématique générale « Biologie, Évolution et Sciences sociales ». Ce qui a été fait, sous l’intitulé « Evolution, Nature humaine et Sciences sociales ». Le cours, accepté en juin, était programmé pour la rentrée 2019-2020. Il a été annulé quelques semaines avant sous prétexte d’un problème d’effectifs et on nous a conseillé de le proposer sur le campus de Reims. La pandémie est passée par là, mais c’est ce que nous avons fait pour le semestre de printemps 2022. Le cours a été accepté à l’automne 2021 et la suite de l’histoire a été racontée dans vos colonnes…
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Comment avez-vous réagi à l’annulation de ce cours ?
Sincèrement ? De manière totalement blasée, à mes yeux c’était inévitable. Depuis le départ, je pensais que le projet n’avait aucune chance d’aboutir, mais je me suis laissée embarquer par l’optimisme de Leonardo Orlando. Et en voyant les cours, dans leurs différentes formes, passer les barrages pédagogiques, j’ai pu me dire que, finalement, un tel espoir n’était peut-être pas si vain. Mais au fond, non, je n’y ai jamais cru.
En perdant ce cours, vous avez perdu aussi une source de rémunération. Avez-vous été défendue par des féministes choquées qu’une femme soit « cancellée » de façon si brutale ? Pourquoi selon vous ?
Alors, déjà, au risque de casser un mythe, je dois préciser que ma rémunération aurait davantage tenu de l’argent de poche qu’autre chose. Je ne sais pas si tous les vacataires de Sciences Po sont tous logés à la même enseigne, mais en ce qui me concerne, c’était maigre. Un cours m’aurait moins rapporté qu’une pige dans à peu près tous les journaux où j’ai pu travailler, et ce en me bloquant une bonne journée de travail. On a fait plus rentable. Mais sinon, non, eu égard au soutien de féministes à une femme honteusement entravée dans sa marche vers l’éclatement du plafond de verre, je n’ai rien senti. Pourquoi ? Il faudrait leur demander. Peut-être parce que votre article est sorti au début de l’été et que les féministes militantes, aussi, ont besoin de vacances ?
Pour répondre à l’enquête de L’Express, la direction de Sciences Po a avancé de nombreux arguments. Le premier, que « les deux cours avaient été refusés pour des motifs purement
Assemblée nationale : retour délicat pour Damien Abad, plus isolé que jamais
Le retour de Damien Abad à l’Assemblée après son éviction du gouvernement ne passe pas inaperçu dans l’hémicycle.
Damien Abad, ancien ministre des Solidarités, le 21 juin 2022 à Matignon
Crédit : THOMAS COEX / AFP
Assemblée nationale : retour délicat pour Damien Abad, plus isolé que jamais
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Ce lundi 1er août s’ouvre la dernière semaine de travail des parlementaires avant de boucler les valises. Ils poursuivent les débats sur le projet de loi d’urgence pour le pouvoir d’achat et dans l’hémicycle, il y en a un qui ne passe pas inaperçu : Damien Abad. L’ancien ministre des Solidarités est de retour à l’Assemblée après avoir été débarqué du gouvernement à cause d’accusation de viols et d’agressions sexuelles. Il a ensuite respecté une période de carence. Et au Palais Bourbon, l’accueil a été plutôt froid, pour ne pas dire glacial.
L’ancien ministre est un peu seul au milieu du désert, complètement isolé. Il a bien échangé quelques banalités avec ses nouveaux voisins dans l’hémicycle, mais dans les couloirs, il reste très discret, à bonne distance des micros et des caméras. Chez ses collègues, certains s’indignent, à commencer par Clémentine Autain, députée La France insoumise. « C’est choquant parce que les faits qui sont reprochés à M. Abad sont d’une extrême gravité. Aujourd’hui, effectivement, ça ne passe pas comme une lettre à la poste de le voir là. Ce n’est pas un parlementaire comme les autres », dit-elle.
Damien Abad ne trouvera guère de soutien chez Les Républicains, son ancienne maison. « Le retour de Damien Abad ne m’inspire absolument rien, comme sa personne« , commente Pierre-Henri Dumont. « Ça ne doit pas être facile pour lui. C’est avant tout un être humain qu’on doit respecter », dit de son côté Véronique Louwagie, une autre députée LR.
