Nous venons de voir les statistiques de Petitcoucou pour le mois d’août 2015.
Voici celles de Justinpetitcoucou, pas moins instructives :
Ce graphe des statistiques « basiques » montre comme pour Petitcoucou une belle pointe le 3 août, puis d’autres plus discrètes le 8 août, puis le 11 août, du 14 au 19 août, surtout les 17 et 19 août, le 22 août et le 26 août, avant la reprise de grosses pointes du 27 au 30 août 2015.
Le statistiques « avancées » du blog montrent des visites réelles assez différentes de celles présentées dans le graphe des statistiques « basiques », avec de grands nombres de visites les 3 et 4 août 2015, surtout le 3 août, puis à nouveau le 26 août, mais pas les derniers jours du mois :
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NEMROD34 s’en va-t-en guerre, le déni en bandoulière at Justinpetitcoucou
Depuis que les cyberdélinquants de la bande de Cyprien Luraghi ont commencé à me jouer les Chinois de Thaïlande le 25 juillet de l’année dernière, je publie régulièrement de mes statistiques de blog attestant de ce phénomène et quelques autres.
Voici donc celles du jour, donnant aussi un bon aperçu de celles du mois d’août 2015 :
Apparaissent nettement sur ce graphe des statistiques « basiques » trois belles pointes, les 3, 16 et 25 août, ainsi qu’une remontée des clics du Chinois à compter du 17 août 2015 après quelques jours d’accalmie.
Le détail de ces visites pour aujourd’hui montre l’intérêt de mes lecteurs pour les tout derniers articles que j’ai publiés, ce qui est tout à fait normal tant qu’ils portent comme ceux-ci sur un sujet d’actualité faisant couler beaucoup d’encre :
Les statistiques « avancées » mettent en évidence de grands nombres de visites réelles les 3 août, puis 17 et 18 août, et enfin ces derniers jours, mais dans ce dernier cas cela n’a rien d’étonnant, comme nous l’avons déjà fait observer plus haut :
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Les journalistes n’avaient semble-t-il pas écrit une ligne du livre qu’ils préparaient sur le roi du Maroc et son entourage, mais seulement réuni informations et documents.
Selon les extraits de leurs discussions avec l’émissaire du roi publiés ce dimanche dans le Journal du Dimanche, ils ont dû lui en montrer avant de signer une transaction jeudi, 27 août.
Donnant sa version des faits dans une interview publiée dans la soirée par Le Monde, Eric Laurent dit avoir maintenant envie d’écrire ce livre et de le sortir.
Reste qu’il reconnaît s’être réellement engagé à ne jamais partager ses informations avec qui que ce soit en l’échange d’un million d’euros et sa consoeur de même, ce qui est une vraie trahison de leurs sources et tout à fait crapuleux à l’égard de celles-ci.
Des enregistrements semblent confirmer le chantage de deux journalistes envers le roi du Maroc
Le Monde.fr avec AFP | 30.08.2015 à 08h28
Ils sont soupçonnés d’avoir voulu faire chanter le royaume du Maroc. Et des enregistrements clandestins de conversations entre le journaliste Eric Laurent – mis en examen samedi avec sa collègue Catherine Graciet –, et un avocat du royaume chérifien, publiés dimanche 30 août par le Journal du dimanche, semblent aller dans ce sens. Le journaliste français y réclamerait trois millions d’euros en échange de la non-publication d’un ouvrage à charge contre le roi du Maroc.
« Je veux trois. – Trois quoi, Trois mille ?, interroge l’avocat. – Non, trois millions. – Trois millions de dirhams ? – Non, trois millions d’euros », aurait déclaré Eric Laurent lors de la première rencontre avec l’avocat, qui a enregistré l’échange avec son téléphone, dans un palace parisien le 11 août.
Après la première rencontre, le Maroc porte plainte, et la deuxième se fait sous la surveillance de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), mais c’est toujours l’avocat marocain qui effectue les enregistrements à l’insu des journalistes.
Une lettre engageant à « renoncer à la publication » signée
Il y résume la situation : « vous et madame Graciet, [êtes] disposés à renoncer à la publication de cet ouvrage, et de façon plus générale, [que] les informations sensibles que vous avez, vous étiez disposés à prendre l’engagement de les oublier », rapporte le JDD. A la demande de l’avocat, le journaliste assure que sa co-auteure Catherine Graciet sait pour « les trois millions ».
L’hebdomadaire évoque la troisième rencontre et la méfiance de la journaliste, présente pour la première fois, qui fait changer le lieu de rendez-vous et demande à l’avocat de ranger son téléphone, alors posé sur la table.
Dans une lettre que s’est procurée le JDD, les deux journalistes s’engagent à « ne plus rien écrire sur le roi du Maroc, en contrepartie du versement de la somme de deux millions d’euros », et réclament une avance. L’avocat leur aurait remis une enveloppe de 40 000 euros chacun et la journaliste rédige alors un protocole manuscrit. A leur sortie du palace où a lieu la réunion les deux journalistes sont interpellés. Il ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi pour chantage et extorsion de fonds et laissés libres sous contrôle judiciaire.
Les journalistes « piégés » selon leur avocat
Selon une source proche du dossier, Eric Laurent a reconnu durant sa garde à vue, entamée jeudi soir, avoir formulé une offre de 3, puis 2 millions d’euros au Maroc pour le renoncement de la publication de leur livre.
L’avocat de Catherine Graciet, Me Eric Moutet, a confirmé vendredi soir l’existence d’un « deal financier », dans un « contexte très troublant ». « Le royaume marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet, et un nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation au moment où le deal financier se met en place », a-t-il déclaré à l’AFP. Pour lui, « c’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages ». « Il y a dans cette affaire une logique de stratagème qui s’est mise en place », a-t-il jugé et « l’instruction devra déterminer le rôle de chacun ».
L’avocat d’Eric Laurent, William Bourdon, qui a également reconnu auprès de l’AFP l’existence d’un « accord financier », a réfuté tout chantage ou extorsion de fonds, dénonçant un « traquenard » et une « manipulation » des autorités marocaines.
Chantage contre le roi du Maroc : le JDD révèle des enregistrements
ENQUETE – Le JDD révèle des enregistrements clandestins accablants pour les deux journalistes mis en examen samedi de « chantage et d’extorsion de fonds ». Le roi du Maroc est partie civile. Extraits.
A paraitre dans leJDD Le roi du Maroc aurait été victime de chantage par deux journalistes français. (Reuters)
Un très mauvais polar. Deux journalistes arrêtés dans un palace en flagrant délit pour chantage sur le roi du Maroc. Dans leurs poches, une enveloppe, de 40.000 euros… « en petites coupures de 100 euros », à leur demande. Dans leur poche encore, une lettre manuscrite à l’encre pas encore sèche scellant un « accord » pour « ne plus rien écrire sur le royaume du Maroc », en « contrepartie du versement de la somme de deux millions d’euros ». Le JDD a eu accès aux enregistrements de rendez-vous clandestins. En trois séances avec un avocat marocain, les journalistes Éric Laurent et Catherine Graciet (elle n’était là qu’au dernier rendez-vous) ont scellé ce « pacte » qui leur vaut aujourd’hui d’être mis en examen pour « chantage et extorsion de fonds » et placés sous contrôle judiciaire. Récit d’une folle entreprise.
« Je veux 3″
Éric Laurent et Catherine Graciet connaissent bien le Maroc. Le premier, âgé de 68 ans, a déjà écrit un livre d’entretien, hagiographique, avec l’ancien roi, Hassan II. Catherine Graciet, plus jeune, a travaillé au sein d’un hebdo marocain d’opposition, le Journal hebdomadaire. En 2012, les deux journalistes co-signent au Seuil Le roi prédateur, un livre d’enquête à charge sur Mohammed VI. Avec le même éditeur, une « suite » est prévue pour le début de l’année 2016… « On est au courant de rien d’autre », confie au JDD l’avocat de la maison d’édition, Me Bénédicte Amblard. Et pour cause, la suite est restée cachée jusqu’à cette semaine.
Le 23 juillet dernier, Eric Laurent appelle Rabat et demande à parler à Mounir M., le directeur de cabinet royal. Le 27, il rappelle. Le palais décide de confier à un avocat marocain le soin d’aller aux nouvelles. L’avocat contacte Eric Laurent et convient d’un rendez-vous à Paris le 11 août. Cette première rencontre a lieu au bar du Royal Montceau. L’avocat a, dans sa poche, un Iphone en mode enregistrement. Eric Laurent explique son projet de livre, avec sa jeune consoeur, « qui est mordante »… La bande est entre les mains de la police qui a dû en booster le son… « Vous voulez quoi? » demande l’avocat.
- Je veux 3.
- Trois quoi, Trois mille? interroge l’avocat.
- Non, 3 millions.
- Trois millions de dirhams?
- Non, 3 millions d’euros ».