Damien Abad aurait pu compter sur le soutien de ses camarades macronistes mais son retour embarrasse jusque dans son propre camp. Un député de la majorité confie en coulisses : « C’est normal qu’il revienne mais le dossier commence à devenir un peu lourd à porter ».
l’essentiel L’ex-ministre, accusé de viols ou de tentatives de viols par plusieurs femmes, a fait son retour à l’Assemblée nationale. Ses anciens collègues des Républicains ne voient pas ce retour d’un bon œil.
Après avoir été débarqué du gouvernement d’Elisabeth Borne, Damien Abad a fait son retour en tant que député à l’Assemblée nationale. L’homme faisant l’objet d’une enquête après des accusations de tentatives de viols n’avait pas été reconduit à son poste de ministre des Solidarités au dernier remaniement.
« Damien Abad ne m’inspire rien comme sa personne »
L’ex-membre des Républicains ne sera en tout cas pas accueilli à bras ouverts dans son ancien camp. Si certains se gardent bien de commenter ce retour d’autres n’ont aucune gêne à dire le fond de leur pensée. »C’est un non-évènement », juge froidement Pierre-Henri Dumont député LR du Pas-de-Calais au micro de BFMTV, « Damien Abad ne m’inspire rien comme sa personne ». Un autre élu de droite explique clairement : « Il n’a plus d’amis, il n’en a pas de nouveaux. L’avenir s’annonce bien triste pour lui ».
Si Damien Abad a toujours démenti les faits qui lui étaient reprochés, il est toujours accusé par plusieurs femmes de viols ou de tentatives de viols.
Destitué de ses fonctions de ministre, Damien Abad conserve sa place de député de la 5e circonscription de l’Ain. Mais son arrivée à l’Assemblée nationale poserait problème, rapporte Le Canard Enchaîné, ce mercredi 20 juillet.
« Bien abattu » par sa mise à l’écart du gouvernement, Damien Abad continue de siéger à l’Assemblée nationale. Mais l’arrivée au Palais Bourbon du député de la 5e circonscription de l’Ain pose quelques soucis de logistique. « Quelle place dans l’hémicycle doit-on attribuer à l’ex-ministre ? », s’interroge Le Canard Enchaîné ce mercredi 20 juillet. Une place « en bas des travées, proche du micro et d’une traverse » lui a bien été attribuée à sa demande, « compte tenu de son handicap », mais celle-ci ne lui conviendrait pas. « Il l’a refusée tout net », apprend-on dans le journal.
Si Damien Abad ne veut pas « avoir à enjamber ses collègues » pour ses prises de parole, il souhaiterait éviter certains groupes et des personnalités. Le Républicain ne veut pas être « trop proche » des socialistes, mais « surtout de l’écologiste pure et dure Sandrine Rousseau« . Le Canard Enchaîné évoque « une autre place » qui « ferait bien l’affaire », mais Éric Woerth l’occupe déjà. Reste donc à savoir ce que Matignon va décider pour Damien Abad, que Sandrine Rousseau a promis de chahuter après avoir demandé son renvoi du gouvernement suite aux accusations de viol et tentative de viol à son encontre, bien qu’il reste présumé innocent.
« On ne peut pas se contenter d’humilier encore la parole des femmes. Le jour où Damien Abad entrera dans l’Assemblée, il y aura 180 députés de la Nupes qui feront le chahut nécessaire pour qu’on ne puisse pas l’entendre », l’a-t-elle prévenu lors de la soirée électorale sur TF1, le dimanche 19 juin 2022. Avant d’ajouter : « Si Damien Abad reste ministre, nous serons plusieurs à faire une opposition comme jamais pour que cette personne n’ait pas de voix légitime à l’intérieur de l’Assemblée nationale ».
« C’est dans ce bar que tout a basculé »: une nouvelle femme témoigne contre Damien Abad
Vincent Vantighem
Le 04/07/2022 à 6:26
Une militante des Jeunes Populaires, le mouvement de jeunesse de l’UMP, affirme avoir été victime des agissements de Damien Abad, ministre des Solidarités. Elle témoigne pour la première fois au micro de BFMTV.
Elle ne connaît pas Damien Abad, mais le député la contacte via ses réseaux sociaux, et lui envoie des messages politiques. Mais rapidement, il demande, de manière « insistante » à la voir en tête-à-tête autour d’un verre ou d’un dîner.
Une substance dans un verre?