Chantage contre le roi du Maroc : un « biscuit » à deux millions pour les journalistes
Le JDD révèle des enregistrements clandestins accablants pour les deux journalistes mis en examen hier pour « chantage et extorsion de fonds ». Le roi du Maroc est partie civile. Les avocats d’Éric Laurent et de Catherine Graciet crient au « traquenard ».
Un très mauvais polar. Deux journalistes arrêtés dans un palace en flagrant délit. Dans leurs poches, une enveloppe de 40 000 euros… « en petites coupures de 100 euros », à leur demande. Dans leur poche encore, une lettre manuscrite à l’encre pas encore sèche scellant un « accord » pour « ne plus rien écrire sur le royaume du Maroc », en « contrepartie du versement de la somme de deux millions d’euros ». Le JDD a eu accès aux enregistrements de rendez-vous clandestins. En trois séances avec un avocat marocain, les journalistes Éric Laurent et Catherine Graciet (elle n’était là qu’au dernier rendez-vous) ont scellé ce « pacte » qui leur vaut aujourd’hui d’être mis en examen pour « chantage et extorsion de fonds » et placés sous contrôle judiciaire. Récit d’une folle entreprise.
Deux journalistes qui connaissent bien le Maroc
Éric Laurent et Catherine Graciet connaissent bien le Maroc. Le premier, âgé de 68 ans, a déjà écrit un livre d’entretiens, hagiographique, avec l’ancien roi, Hassan II. Catherine Graciet, plus jeune, a travaillé au sein d’un hebdo marocain d’opposition, Le Journal hebdomadaire. En 2012, les deux journalistes cosignent au Seuil Le Roi prédateur, un livre d’enquête à charge sur Mohammed VI. Avec le même éditeur, une « suite » est prévue pour le début de l’année 2016… « On n’est au courant de rien d’autre », confie au JDD l’avocat de la maison d’édition, Me Bénédicte Amblard. Et pour cause, la suite est restée cachée jusqu’à cette semaine.
Le 23 juillet, Éric Laurent appelle Rabat et demande à parler à Mounir M., le directeur du cabinet royal. Le 27, il rappelle. Le palais décide de confier à un avocat marocain le soin d’aller aux nouvelles. L’avocat contacte Éric Laurent et convient d’un rendez-vous à Paris le 11 août. Cette première rencontre a lieu au bar du Royal Monceau. L’avocat a dans sa poche un iPhone en mode enregistrement. Éric Laurent explique son projet de livre, avec sa jeune consœur, « qui est mordante »… La bande est entre les mains de la police, qui a dû en booster le son…
« Vous voulez quoi? » demande l’avocat.
– Je veux trois.
– Trois quoi, Trois mille?, interroge l’avocat.
– Non, trois millions.
– Trois millions de dirhams?
– Non, trois millions d’euros. »
L’enregistrement décrypté, l’avocat marocain rentre à Rabat. « Cela paraissait énorme comme demande, et au départ, nous avons même envisagé un piège tendu… Il a donc été décidé au plus haut niveau de déposer plainte à Paris », confie un avocat français du dossier. « Cela semblait d’entrée hallucinant, avec tous les ingrédients du chantage et de l’extorsion de fonds », tonne Me Éric Dupond-Moretti, un des défenseurs du Maroc.
Des policiers en planque pour le deuxième rendez-vous
Le 20 août, la plainte est sur le bureau du procureur de Paris, François Molins, qui découvre « une affaire d’État », avec un dossier de « chantage, extorsion de fonds, et association de malfaiteurs ». Le procureur saisit sur-le-champ la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). Il y a urgence. Le lendemain, l’avocat marocain a un deuxième rendez-vous avec Éric Laurent au bar du Royal Monceau.
Cette fois-ci, les policiers sont en planque autour de la table, et disposent même d’images prises par les caméras de surveillance de l’hôtel. « Le parquet a préféré, puisqu’il s’agissait d’écouter un journaliste, que ce soit l’avocat qui enregistre, et pas la police », indique une source judiciaire. L’avocat, cette fois-ci, place son iPhone sur la table. Du coup, la conversation est « nette »… Après les préliminaires sur la météo, les liaisons aériennes avec le Maroc, et la Normandie où Éric Laurent a une maison, l’avocat récapitule leur précédente conversation, telle qu’il en a rendu compte, dit-il, à Rabat : « Vous avez des informations très importantes, très sensibles, et qui peuvent avoir un impact important sur le Maroc et sont de nature à déstabiliser le régime de Sa Majesté […] et [dit] que vous étiez, vous et madame Graciet, disposés à renoncer à la publication de cet ouvrage, et de façon plus générale, [que] les informations sensibles que vous avez, vous étiez disposés à prendre l’engagement de les oublier », résume l’avocat. Réponse d’Éric Laurent sur la bande : « Définitivement, exactement. » Le marché est clair. « Personne ne veut, ne souhaite qu’un deuxième livre paraisse », embraye l’avocat. Il réclame ensuite des « garanties » de « Mme Graciet ». « Vous pouvez les avoir », lui répond son interlocuteur. L’avocat sollicite alors « un biscuit », c’est-à-dire des éléments un peu concrets sur la nature des « infos » gênantes que pourraient avoir les journalistes. La conversation s’éternise sur des sujets plus ou moins sensibles liés au Maroc, les relations de François Hollande avec le régime, l’affaire HSBC… Rien de très « explosif ». Les deux hommes tournent autour du pot. L’objectif de l’avocat, ce jour-là, est de cerner l’implication de la coauteure d’Éric Laurent. Il insiste : « Elle sait qu’on se voit? », « Elle est au courant des détails », assure le journaliste, qui confirme aussi qu’elle sait pour « les trois millions ». « J’ai besoin de savoir ce qu’elle a en tête, réclame l’avocat, dans quel état d’esprit elle est, et avoir la certitude que si on accepte les termes de votre proposition… » Éric Laurent enchaîne : « C’est très clair, elle vous dira elle-même… » L’avocat insiste ensuite pour « juger sur pièces », et pour que les « choses aillent vite », il réaffirme qu’il n’a « pas le mandat » pour discuter du « montant aujourd’hui » : « Je l’aurai quand vous m’aurez remis les éléments que je pourrai partager soit physiquement soit verbalement. » En clair, il veut voir des documents, « pas nécessairement repartir avec »… « Ensuite, on parlera de vos chiffres », dit-il. Éric Laurent promet qu’en cas d’accord, sa coauteure, qui a pour « passion l’équitation », « se consacrera à l’équitation en même temps qu’elle écrira une biographie historique. […] On en a discuté, elle a dit que si vous arrivez à un accord elle arrête tout, le livre, les articles, les interventions publiques »… Éric Laurent glisse même en partant qu’il peut tout aussi bien faire « Le Roi prédateur ou ‘Une affaire de famille’ tous les deux ou trois ans… » Une phrase lourde de sous-entendus.
Une avance contre une garantie
Sur la base de cet enregistrement et du rapport des policiers, le procureur ouvre le 26 août une information judiciaire et trois juges d’instruction sont désignés, dont Isabelle Rich-Flament. Elle va coordonner l’opération de flagrant délit du jeudi 27 août.
Le rendez-vous a été pris à 11 heures avec Catherine Graciet, Éric Laurent au Peninsula, un hôtel de luxe de l’avenue Kleber, où l’avocat marocain a une chambre. Les trois se retrouvent au bar. Puis Catherine Graciet, après avoir refusé que le rendez-vous ait lieu dans la chambre de l’avocat, propose de changer d’endroit et d’aller plutôt au Raphael, l’hôtel en face. Prudente. Discrètement, les policiers en planque suivent. Une fois au nouveau bar, l’avocat place une nouvelle fois son iPhone sur la table. La jeune femme lui demandera de le ranger. Prudente encore. Il s’exécute, et place l’appareil dans sa poche. Du coup, la conversation est moins « nette »… Elle va pourtant durer jusqu’à 16 heures. Par étapes. Dans un premier temps, les journalistes ont imaginé la création d’un trust à l’étranger pour toucher les fonds. La journaliste confie qu’elle dispose d’un rapport de la DGSE, les services secrets français, sur Mohammed VI, « lors de ses venues en France ». De son côté, l’avocat réclame « une garantie », c’est-à-dire un papier signé de leur main. Eux, veulent « une avance ». L’avocat leur propose « un million et demi d’euros », et ils transigent finalement « à deux », « un chacun », après avoir mis en avant l’à-valoir important qu’ils devront rembourser à leur éditeur…
L’avocat s’absente cinquante minutes pour, dit-il, « discuter avec son client », et retourne dans sa chambre du Peninsula. Selon nos sources, c’est avec les policiers et la juge, informés de l’avancement des discussions, que se décide la suite de ce mauvais polar. Pour leur « avance », les deux journalistes ont exigé des « petites coupures, pas de billets de 500 euros ». La juge donne son feu vert. Quand il revient au bar du Raphael, qui est resté sous surveillance discrète de la police, l’avocat a deux enveloppes de 40.000 euros chacune.
Dans une lettre que s’est procurée le JDD, les deux journalistes s’engagent à « ne plus rien écrire » sur le roi du Maroc, « en contrepartie du versement de la somme de deux millions d’euros ».
Le protocole recopié en trois exemplaires
De son côté, Catherine Graciet a recopié, à la main, en trois exemplaires, un protocole dont le JDD a une copie : les deux journalistes prennent l’engagement de « ne plus rien écrire » sur le royaume du Maroc, « directement ou indirectement »… et de ne « partager en aucune façon les documents et informations » en leur possession. « La somme de deux millions d’euros leur sera versée » selon « des modalités que nous fixerons », signent-ils. Catherine Graciet précise même qu’elle a travaillé à un documentaire pour France 3… qui sera diffusé « après le présent accord », pour s’assurer que sa diffusion postérieure ne le rendra pas caduc. Prudente encore. Les signataires admettent avoir touché, ce jour, une « avance de 80 000 euros ». « Ma cliente est allée au rendez-vous pour voir, en tant que journaliste », confie son avocat Me Éric Moutet, qui dément « tous chantage et extorsion de fonds »… Ce jeudi, il est presque 16 heures. L’avocat marocain ressort seul du Raphael. Les deux journalistes, pendant quelques minutes, finiront leurs verres, et… se croiront riches. Une fortune bien éphémère. À leur sortie du Raphael, ce n’est pas une limousine qui les attendait, mais des voitures de police.
EXCLUSIF – Soupçons de chantage du Maroc: la lettre contractuelle signée par les journalistes
29/08/2015 à 12h33
BFMTV s’est procuré le contrat signé entre les journalistes mis en examen et le Maroc. Dans cette lettre manuscrite, Catherine Graciet et Eric Laurent s’engagent à « ne plus rien écrire sur le royaume du Maroc » en contrepartie « du versement de la somme de 2 millions d’euros ».
Vendredi, l’avocat de la journaliste Catherine Graciet, Eric Moutet, avait confirmé qu’un « deal financier » avait bien eu lieu dans un « contexte très troublant » et avait évoqué « un piège » dans lequel serait tombé sa cliente.
80.000 euros d’avance
Dans cette lettre manuscrite, écrite le 27 août dernier par la journaliste Catherine Graciet au bar de l’Hôtel Raphael à Paris, les deux journalistes s’engagent à « ne plus rien écrire sur le royaume du Maroc » et à « ne plus jamais s’exprimer publiquement sur ce pays directement ou indirectement ou par personnes interposées », « ni à faire quelques révélations (…) sur ce sujet ».
Les journalistes s’engagent également à « ne partager en aucune façon les documents et informations en (leur) possession avec qui que ce soit ». En contrepartie du silence des deux journalistes, le Maroc s’engage à verser « la somme de deux millions d’euros ». « Nous confirmons avoir reçu à ce jour une avance de 80.000 euros », écrit encore Catherine Graciet dans le document signé de sa main.
Lettre signée en trois exemplaires
Cette lettre, qui a été versée au dossier d’instruction, a été signée pendant le rendez-vous entre les journalistes et le représentant du Maroc, jeudi, à l’issue duquel Catherine Graciet et Eric Laurent ont été interpellés et placés en garde à vue.
Selon nos informations, ce rendez-vous avait été initialement prévu à l’hôtel Peninsula à Paris, organisé main dans la main avec la police. Mais Catherine Graciet, méfiante, aurait demandé à changer d’hôtel. Les journalistes et le représentant du Maroc se seraient alors installés au bar de l’Hôtel Raphael, situé en face du Peninsula.
Un « piège » selon l’avocat des journalistes
Pendant ce rendez-vous, les journalistes auraient dans un premier temps refusé de signer le document, avant de se laisser convaincre et de le signer en trois exemplaires. Une partie de la conversation a été enregistrée avec un smartphone.
Pour l’avocat de Catherine Graciet, Me Éric Moutet, il y a bien eu un « deal financier », dans un « contexte très troublant ». « Le royaume marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet et un nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation au moment où le deal financier se met en place », a-t-il estimé vendredi soir. Il a également évoqué « un piège » dans lequel serait tombée sa cliente.
EntretienEric Laurent et le roi du Maroc : « C’est une tentation, pas un chantage »Propos recueillis par Charlotte Bozonnet et Serge Michel
Le Monde.fr Le 30.08.2015 à 20h59 • Mis à jour le 30.08.2015 à 21h17
Le journaliste Eric Laurent a été mis en examen pour chantage et extorsion de fonds dans la nuit du 28 au 29 août. Avec sa consoeur Catherine Graciet, il est soupçonné d’avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed IV, en menaçant de publier un livre à charge contre la famille royale. M. Laurent donne pour la première fois, au Monde, sa version des faits.
Selon Eric Dupont-Moretti, avocat de Rabat, les deux journalistes français ont proposé à un collaborateur du roi du Maroc de renoncer, contre rémunération, à la parution d’un livre contenant des informations gênantes pour le royaume. Ils auraient formulé une offre de trois, puis deux millions d’euros.
« Le Palais a alors décidé de porter plainte auprès du parquet de Paris. Les policiers ont décidé d’organiser un flagrant délit », a assuré Me Dupond-Moretti, qui a révélé l’affaire, jeudi.
Tout en reconnaissant l’existence de la transaction, Eric Laurent assure au contraire qu’elle lui a été « proposée » par un émissaire de Mohammed VI, et qu’il l’a acceptée à la fois pour des raisons personnelles, et pour ne pas « déstabiliser le Maroc ». Il assure aujourd’hui avoir l’intention de terminer et de publier l’ouvrage.
Le déroulé des faits exposé par les avocats du Royaume est à la fois très complet et accablant. Qu’avez-vous à y ajouter ou à retrancher ?
Eric Laurent : Je vais retrancher énormément de choses. Mais je vais faire un premier commentaire sur la totale indécence de la part de l’avocat du royaume, Me Dupond-Moretti, qui a dépassé toutes les limites en matière non seulement de présomption d’innocence mais aussi en matière de déformation ou même d’invention des faits.
Le 23 juillet, d’après lui, j’appelle le secrétariat particulier du roi. Jusqu’ici c’est exact. Je demande à parler à Mounir El Majidi, qui est le secrétaire de Mohamed VI. C’est encore exact. Selon lui, je déclare préparer un livre explosif, un brûlot et c’est trois millions [pour ne pas le publier, NDLR].
Je mets au défi Dupond-Moretti et le Maroc de produire le moindre élément attestant cela. Je n’ai jamais tenu ces propos. Il n’y a jamais eu de tentative de chantage. J’ai appelé Mounir El Majidi pour une raison très simple : dans ce livre que nous avions en préparation, il y avait des éléments concernant la famille royale que nous voulions croiser avec le Palais. Au lieu de cela, le lendemain, j’ai reçu un appel d’un homme qui s’appelle Hicham Naciri, qui est un avocat du Palais, que je ne connaissais pas. Il me dit : « Je suis mandaté par le Palais, est-ce que ça peut attendre quelques jours, je pars au Japon. » Nous nous retrouvons le 11 août à sa demande, c’est lui qui fixe le lieu, au Royal Montceau [hôtel parisien de luxe, NDLR].
A ce moment-là, qui formule la demande d’argent ?
« On pourrait peut-être envisager une rémunération, une transaction, en contrepartie d’un retrait écrit »
Il n’y a pas de formulation de demande d’argent. Je lui explique que nous préparons un livre, que c’est la raison pour laquelle nous voulions voir M. Majidi, un livre sur la famille royale avec un certain nombre de sujets sensibles concernant la succession d’Hassan II. Il me dit : « C’est pas vraiment un livre qu’on souhaite voir sortir ». Je lui dis : « Ah bon, ça c’est autre chose ».
Et là, on voit très bien dans les procès-verbaux tirés des enregistrements : il n’y a aucune demande de ma part. Il y a encore moins de menace de chantage. Nulle part. A un moment donné, il me dit : « On pourrait peut-être envisager une rémunération, une transaction, en contrepartie d’un retrait écrit ». C’est lui qui m’amène à cette idée. A aucun moment il n’y a dans ces enregistrements une volonté de ma part de faire chanter le roi du Maroc à travers un de ses avocats. Puis ses questions vont porter sur un autre problème, celui des sources. Il va insister tout au long des réunions suivantes pour que nous livrions nos sources. Bien sûr, nous refusons. Je refuse. Ma co-auteure, que je consulte, refuse aussi.
A quel moment est-il question d’argent, alors ?
Au moment de la première rencontre, il amène cette idée. Et là, je dis, mais sans y croire : « Si vraiment on arrête de faire le livre, étant donné le sujet, écoutez… trois [millions d’euros] ». Il dit : « Ok mais il me faut les sources ». Je ne suis pas venu avec l’idée d’une transaction. Je suis venu avec l’idée d’une interview.