Julie doit se rendre à Paris, et se dit que c’est l’occasion de rencontrer le député. Le rendez-vous est fixé dans le quartier Saint-Germain-des-Près, dans un restaurant, mais la soirée se poursuit dans un bar.
« Et c’est vraiment là, dans ce bar que tout a basculé », indique Julie à BFMTV. « Au bout d’un moment, j’ai commencé à perdre mes moyens. J’avais des vertiges, je commençais à voir trouble. »
Le lendemain, Julie est réveillée par le gérant de l’hôtel qu’elle avait réservé. « J’étais dans le lit, complètement dévêtue. J’avais du mal à me souvenir de ce qui s’était passée la veille au soir, puis j’ai eu des flashs: il était dans la chambre la nuit, il était dans le lit. C’est sûr et certain. »
Deux témoignages similaires
Les faits racontés par Julie sont très similaires au témoignage de Chloé, publié par Mediapart il y a quelques semaines. Après avoir bu « une coupe » de champagne dans un bar parisien avec le député, elle fait part d’un « black-out », et raconte s’être réveillée le lendemain matin, « dans une chambre d’hôtel », « en sous-vêtements », le corps « courbaturé et douloureux ».
Julie n’a jamais recroisé le chemin du député et n’avait pas témoigné avant que « l’affaire Abad » ne soit rendue publique. Ce sont les articles publiés ces dernières semaines qui l’ont convaincue de parler.
Le témoignage de Julie est le troisième à charge contre le ministre des Solidarités, qui est sur la sellette au sein du gouvernement, alors qu’un remaniement est attendu ce lundi.
En 2008, il crée le mouvement des Jeunes Centristes13, un mouvement jeune rattaché au Nouveau Centre14. Il en est le président fondateur, élu à la quasi-unanimité en mai 2008, lors du congrès fondateur du Nouveau Centre à Nîmes15. Il quitte cette fonction pour assumer celle de Secrétaire général adjoint du Nouveau Centre dans le courant de l’année 2010.
Mandats locaux
Ayant rencontré Gérard Gayaud par l’entremise d’Yvan Lachaud16, il est élu conseiller municipal de Vauvert sur la liste de ce dernier lorsqu’il devient maire en 2008.
Il est élu conseiller régional de Rhône-Alpes, et démissionne alors de son mandat municipal à Vauvert17. Au conseil régional, il siège à commission thématique « Emploi, économie, économie sociale et solidaire et innovation sociale » et à la Commission « Sport et Jeunesse »18.
Le 2 avril 2015, il est élu président du conseil départemental de l’Ain19. Élu député en 2017, il abandonne la présidence pour respecter la loi sur le cumul des mandats — Jean Deguerry lui succède —, tout en restant conseiller départemental20.
Député européen
Aux élections européennes de juin 2009, il est élu député européen, sur la liste de la majorité présidentielle, dans la circonscription Sud-Est21. Il doit sa place éligible sur la liste d’alliance entre l’UMP et son parti à l’insistance d’Hervé Morin, président du Nouveau Centre — qui dit en avoir « fait un symbole » —, face aux réticences de l’UMP. Il devient ainsi, à 29 ans, le benjamin des eurodéputés français et le plus jeune parlementaire français en exercice. Il est l’un des plus jeunes élus du Parlement européen.
Dans le cadre de son mandat européen, il intervient régulièrement sur les questions d’économie, en particulier en matière de politique industrielle, services sociaux d’intérêt général et défense des consommateurs. Président fondateur de l’Intergroupe « Jeunesse »22, il est, au sein du Parlement européen, membre de deux commissions législatives : la commission des budgets ainsi que la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs23.
Au sein de l’UMP et LR
En novembre 2009, il est désigné tête de liste de la majorité présidentielle (UMP et partis proches) dans le département de l’Ain.
Il soutient Bruno Le Maire pour la primaire de la droite et du centre de 201624. En septembre 2016, il est nommé avec cinq autres personnalités porte-parole de sa campagne de la primaire25. Après la désignation de François Fillon comme candidat de la droite et du centre lors de cette primaire, il lui apporte son soutien indéfectible, et ce même après la survenue de l’affaire Fillon26, devenant son porte-parole jusqu’à sa défaite au soir du premier tour des présidentielles27.
Il parraine Laurent Wauquiez pour le congrès des Républicains de 2017, scrutin lors duquel est élu le président du parti28. Dans la foulée de cette élection, il est nommé troisième vice-président des Républicains29.
Il compte parmi les dirigeants LR favorables à un rapprochement avec LREM et entretient des contacts avec Thierry Solère à l’Élysée, au point d’être soupçonné de négocier une place au gouvernement32,33. Pressenti pour rejoindre LREM, et sommé par Christian Jacob d’éclaircir sa situation, il annonce le 19 mai 2022 qu’il quitte la présidence du groupe LR à l’Assemblée nationale et qu’il se met en retrait de sa formation politique34.
Lors de la séance d’élection du président de l’Assemblée nationale, le 26 juin 2012, il est secrétaire de séance, étant un des six plus jeunes députés de France.
Il est réélu député en juin 2017, pour la XVe législature de la Cinquième République française37. Le 21 juin, il est candidat à la présidence du groupe LR à l’Assemblée nationale face à Christian Jacob ; ce dernier est finalement réélu en recueillant 62 voix au second tour, contre 32 pour Damien Abad38,39. Il devient premier vice-président du groupe39.
Après l’élection de Christian Jacob comme président des Républicains le 13 octobre 2019, il se porte candidat à sa succession à la présidence du groupe LR à l’Assemblée nationale39. Alors qu’Olivier Marleix part favori, Damien Abad sort en tête du premier tour, avec 34 voix contre 20 pour Olivier Marleix, puis l’emporte au second tour avec 64 voix contre 37 à ce dernier39. Selon Contexte, alors que « les anciens clivages entre « sarkozystes », « fillonistes » et « juppéistes » n’ont plus cours dans le groupe », Damien Abad a présenté « un profil qui rassure les députés de l’ancienne génération, sans le couper des nouveaux élus de 2017, qui forment une moitié du groupe »39. Le média en ligne souligne également « son positionnement d’homme indépendant », qui « ne doit rien à Christian Jacob », tandis qu’Olivier Marleix a souffert d’un entrefilet paru dans Le Canard enchaîné, le présentant comme le candidat de ce dernier39.
Alors que LREM n’avait pas investi de candidat face à lui dans sa circonscription et qu’il venait de se mettre en congé des Républicains, ceux-ci donnent leur investiture le 19 mai 2022 à Julien Martinez, conseiller municipal d’Oyonnax41.
Au soir du premier tour des élections législatives, le 12 juin 2022, il arrive en tête dans la 5e circonscription de l’Ain avec 33,38 % des suffrages exprimés, et se retrouve donc en ballottage devant la candidate de la NUPES, Florence Pisani qui a obtenu 23,54 % des suffrages exprimés42. Il est réélu au second tour avec 57,86 % des suffrages exprimés alors que la coalition Ensemble dont il se réclame perd la majorité absolue à l’Assemblée nationale43.
Dés sa nomination, l’association Unapei adresse un communiqué à l’attention du ministre en signalant que le secteur du handicap est dans un véritable état d’urgence. L’association demande la mise en place de moyens supplémentaires pour la prise en charge des personnes handicapées tout en soutenant leur autonomie avec une protection sociale, une filière de formation adaptée pour les soignants, l’investissement dans la recherche, tout en faisant de la protection juridique des majeurs une véritable politique publique46. De son côté, le Collectif Handicaps (qui regroupe 52 associations nationales autour du handicap47) demande, dés le même jour au nouveau ministre que « le chantier de la 5e branche Autonomie soit une priorité de ce quinquennat pour en assurer le financement et développer de nouveaux droits pour les personnes en situation de handicap, âgées, et leurs proches aidants, notamment via la création d’une prestation universelle d’autonomie »48.
Avant sa nomination comme ministre, Damien Abad est partisan de l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) afin de permettre « davantage d’autonomie financière au sein du couple »49.
Cette section est liée à une affaire judiciaireen cours (Mai 2022).
Le texte peut changer fréquemment, n’est peut-être pas à jour et peut manquer de recul. N’hésitez pas à participer à l’écriture de synthèse de manière neutre et objective, en citant vos sources. N’oubliez pas que, dans nombre de systèmes judiciaires, toute personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement et définitivement établie.