Qu’est-ce qui vous amène à accepter d’entrer en matière sur une transaction ?
D’abord le sujet. Il est extrêmement sensible, très délicat. J’ai exercé ce métier pendant 30 ans et j’avoue que là, j’en ai un peu assez. C’est un sujet très complexe concernant la famille royale et certains comportements. Donc je me dis : après tout, on n’a pas envie, quelles que soient les réserves que l’on peut avoir sur la monarchie, que s’instaure une république islamique. S’il propose une transaction, pourquoi pas.
Votre avocat a également parlé d’une situation personnelle difficile…
Ma femme est extrêmement malade. C’est une situation personnelle très dure. Elle a un cancer généralisé. Son état s’aggrave de jour en jour malgré les opérations, des chimiothérapies très lourdes.
Donc, si on résume : vous souhaitiez rencontrer M. Naciri pour une interview et vous ressortez avec un accord de principe sur une transaction financière ?
Je ne ressors avec rien. C’est une suggestion qui m’est faite. Mais il n’y a pas d’accord. Je suis surtout tellement étonné. Je me dis : « Quelle étrange démarche », car la démarche venait de lui. En même temps, je suis un peu sur la réserve, surtout parce qu’il insiste sur la possibilité d’avoir accès aux sources. Je suis tellement peu dans l’état d’esprit d’un chantage que lors du deuxième entretien avec lui, le 23 août, il a son téléphone posé sur la table.
J’ai appris ensuite qu’il enregistrait notre conversation et j’ai vu dans le JDD des extraits tronqués. C’est lui qui me demande : pour combien, si nous arrivons à un accord ? Si j’avais eu la volonté d’exercer un chantage, la première des choses aurait été de lui demander d’arrêter son portable, de sortir la batterie, de le mettre ailleurs. A aucun moment, il n’y a de ma part un seul mot qui relève du chantage.
Qu’est-ce que vous vous dites lors du deuxième rendez-vous, le 23 août ?
« Ils ont voulu me faire tomber, me discréditer professionnellement »
C’est un rendez-vous qui me laisse perplexe parce que je vois un personnage qui commence à reformuler tout ce que nous avions échangé la semaine précédente, y compris cette somme de 3 millions d’euros, qu’il met dans ma bouche. Je suis un peu stupéfait, me disant qu’il doit y avoir quelque chose.
Immédiatement, il enchaîne avec une pression ininterrompue sur les sources : « Si nous passons un accord, il faut que nous puissions identifier vos sources ». Je lui dis que c’est impossible, que je ne mettrai pas en danger des gens qui ont accepté de me parler. Il insistera là-dessus jusqu’à la troisième et dernière réunion. Ils ont voulu me faire tomber, me discréditer professionnellement et éventuellement avoir accès à nos sources, ce qui aurait permis de couper certaines têtes.
Comment se fait-il que vous n’ayez pas un instant pensé que le Palais allait utiliser cette discussion contre vous ?
Si j’étais arrivé avec cet état d’esprit consistant à quémander de l’argent en échange de la non-publication, j’aurais été bien plus méfiant. Mais comme je venais simplement pour avoir la possibilité de rencontrer Mounir Madjidi, et croiser des informations, je n’ai pas vu le coup venir. Cette proposition a été glissée insidieusement par mon interlocuteur : « transaction », « abandon », « accord écrit », ces mots ont été habilement introduits lors du premier rendez-vous.
Tout au long de ces entretiens, votre co-auteure était au courant des termes de ces discussions ?
Elle était au courant. Je la tenais informée de tout, après chaque rencontre. Elle ne peut pas prétendre [le contraire]…
La défense de Catherine Graciet est de dire que c’est vous qui avez tout organisé…
C’est bien dommage, parce que c’est faux. Je veux bien avoir organisé des choses. Si j’avais tout organisé, il faudrait de sa part un total aveuglement – pour ne pas dire plus – pour rédiger le texte de l’accord et le signer. Et moi, j’aurais été le meilleur des amis de lui proposer la moitié après avoir tout organisé seul.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le contenu de ce livre ?
Le livre porte à la fois sur l’héritage de Hassan II et les affrontements au sein de la famille royale concernant cet héritage. Avec de nombreuses péripéties. Il y avait aussi des choses concernant le train de vie dispendieux – pour ne pas dire plus – de cette famille, avec un certain nombre de dérives.
Ces informations étaient de nature à faire tomber la monarchie ?
Tomber, non. Ebranler, oui. Quand vous êtes un sujet marocain, et que vous découvrez cette réalité sur le roi, sa famille, son entourage, dans un affairisme ambiant, vous êtes profondément troublé. Je pense que ça aurait érodé la confiance relative que l’on peut encore avoir envers le monarque.
Quand avez-vous commencé votre enquête ?
On a signé en janvier [avec les éditions du Seuil], on a commencé en mars car je devais finir un autre livre.
Avez-vous toujours eu l’intention de publier ce livre ?
« Quelles seront les conséquences ? »
Nous avions signé un contrat avec un éditeur ! Du début à la fin, notre intention était de faire un livre. Sauf qu’il y a eu ces conversations avec ce personnage qui propose un accord, qui dit qu’il faudrait s’engager à ne plus publier sur le Maroc. Je me dis pourquoi pas. Mais il ne s’agit pas de chantage. Ca n’a jamais existé.
Chantage ou non, vous étiez d’accord pour un accord financier dont l’objectif était la non publication de votre enquête ?
Oui, bien sûr. Cette enquête me faisait peur. On se disait « quelles seront les conséquences ? » La proposition que l’on m’a faite me paraissait être un compromis.
Votre co-auteure s’est ralliée aux même arguments ?
Soyons clair : du début à la fin, Catherine Graciet a tout approuvé. Avant cette réunion, nous préparions les choses ensemble. Donc aller dire aujourd’hui que j’ai tout mené en solitaire, c’est absurde.
Ces informations explosives, vous les avez réunies ensemble ?
Ensemble. Elle en obtenu certaines, j’en ai obtenu d’autres. Nous avions des sources différentes, que nous avons croisées. Nous étions embarrassants pour le Maroc, et notre livre précédent, Le roi prédateur, est vraiment resté en travers de la gorge du roi. L’idée d’en voir sortir un autre leur était absolument insupportable. Et surtout, ils se demandaient sur quoi nous nous étions basés, sur qui nous nous étions appuyés pour avoir ces renseignements. L’accès aux sources a été une condition et un moyen de pression constant sur nous.
Votre avocat parle d’un zêle disproportionné de la justice française dans cette affaire? Comment l’avez-vous perçu ?
« J’ai eu l’impression d’être dans une situation à la Ben Barka »
J’ai dit aux policiers en arrivant que j’étais choqué que l’appareil policier et judiciaire français soit mobilisé pareillement pour satisfaire un souverain étranger dont on connaît les pratiques. Les enquêteurs m’ont répondu : « On n’est pas dupe, il y a des marionnettistes au dessus de nous, mais nous sommes obligés de faire notre travail ». Ce sont leurs mots. Quand l’arrestation a eu lieu, la voiture de la police a emprunté le périphérique et l’on se dirigeait vers Orly. Et là, j’étais inquiet, j’ai demandé où nous allions. J’ai eu l’impression d’être dans une situation à la Ben Barka [opposant marocain enlevé le 29 octobre 1965 à Paris et dont le corps n’a jamais été retrouvé, NDLR].
Au fond, le Maroc passe son temps à utiliser le territoire français pour ses coups tordus. Autrefois pour y éliminer physiquement ses opposants, désormais pour discréditer professionnellement ceux qui sont critiques envers le régime et ses dérives. J’ai cru que j’allais être embarqué dans un avion et me retrouver au Maroc. Quant à la juge, elle a été correcte. La mise en examen est l’aboutissement logique de ce qui précède, même si c’est un cadeau au souverain marocain.
Vous êtes libre de vos mouvements ?
Le parquet a demandé l’interdiction de sortie du territoire et un contrôle judiciaire tous les huit jours. La juge a décidé de me laisser mon passeport et d’un contrôle judiciaire tous les quinze jours. Avec interdiction de parler à ma co-auteure. Outre l’emballement policier et judiciaire, avec trois juges d’instruction, il y a l’emballement médiatique, qui a contribué à nous discréditer très vite en produisant des extraits tronqués, détachés de leur contexte. Nous étions encore dans la voiture de la police que tout filtrait déjà sur les chaînes d’infos, sans nuance et sans présomption d’innocence, qui n’a jamais existé dans cette affaire. La seule voix relayée constamment a été celle de Me Dupont Moretti, avec des propos choquants et délirants.
Votre livre d’entretien avec Hassan II, en 1993, a-t-il donné lieu à une transaction financière?