Le 21 mai 2022 — lendemain de sa nomination dans le gouvernement Borne —, Mediapart révèle la mise en cause de Damien Abad par deux femmes52 pour deux viols présumés qui seraient survenus en 2010 et sous soumission chimique pour l’une et en 2011 pour l’autre. La deuxième femme, vice-présidente des Jeunes démocrates à Paris au moment des faits allégués, a déposé une première plainte en 2012, classée sans suite pour « carence de la plaignante »note 1 selon le parquet de Paris, puis une seconde en 2017, également classée sans suite après une enquête préliminaire « faute d’infraction suffisamment caractérisée »54.
Cette enquête de Mediapart fait suite à une lettre de témoignage adressée le 13 mai par la première femme, qui a décidé de rester anonyme et de ne pas déposer de plainte, à l’association Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique55. Cette association transmet le 16 mai un signalement aux responsables des deux partis Les Républicains et Renaissance, ainsi qu’au procureur de la République56. Le 25 mai, le parquet de Paris annonce qu’il n’ouvre pas d’enquête préliminaire « en l’état », « faute d’élément permettant d’identifier la victime des faits dénoncés et, dès lors, faute de possibilité de procéder à son audition circonstanciée »57.
Dans une lettre également publiée par Mediapart, le ministre rejette ces accusations et « affirme avec force que les relations sexuelles qu’il a pu avoir ont toujours reposé sur le principe du consentement mutuel »58. Il affirme que son handicap rend impossible un certain nombre des actes qui lui sont reprochés59,54, les victimes alléguées affirmant de leur côté qu’il se sert de son handicap pour les faire culpabiliser60,61.
Christophe Castaner, président du groupe LREM, dément avoir reçu ce signalement. Stanislas Guerini, délégué général du parti, affirme l’avoir découvert le 21 mai seulement62. La Première ministre Élisabeth Borne assure qu’elle a découvert l’existence du signalement dans l’article de Mediapart56, cependant son cabinet aurait été informé la veille et le matin du jour de publication de l’article63.
Le 14 juin 2022, Mediapart révèle l’existence d’une troisième accusation contre Damien Abad, venant d’une élue centriste qui décrit une tentative de viol, accusation à laquelle s’ajoutent des témoignages décrivant « un élu se sentant « tout-puissant », qui aurait eu des gestes et propos « déplacés » dans le cadre professionnel, notamment à l’égard de femmes de son parti au statut inférieur »64,65. Damien Abad dément, dénonce le « calendrier soigneusement choisi de ces publications » et la « partialité » de l’enquête du site d’informations, qui aurait selon lui une motivation « politique »66,67.
La troisième femme qui avait accusé dans Mediapart Damien Abad d’avoir tenté de la violer porte plainte le 27 juin 202270. Le ministre conteste l’accusation « avec la plus grande fermeté » et annonce le même jour déposer plainte pour « dénonciation calomnieuse »71. Le parquet de Paris ouvre une enquête pour tentative de viol72,73.
Le 4 juillet 2022, il est écarté du gouvernement lors du remaniement post-élections législatives51. Le même jour, une quatrième femme, ancienne militante des Jeunes Populaires, l’accuse également d’un viol sous soumission chimique en 201374.
Affaire des barbouzes de la DGSE
Le 20 mai 2022, Libération révèle que Damien Abad apparaît dans des écoutes policières ciblant deux de ses amis, des chefs d’entreprise surveillés dans le cadre de l’affaire des barbouzes de la DGSE, pour un projet présumé d’assassinat d’un employé syndicaliste : il aurait cherché à obtenir des informations à propos de l’enquête visant ses deux amis, auprès de la préfète du département de l’Ain. Damien Abad indique à Libération qu’il aurait simplement voulu se renseigner sans volonté d’interférer dans l’enquête75.
Cette femme a livré son témoignage à une policière dans un commissariat parisien en février 2012. Mais lorsqu’elle a été rappelée, elle n’a plus répondu53.
Pierre-Alain Furbury, « Damien Abad prend les rênes du groupe LR à l’Assemblée », Les Échos, 20 mai 2022 (lire en ligne [archive], consulté le 20 mai 2022).
Joséfa Lopez, « Damien Abad: « L’important pour un député, c’est de ne pas se couper du terrain » », L’Express, 20 juin 2012 (lire en ligne [archive], consulté le 19 août 2020).
Alexandre Lemarié, « Damien Abad, ex-centriste devenu UMP, prend la tête de l’Ain », Le Monde.fr, 2 avril 2015 (ISSN1950-6244, lire en ligne [archive], consulté le 13 mai 2016).