Ah non, absolument pas. A l’époque j’étais éditeur chez Plon, et j’avais un contrat d’auteur pour ce livre. Je n’ai pas reçu d’argent de Hassan II, c’est lui qui en a reçu ! Il a réclamé ses droits d’auteur, pour une fondation, et les a obtenus. Si jamais il y avait eu affairisme de ma part, jamais je n’aurais écrit Le roi prédateur quelques années plus tard.
Vous négociez une transaction financière en échange de la non publication d’un livre. Avez vous conscience d’avoir en cela porté préjudice à l’ensemble de la profession ?
« C’est une tentation, pas un chantage »
Non, pas du tout. Je pense que j’ai fait des livres qui ne souffrent pas la moindre critique éthique et déontologique. Et là en l’occurrence, il y avait à la fois le sujet qui était explosif, il y avait la proposition qui m’a été faite et la situation dans laquelle j’étais. Je me suis dit qu’un livre de plus ou de moins, cela n’enlèverait rien à ma satisfaction personnelle. Comme je n’avais pas l’esprit de vindicte, j’ai dit… voilà. C’est une tentation, pas un chantage.
Vous avez dit quoi?
Je me suis dis après tout, pourquoi pas, passons à autre chose. Je veux bien prendre des risques mais j’étais vraiment dans un état psychologique où je n’avais pas l’énergie nécessaire pour aller jusqu’au bout. Je vous l’ai dit, ce sujet m’effrayait. Et j’ai d’autres centres d’intérêt. Déstabiliser un régime à travers un ouvrage dans un contexte géopolitique très particulier, cela ne me paraissait pas une bonne idée. Mon interlocuteur est arrivé au bon moment. Il a su exploiter cela. Puis il m’a piégé. Vous pouvez ne pas le croire, mais c’est lui qui m’a piégé.
Pour vous, cela ne va pas à l’encontre de la déontologie journalistique ?
Ce qui serait allé à l’encontre de la déontologie, cela aurait été, de dire : j’ai ces éléments, et je vais vraiment vous demander de me payer, sinon je les publie et cela sera très douloureux pour vous. Ce qui n’a jamais été le cas.
Cela met-il un terme de votre carrière d’auteur ?
Je ne sais pas. J’ai un livre qui sort dans huit jours chez Flammarion sur les pratiques et dérives du système financier. Je prends là aussi des risques, il y a des informations sensibles. C’est la preuve que je suis encore capable d’en obtenir et d’en publier.
Le livre, finalement, vous allez le sortir ou pas?
Je vais être franc. Je serais maintenant vraiment partisan de le sortir, et j’en aurais très envie. Pour l’instant, nous ne pouvons pas nous rencontrer avec ma co-auteure, je ne sais pas si elle veut continuer cette collaboration, mais j’ai l’intention de le sortir, bien sûr.
Chantage contre le roi du Maroc : « Un coup monté », selon l’avocat d’un journaliste
DOCUMENT RTL – L’avocat d’Éric Laurent, le journaliste soupçonné d’avoir fait chanter le roi du Maroc, affirme que le monarque était volontairement entré dans des discussions financières avec son client.
« On est extrêmement loin de ce qui est indispensable pour caractériser, selon le termes du code pénal français, une logique de chantage et d’extorsion de fonds, c’est à dire des pressions, des menaces, de l’intimidation », regrette l’avocat.
On est dans un coup monté (…) nous le démontrerons
William Bourdon, avocat d’Éric Laurent
« Affirmer qu’Éric Laurent aurait initié cette discussion est totalement inexact, poursuit l’avocat. Il y a eu au fil de la discussion, dans un climat très cordial, des échanges concernant un accord un accord financier donc on est très loin de ce que l’on entend. »
L’avocat n’hésite pas à parler d’une « logique de grave désinformation ». « On est dans un coup monté qui a bénéficié de l’apport d’un homme qui était une situation difficile, qui a accepté d’entrer dans ces discussions financières, affirme-t-il. C’est ce qui a permis cette mise en scène, nous le démontrerons. La seule décision qui s’impose pour Éric Laurent est un non lieu. »
Tentative d’extorsion ou coup monté ? La question agite le landerneau politico-médiatique depuis que deux journalistes français sont accusés d’avoir fait chanter le roi du Maroc. Auteurs de plusieurs livres, Eric Laurent et Catherine Graciet auraient demandé à l’entourage de Mohammed VI trois millions d’euros contre le retrait d’un ouvrage compromettant pour le régime. Interpellés jeudi, ils étaient toujours en garde à vue au siège de la PJ parisienne vendredi.
Que s’est-il passé ?
Le 23 juillet, Eric Laurent contacte le cabinet royal marocain pour solliciter un entretien avec un représentant du Palais. Le journaliste, qui dit préparer un livre, explique avoir «des choses importantes à demander». Jusqu’ici, rien d’incroyable : les éditions du Seuil confirment l’existence de cet ouvrage consacré à «M6», dont la sortie était prévue début 2016.
Le 11 août, une première rencontre est organisée à Paris avec un avocat marocain proche du régime. C’est là qu’Eric Laurent aurait proposé à son interlocuteur de ne pas publier le livre en échange de trois millions d’euros. La réaction marocaine ne se fait pas attendre : dix jours plus tard, une plainte est déposée pour le compte du roi au parquet de Paris, qui ouvre aussitôt une enquête préliminaire et confie les investigations à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).
Les policiers vont alors organiser un nouveau rendez-vous afin de piéger le suspect. Sans se douter que la rencontre est enregistrée, le journaliste réitère son offre auprès de l’émissaire marocain. Une preuve suffisante pour le parquet, qui ouvre dans la foulée une information judiciaire pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage, confiée à trois juges d’instruction parisiens.
A ce stade de l’enquête, plusieurs éléments accablent Eric Laurent mais rien ne permet de mouiller sa coauteure, Catherine Graciet. Les policiers veulent en avoir le cœur net. Quelques jours plus tard, un ultime rendez-vous est fixé dans un hôtel parisien en compagnie des deux journalistes.
Ce jour-là, selon une source proche du dossier, il y a bien une «remise et acceptation d’une somme d’argent». Le tandem aurait accepté de se partager deux millions d’euros avec une avance reçue de 80 000 euros. «Les deux journalistes ont en outre signé un contrat dans lequel ils s’engagent à ne pas publier leur livre», précise Me Eric Dupond-Moretti, avocat du Maroc, qui dénonce un «racket digne de voyous».
Aussitôt interpellés à leur sortie de l’hôtel, les deux journalistes ont été placés en garde à vue dans les locaux de la BRDP. Sur leurs motivations, Me Dupond-Moretti reste des plus énigmatiques : «D’après les éléments dont nous disposons, nous pouvons penser que les deux auteurs ont été instrumentalisés par un groupe, un mouvement terroriste, pour déstabiliser le régime», explique-t-il, évoquant des «implications géopolitiques immenses».«On est dans l’ordre du fantasme le plus absolu», a réagi de son côté Me Eric Moutet, avocat de Catherine Graciet, expliquant que sa cliente avait le «sentiment d’un vrai coup monté».
Qui sont les journalistes suspectés ?
Titulaire d’une maîtrise de droit, Eric Laurent, 68 ans, est un auteur prolifique. Depuis 1984, il a publié une vingtaine d’ouvrages, sans compter des thrillers signés Philip Kramer. Ses livres sont le plus souvent présentés comme des enquêtes révélant les «secrets» et «mensonges» qui sous-tendent une actualité, en général géopolitique. Dans cette veine, il a écrit Guerre du Golfe, le dossier secret (Orban, 1991) avec Pierre Salinger, Le grand mensonge, le dossier noir de la vache folle (Plon, 2001) ou Guerre au Kosovo, le dossier secret (Plon, 1999). Celui qui fut directeur de collection chez Plon se fera surtout connaître après les attentats du 11 septembre 2001, grâce à deux livres consacrés à la famille Bush, et à un troisième, centré sur les attaques elles-mêmes : la Face cachée du 11-Septembre (Plon, 2004). Un titre largement repris par les complotistes qui refusent la thèse d’un attentat planifié et exécuté par Al Qaeda.
Eric Laurent ne va pas aussi loin. Mais lors de passages à la télé, il laisse planer le doute, affirmant par exemple que des agents israéliens auraient applaudi alors qu’ils assistaient à New York à l’effondrement des tours, sans affirmer pour autant que le Mossad savait que des attaques auraient lieu. «Il n’est pas dans un délire à la Thierry Meyssan. Il est plus habile, il reste à la lisière du complotisme. Mais au final, il ne fait rien d’autre que malaxer des informations connues avec des clichés et des lieux communs pour tenter de démontrer ses thèses», explique un ancien membre des services de renseignements, spécialiste du jihadisme.