« Damien Abad réélu député de l’Ain au second tour des élections législatives », Le Monde.fr, 19 juin 2022 (lire en ligne [archive], consulté le 19 juin 2022)
« Damien Abad « conteste avec la plus grande force » des accusations de viol, Élisabeth Borne affirme qu’« il ne peut y avoir aucune impunité » », Le Monde, 22 mai 2022 (lire en ligne [archive], consulté le 22 mai 2022)
Marine Turchi, « Violences sexuelles : Damien Abad nommé ministre malgré un signalement adressé à LREM », Mediapart, 21 mai 2022 (lire en ligne [archive] , consulté le 21 mai 2022)
« Damien Abad, ministre des solidarités, visé par une enquête pour tentative de viol », Le Monde.fr, 29 juin 2022 (lire en ligne [archive], consulté le 29 juin 2022)
« L’ouverture d’une enquête contre Damien Abad fragilise sa position au sein du gouvernement », Le Monde.fr, 30 juin 2022 (lire en ligne [archive], consulté le 3 juillet 2022)
Ce blog a été créé le 6 janvier 2015 pour prendre le relais du Petitcoucou venant d'être suspendu sans préavis ni avertissement en milieu de journée. Ayant eu cette fonction jusqu'au 1er février 2015, il devient un doublon du Petitcoucou suite à la réouverture de ce dernier après trois semaines de suspension, et sa reprise d'activité à compter du 2 février 2015.
Les statistiques de ce blog sont bloquées depuis le 21 janvier 2015. Plus aucun compteur n'est incrémenté, ceux des visites du jour restent à zéro, les mises à jour ne se font plus.
Avis du 24 janvier 2015
Mes statistiques "avancées" sont de retour et font apparaître un record de visites le 21 janvier 2015 - record très modeste, mais néanmoins record pour ce blog nouveau-né.
En revanche, les statistiques "basiques" sont toujours bloquées.
Tout cela m'évoque bien évidemment les petites manies de Cyprien Luraghi qui n'a jamais pu supporter de voir s'envoler le nombre de mes lecteurs, qu'il surveille comme le lait sur le feu depuis la création de mon premier blog, sur Le Post, début septembre 2009.
Avis du 26 janvier 2015
Mes statistiques "basiques" sont de retour. Tout se passe normalement. Le Chinois de Thaïlande est inactif sur ce blog.
Avis du 31 janvier 2015
Mes statistiques "basiques" sont de nouveau bloquées depuis le 29 janvier.
Avis du 1er février 2015
Retour de mes statistiques "basiques".
Avis du 3 février 2015
Statistiques "basiques" de nouveau bloquées depuis le 1er février.
Avis du 6 février 2015
Mes statistiques "basiques" sont de retour. Tout fonctionne.
Avis du 11 février 2015
Mes statistiques "basiques" sont de nouveau bloquées depuis le 8 février.
Avis du 26 février 2015
Statistiques "basiques" enfin débloquées !
Avis du 27 février 2015
Statistiques "basiques" de nouveau bloquées depuis le 26 février. Ce petit jeu pourrait-il cesser ? On n'en voit pas l'intérêt...
Complément de 22 h: merci de m'avoir rendu ces statistiques !
Avis du 4 mars 2015
Statistiques "basiques" de nouveau bloquées depuis le 1er mars. Merci de les débloquer et ne plus les bloquer ou les oublier en cet état à l'avenir.
Avis du 7 mars 2015
Statistiques "basiques" bien débloquées. Merci.
Avis du 25 mars 2015
Statistiques "basiques" bloquées depuis le 14 mars.
Avis du 2 avril 2015
Mes statistiques "basiques" sont de retour.
Avis du 26 avril 2015
Les statistiques "basiques" de ce blog sont encore bloquées, depuis le 10 avril 2015.
Avis du 28 avril 2015
Statistiques de retour. Merci.
Avis du 7 mai 2015
Je n'ai de nouveau plus de statistiques "basiques" depuis le 2 mai. Comme pour Petitcoucou, les statistiques "avancées" ont également disparu depuis deux jours.
Avis du 10 mai 2015
Statistiques "basiques" débloquées. Merci. Me manquent encore les statistiques "avancées".
Avis du 14 mai 2015
Toutes mes statistiques sont de retour depuis hier. Merci.
Avis du 3 octobre 2015
Les compteurs de mes statistiques avancées sont tous à zéro depuis le 1er octobre. Merci de me les rendre.
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