Chroniqueur sur France Culture, Eric Laurent pratique aussi à l’occasion les hagiographies de puissants. Il a ainsi publié en 1999 les Chemins de ma vie (Plon), un recueil d’entretiens avec celui qui était alors président de Côte-d’Ivoire, Henry Konan Bédié. Il a aussi publié deux titres consacrés à Hassan II lorsqu’il était roi du Maroc : la Mémoire d’un roi (Plon, 1993) et le Génie de la modération. Réflexions sur les vérités de l’islam (Plon, 2000).
D’après un bon connaisseur des arcanes du pouvoir marocain, Eric Laurent aurait tenté de convaincre Mohammed VI, fils et successeur d’Hassan II, de se livrer au même exercice. Mais le monarque aurait fait traîner avant de refuser. En 2012, Eric Laurent publie finalement avec Catherine Graciet le Roi prédateur. Main basse sur le Maroc (Le Seuil). Mohammed VI y est dépeint en prédateur économique, aspirant la fortune du royaume au profit d’une petite oligarchie. Jugé par le ministère marocain de la Communication «diffamatoire et sans preuves», l’ouvrage a été interdit au Maroc.
Journaliste moins controversée, Catherine Graciet a travaillé entre 2004 et 2007 pour le Journal hebdomadaire, une revue marocaine indépendante critique à l’égard du pouvoir, avant d’intégrer l’équipe de Bakchich, un site d’enquête français. Elle a publié en parallèle deux livres sur le Maghreb avec Nicolas Beau, un ancien du Canard enchaîné. En 2013, elle sort, sous son seul nom, Sarkozy-Kadhafi. Histoire secrète d’une trahison (Le Seuil). L’ouvrage accrédite la thèse d’un financement de Sarkozy par l’ancien régime libyen, sans toutefois apporter de preuve.
Comment cette affaire est-elle perçue au Maroc ?
A Rabat, les autorités du royaume n’ont pas réagi officiellement à l’arrestation des deux journalistes français, laissant le soin à Eric Dupond- Moretti de commenter l’affaire. Plusieurs médias marocains ont en revanche relayé l’information. Au quotidien généraliste la Vie éco, c’est l’indignation : «Eric Laurent se présentait comme écrivain et grand reporter. On lui découvre aujourd’hui un autre titre : grand maître chanteur», écrit le journal avant de conclure, mystérieux : «Il existe des mercenaires de la plume auxquels font probablement appel les milieux français hostiles à ce Maroc qui les dérange par ses positions toujours transparentes et légalistes. Maintenant que ces milieux sont démasqués, on comprend mieux comment s’organisent épisodiquement ces campagnes médiatiques acharnées contre le Maroc, ses institutions et son roi.» Ambiance.
L’histoire des enquêtes journalistiques françaises sur le royaume marocain est mouvementée, depuis qu’en 1990, l’écrivain Gilles Perrault a publié chez Gallimard Notre ami le roi, qui documente la répression et l’autoritarisme du régime d’Hassan II. Le livre est encore aujourd’hui interdit au Maroc. Gilles Perrault se souvient que le royaume avait monté en France une opération secrète pour empêcher sa parution : «Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Basri, est allé voir Pierre Joxe [son homologue français à l’époque, ndlr] et lui a dit : « Nous sommes informés qu’un livre doit paraître chez Gallimard, de Gilles Perrault, il va beaucoup nuire aux relations franco-marocaines. Il ne faut pas qu’il paraisse, nous sommes prêts bien entendu à dédommager les éditeurs et l’auteur »», raconte l’écrivain.
Plus récemment, en septembre 2014, l’éditeur parisien Nouveau Monde publie le livre-enquête d’un journaliste marocain, Mohammed VI, derrière les masques, qui décrit la monarchie et les élites gravitant autour comme les acteurs d’un régime autoritaire. L’ouvrage est interdit à la vente au Maroc. Son auteur, Omar Brouksy, ancien correspondant de l’AFP, a connu Catherine Graciet, avec qui il travaillait au Journal hebdomadaire.«Ça ne lui ressemble pas, s’étonne-t-il. C’est une journaliste sérieuse et rigoureuse, pas une débutante. Si les faits qui lui sont reprochés sont avérés, ça serait très décevant, et déplorable pour la profession.»
J’ai aussi celle-ci, qui est venue presque quotidiennement avec Firefox jusqu’au 27 août 2015 à 17h25, puis s’est bizarrement abstenue de toute consultation durant plus de 48 heures, jusqu’au 30 août 2015 à 0h07, et a alors dévoré tous mes articles de ces derniers jours :
Je livrerais bien mon témoignage, mais bon… moi aussi j’ai quelques frais, voyez-vous… les frais d’avocat que Momo me laisse supporter seule contre ses terroristes Josette Brenterch, Pascal Edouard Cyprien Luraghi, Jean-Marc Donnadieu et autres, par exemple… alors, je me tâte…
Maroc : le journaliste Éric Laurent concède un « accord financier »
Le journaliste réfute tout chantage ou extorsion de fonds, dénonçant au contraire un « traquenard » et une « manipulation » de la part de Rabat.
Source AFP
Publié le 29/08/2015 à 18:34 – Modifié le 29/08/2015 à 18:44 | Le Point.fr
Le journaliste Éric Laurent a concédé avoir cherché un « accord financier » avec le Maroc autour de son livre, mais a réfuté tout chantage ou extorsion de fonds, dénonçant au contraire un « traquenard » et une « manipulation » de Rabat, selon une déclaration samedi à l’AFP. « Éric Laurent reconnaît et assume, pour des raisons qui tiennent à un contexte personnel difficile, avoir consenti à rechercher un accord financier dans des conditions totalement étrangères à un chantage ou une extorsion de fonds », a déclaré son avocat, Me William Bourdon. « Rien dans le dossier n’établit [...] que l’un ou l’autre des journalistes aurait initié une discussion de nature financière et pas plus n’aurait exigé un paiement en contrepartie de la renonciation à publier le livre », a ajouté le défenseur d’Éric Laurent.
« Une opération de désinformation ahurissante »
Ce dernier a été mis en examen, dans la nuit de vendredi à samedi, comme sa consoeur Catherine Graciet, pour chantage et extorsion de fonds. Tous deux sont soupçonnés d’avoir exigé trois, puis deux millions d’euros du Maroc en échange de l’abandon de leur projet de livre et d’informations compromettantes sur la royauté. William Bourdon dénonce « l’opération de désinformation ahurissante menée depuis 48 heures par l’avocat de Rabat », une « tentative de manipulation de l’opinion publique [qui] n’est que le prolongement d’une première manipulation, soit le traquenard ourdi par Me Naciri, émissaire du roi, pour piéger les journalistes ».
« Ce dossier apparaît aujourd’hui comme une opération politique de Rabat pour mettre en scène de façon opportuniste sa victimisation dans des conditions de complaisance qui ne laissent pas à poser question », a ajouté l’avocat, pour qui « le zèle des agents français apparaît hors hors norme, illustré par la désignation de trois juges d’instruction, d’évidence hors de proportion avec les faits ». « On a voulu aussi diaboliser, discréditer les seuls journalistes qui aujourd’hui dénoncent les dérives de la monarchie chérifienne et dont l’enquête est de nature à révéler de lourds secrets », poursuit-il. « Un non-lieu sera demandé en temps et en heure et rapidement des actes de nature à établir les conditions dans lesquelles a été conçu, élaboré, et avec quels appuis ce coup monté », a conclu l’avocat.
Qui sont les deux Français accusés de faire chanter le roi du Maroc?
Par LEXPRESS.fr , publié le 28/08/2015 à 16:09 , mis à jour le 29/08/2015 à 07:12
Les journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet sont accusés d’avoir fait chanter Mohammed VI en proposant de ne pas publier leur livre contre de l’argent. Ils ont été présentés à un juge d’instruction vendredi soir pour une éventuelle mise en examen.
La nature des suspects comme celle de la victime présumée surprend: d’un côté, deux journalistes français, de l’autre, le souverain d’un pays en personne. Cet étrange attelage est pourtant celui du scandale présumé de chantage révélé jeudi par RTL. Eric Laurent et Catherine Graciet sont soupçonnés d’avoir demandé à Mohammed VI trois millions d’euros en échange de la non-publication d’un livre à charge. Ils sont arrivés vendredi soir au palais de justice de Paris pour être présentés au juge d’instruction, en vue de leur éventuelle mise en examen. L’avocat de Catherine Graciet affirme que les journalistes ont été « piégés » par des « enregistrements sauvages ».
A 68 ans, Eric Laurent a longtemps été grand reporter à France Culture où il s’occupait des questions de géopolitique. Selon la biographie publiée sur son blog, il a couvert un certain nombre de conflits à l’étranger parmi lesquels la guerre israélo-arabe de 1973 ou l’occupation soviétique de l’Afghanistan en 1979. Tout au long de sa carrière, il a publié plusieurs ouvrages d’enquête, sur le 11 septembre ou le pétrole par exemple.
L’écrivain a surtout beaucoup écrit sur le Maroc: un entretien avec le roi Hassan II, père de l’actuel souverain, en 1993 et un livre déjà à charge contre Mohammed VI, Le Roi prédateur, en 2012. Ecrit avec la même Catherine Graciet mise en cause aujourd’hui, le brûlot dénonce l’enrichissement du roi au détriment de son peuple. « Mohammed VI, lui, n’a aucun intérêt pour la chose publique et pas la moindre fibre politique. Seules comptent les affaires », critiquait Eric Laurent dans les colonnes de L’Express.
Ce livre lui a valu l’inimitié des autorités marocaines, qui ont interdit la diffusion du journal espagnol El Pais qui en a publié les bonnes feuilles. Dans une critique, Le Monde résumait l’oeuvre ainsi: « Certes, le réquisitoire de ce livre est brut, les témoignages souvent anonymes, et les faits parfois approximatifs faute d’accès direct aux sources. Mais l’ampleur de la prédation économique ainsi décrite [...] ne peut que choquer ».
Eric Laurent est également le père de Samuel Laurent, « consultant international » autoproclamé. Ce dernier, qui a écrit plusieurs ouvrages sur le djihad et le terrorisme, a été vertement critiqué par Libération, qui lui reproche ses approximations et ses analyses erronées.
Catherine Graciet
La journaliste est décrite comme une spécialiste du Maghreb. Selon le Huffington Post, elle travaille en tant qu’indépendante mais a notamment collaboré au Journal Hebdomadaire du Maroc. Outre le livre écrit avec Eric Laurent sur le Royaume, elle s’est intéressée à la Libye et à la Tunisie. Elle a notamment écrit sur le clan des Ben Ali, qu’elle accusait de « dérive mafieuse » auprès de 20 Minutes.
Son co-auteur, Nicolas Beau, s’est d’ailleurs étonné auprès de l’AFP des accusations portées à son encontre. « Je suis sous le choc [...] Je savais que Catherine avait ce projet. Si les faits sont avérés c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit. »
Selon l’avocat de la monarchie marocaine, le journaliste et écrivain menaçait Mohammed VI de publier un livre compromettant s’il ne recevait pas 3 millions d’euros.
Eric Laurent à Paris, en octobre 2007. (POUZET/SIPA)
« Racket digne de voyous », « d’une audace folle » : l’avocat français du Maroc, Eric Dupont-Moretti, n’avait pas de mots assez durs dans les médias quelques heures après l’arrestation d’Eric Laurent et Catherine Graciet. Accusés d’avoir réclamé 3 millions d’euros à la monarchie marocaine en échange de la non-publication d’une enquête à charge, le duo de journalistes est tombé dans les bras de la police à la sortie d’un hôtel parisien jeudi 27 août, après avoir chacun accepté une enveloppe de 40.000 euros. Ils sont toujours en garde à vue ce vendredi.« Tout cela sent le coup monté », a réagi de son côté l’avocat de Catherine Graciet, Me Eric Moutet, joint par « Le Monde ». On attend encore la version des suspects.
Un long passif avec le Maroc
Eric Laurent, 68 ans, est loin d’être un inconnu au Maroc. Sous l’étiquette du « Figaro », il était venu dès 1993 interviewer le roi Hassan II, publiant un livre d’entretiens intitulé « Mémoire d’un roi », « le seul ouvrage du genre sur l’ancien souverain », rappelle « Jeune Afrique », « réalisé en bonne entente avec le palais ». Il reste aujourd’hui l’un des rares grands reporters à avoir pu approcher d’aussi près la cour royale marocaine.
En 2012, les deux journalistes sortent un livre sur son successeur Mohammed VI, au ton bien différent : « Le Roi prédateur » (Le Seuil) est une attaque en règle du système « M6″, son obsession pour le « business », sa vision clientéliste de l’économie, sa cupidité. En plein « printemps arabe », l’ouvrage, partagé « sous le manteau » des réseaux sociaux, fait l’effet d’une bombe, et est censuré – de même qu’est interdit le quotidien « El Pais » qui en publiait les « bonnes feuilles ».
Ce vendredi, la presse marocaine se réjouissait presque unanimement de l’arrestation des deux journalistes. Pour Samir Chaouki, directeur de publication des « Eco », cité par « Aujourd’hui Le Maroc », l’affaire « met à nu certains plumitifs occidentaux qui essaient de s’enrichir indûment sur le dos de certains pays comme le Maroc qu’ils croient être une république bananière ».
Idole des complotistes…
Tout au long de ses différentes vies, Eric Laurent a toujours été fasciné par les « trous noirs » de la géopolitique. Ce diplômé de Berkeley en Californie (droit et sciences de la communication), selon sa biographie personnelle, a constamment malmené la « version officielle » des événements : il couvrira pour Radio France la guerre du Kippour en 1973, la guerre d’Afghanistan en 1979 et celle du Liban en 1982, et connaît ses premiers grands succès avec des ouvrages sur la Guerre du Golfe et le Kosovo.
J’ai découvert à l’occasion du premier choc pétrolier de 1973 que le monde n’aime pas affronter la réalité », écrit-il dans « La face cachée du pétrole », en 2006.
Il confesse sa fascination pour les faces sombres de l’humanité, qu’il révèle dans ses enquêtes : « L’univers du pétrole est exactement de la même couleur que le liquide tant convoité : noir, exacerbant les penchants les plus sombres de la nature humaine. Il suscite les convoitises, attise les passions, provoque trahisons et affrontements meurtriers, conduit aux manipulations les plus éhontées. » (ibid.)
Deux ans auparavant, avec « La face cachée du 11 septembre« , Eric Laurent avait accédé à une célébrité nationale en devenant le porte-étendard des théoriciens du complot : les opérations suicides contre le World Trade Center et le Pentagone auraient-elles été planifiées aux Etats-Unis et en Arabie Saoudite, avec la complicité de la famille royale ? Qu’est-il arrivé aux homonymes saoudiens des kamikazes qui s’entraînaient sur des bases américaines ? Pourquoi trois princes saoudiens sont-ils morts accidentellement à quelques jours d’intervalle en 2002 ?
Bien aidé par Thierry Ardisson, qui l’invitera à quatre reprises dans son émission « Tout le monde en parle », Eric Laurent signe un des best-sellers de l’année 2004 en France… Et un livre de chevet de la « conspirosphère » qui est alors en pleine éclosion sur Internet.
… et auteur de thrillers
Quand les complots réels ne lui suffisent plus, il lui arrive aussi d’en imaginer. En 2013, il publie un livre étrange entre fiction et réalité, « La Conspiration Wao Yen », thriller décrivant un pacte entre la Chine et le Moyen-Orient censé provoquer l’effondrement de l’Occident sur fond d’impérialisme énergétique.
Sous le pseudonyme de Philip Kramer, Eric Laurent s’est adonné pendant de nombreuses années à son autre violon d’Ingres, l’écriture de romans d’espionnage apocalyptiques dans lesquels son héros fétiche, Seth Colton, déjoue les plus terrifiantes machinations, avec explosions de sous-marins nucléaires, sectes insondables et Armaggedons en pagaille.
Voici la façon dont « Le Fleuve des abysses », paru en 2003, était relaté dans « Le Nouvel Observateur » :
« La canicule meurtrière du mois d’août, à qui la faute ? A des écologistes fous qui traficotent le fond des océans pour détériorer le climat et débarrasser la terre de son surplus de population. Heureusement que veille Seth Colton, le preux chevalier en lutte contre les terrorismes. Est-ce raisonnable pour Eric Laurent, journaliste et enquêteur politique fort respecté, de faire ainsi joujou, sans trop y croire, avec de telles james-bonderies ? Du moins il nous instruit et nous amuse. C’est déjà très bien. » (Le Nouvel Observateur, 23 octobre 2013)
Ce goût pour le catastrophisme s’était aussi révélé dans une vaste enquête journalistique sur le syndrome de Kreutzfeld-Jacob (« Le Grand mensonge : le dossier noir de la vache folle »), où il reprend notamment les sombres projections de »250.000 morts au cours des prochaines années ».
Le flou entre les différents genres – récit, enquête, essai, document – se retrouve de façon encore plus controversée chez son fils, le « consultant international » Samuel Laurent, spécialiste des réseaux djihadistes, dont le travail avait été brocardé dans les grandes largeurs par un article de « Libération » en décembre dernier. Détail accablant : l’éditeur admettait que le fait d’avoir publié son père deux ans plus tôt »avait joué » dans la publication du brûlot »Al-Qaida en France ».
Que contient le livre à paraître ?
Catherine Graciet, également placée en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne, est moins connue sur la scène de l’investigation. Désormais « freelance », cette pure spécialiste du Maghreb a travaillé au Maroc de 2004 à 2007 pour un titre indépendant, « Le Journal hebdomadaire », et a publié quatre ouvrages depuis 2006.
Critique du régime marocain comme de la présidence Ben Ali (« La Régente de Carthage – Main basse sur la Tunisie », 2009), elle est également l’auteur du livre « Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une liaison » (2013), dans lequel un ancien responsable politique libyen donne du crédit aux accusations de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par le régime Kadhafi. Les Editions du Seuil ont par ailleurs confirmé qu’elle préparait avec Eric Laurent un nouveau livre sur Mohammed VI, « pour une sortie en janvier-février ».
« Je suis sous le choc. [...] Je savais que Catherine avait ce projet (de livre). Si les faits sont avérés, c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit », a réagi auprès de l’AFP le journaliste Nicolas Beau, ancien du « Canard enchaîné » qui a cosigné deux livres avec elle. « A l’époque » du livre « La régente de Carthage », confie-t-il à « Arrêt sur images », « on avait reçu une proposition pour ne pas le publier. On en avait rigolé. »
Restent deux questions. Primo, comment expliquer une telle naïveté de deux journalistes si au fait des rouages de la monarchie marocaine ? Secundo, le livre à paraître sera-t-il publié un jour, et que contient-il ? D’après Eric Dupont-Moretti, « il n’y a rien à dire » sur l’ouvrage. Il ne comporterait aucune révélation fracassante. Connaissant ses deux auteurs, ce serait bien la première fois.
Selon Eric Dupont-Moretti, l’un des avocats du Maroc, l’un des journalistes avait contacté le palais royal le 23 juillet dernier pour annoncer la rédaction d’un livre et demander « des choses importantes ». Lors d’une rencontre avec un représentant du roi, il aurait demandé trois millions d’euros pour ne pas publier son ouvrage et le souverain chérifien a déposé plainte auprès du procureur de la République de Paris.
Lors d’une nouvelle réunion organisée jeudi à Paris sous le contrôle de la police et du parquet français pour piéger le journaliste et son co-auteur, ces derniers ont accepté de l’argent et signé un contrat, a ajouté l’avocat du roi du Maroc. »Le contrat, c’est en réalité la signature de leur culpabilité et la signature de ce chantage », a-t-il dit.
Le roi du Maroc, Mohammed VI, a été victime d’une tentative de chantage et d’extorsion de fonds. Le journaliste-écrivain Éric Laurent et sa co-auteure Catherine Graciet, qui disaient être sur le point de publier une enquête à charge sur la famille royale du Maroc, ont été interpellés, jeudi 27 août. Une affaire qualifiée d’ »exceptionnellement grave » par Éric Dupond-Moretti, qui défend le roi du Maroc.
Au micro de RTL, l’avocat français a dénoncé les agissements de l’homme de 68 ans, déjà auteur de livres sur le Maroc. « On sait qu’il n’y a aucune révélation fracassante. Il n’y a absolument rien à dire. Ce monsieur a précédemment écrit un ouvrage dans lequel il louait le régime de Hassan II. Il a été à la fois laudateur et il est aujourd’hui racketteur. Tout ça est extrêmement glauque« , a déclaré Éric Dupond-Moretti.
La question du « terrorisme » évoquée par l’avocat
« C’est la première fois à ma connaissance qu’un personnage qui se veut journaliste exerce directement un chantage sur un chef d’État en exercice. C’est du jamais vu, c’est d’une audace folle« , s’étonne-t-il.
Les motivations des deux journalistes ne sont pas encore connues, mais elles intriguent particulièrement Éric Dupond-Moretti. « On se demande d’ailleurs quels sont les mobiles. Est-ce que c’est la vénalité ? Ou est-ce que cet homme et cette femme n’ont pas été instrumentalisés par un groupe ? Et en particulier, on se pose la question du terrorisme. Je le dis très sérieusement », prévient-il.
De plus, il y a quelques mois encore, les relations diplomatiques entre la France et le Maroc n’étaient pas au beau fixe. « Les conséquences géopolitiques de ce type d’agissement sont considérables« , estime l’avocat qui assure être dans une « démarche exclusivement judiciaire » et ne sait pas si « le parquet de Paris a informé le garde des Sceaux, qui aurait informé les autorités politiques ». En revanche, à la question de savoir si le roi du Maroc est au courant de ces arrestations, il répond : « Je le pense ».
Qui sont les journalistes accusés d’avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc ?
ÉCLAIRAGE – Éric Laurent et Catherine Graciet sont soupçonnés d’avoir fait chanter Mohammed VI en réclamant trois millions d’euros afin de ne pas publier un livre.
Ainsi Éric Laurent et Catherine Graciet ont déjà écrit un livre accusateur contre Mohammed VI en 2012, Le roi prédateur. L’affaire a duré plusieurs mois. Le 23 juillet à Paris, Éric Laurent contacte le cabinet du roi du Maroc et leur annonce qu’il va publier un livre à charge. C’est alors qu’il sollicite un rendez-vous qui aura lieu le 11 août.
Au cours de ce face-à-face avec un avocat marocain, le journaliste aurait réclamé trois millions d’euros au représentant du Roi pour annuler la publication du livre. C’est ce que soutient le Maroc. Une plainte est alors immédiatement déposée auprès du procureur de Paris.
Plusieurs enquêtes publiées
Âgé de 68 ans, Éric Laurent a écrit de nombreux livres d’enquête comme La Face cachée du pétrole, sorti en 2006, Bush l’Iran et la bombe en 2007. Son dernier livre Aux banques les milliards, à nous la crise, était prévu pour le 9 septembre prochain.
Catherine Graciet est une journaliste spécialiste du Maghreb. Elle a travaillé au Maroc pour le Journal Hebdomadaire. Elle est aussi l’auteure de plusieurs livres dont Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison sorti en 2003. Le journaliste Nicolas Beau a confié à l’AFP être « sous le choc » : « Je savais que Catherine avait ce projet de livre. Si les faits sont avérés c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit ».
Les journalistes se disent victimes d’un piège
Les deux journalistes ne reconnaissent pas la tentative d’extorsion de fonds. Interrogés séparément, ils estiment qu’ils sont tombés dans un piège et qu’ils sont victimes d’une machination montée par le Maroc. L’avocat de la journaliste, Maître Moutet, parle de « coup monté ». Reste que l’enquête ouverte mi-août par le parquet de Paris après la plainte du Maroc, apparaît accablante : surveillances policières, photographies, enregistrements… jusqu’à ce rendez-vous dans un restaurant parisien.
Éric Laurent aurait accepté une enveloppe de 80.000 euros, acompte des deux millions qu’il devait finalement se partager avec sa consœur en échange d’une non publication. La preuve du chantage pour Maître Dupont Moretti, avocat du Maroc. L’ambassadeur du Maroc en France dénonce des pratiques « odieuses, abjectes et criminelles ».
Chantage contre le roi du Maroc : c’est »très dommage pour la France »
Gilles Perrault, auteur d’un livre critique sur Hassan II, redoute que cette « affaire navrante » déconsidère à l’avance toute critique sur le régime marocain.
Source AFP
Publié le 28/08/2015 à 12:12 – Modifié le 28/08/2015 à 12:20 | Le Point.fr
L’interpellation jeudi à Paris de deux journalistes soupçonnés d’avoir fait chanter le royaume du Maroc est « une affaire navrante », a estimé vendredi l’écrivain Gilles Perrault, auteur d’un livre très critique envers l’ancien roi du Maroc Hassan II. « C’est une triste histoire qui risque de déconsidérer le travail de ceux qui essaient de donner une image objective du Maroc », a-t-il déclaré à l’Agence France-Presse (AFP). « Cela risque de déconsidérer à l’avance toute critique » a-t-il ajouté, estimant également que c’était « très dommage pour la France ».
Gilles Perrault est l’auteur du retentissant Notre ami le roi publié en 1990 et qui faisait un bilan accablant de 30 ans du règne d’Hassan II. L’ouvrage s’interrogeait aussi sur la complaisance de certaines élites françaises à son égard. Perrault avait également préfacé l’an dernier un ouvrage très critique à l’égard du roi actuel du Maroc, fils d’Hassan II, écrit par l’ancien journaliste marocain de l’AFP Omar Brouksy. Intitulé « Mohammed VI derrière les masques », il était sous-titré « le fils de notre ami » en référence au livre de Gilles Perrault.
Chantage contre le roi du Maroc : ce que l’on sait de l’affaire
Alors que les deux journalistes soupçonnés d’avoir fait chanter le roi du Maroc sont toujours en garde à vue, de nombreuses questions restent en suspens.
Source AFP
Publié le 28/08/2015 à 13:55 | Le Point.fr
Deux journalistes français ont-ils tenté de faire chanter le royaume du Maroc avec des informations supposées gênantes ? Eric Laurent et Catherine Graciet, accusés d’avoir empoché de l’argent extorqué, étaient toujours en garde à vue vendredi à Paris. Cette garde à vue, qui a commencé jeudi après-midi, peut théoriquement durer jusqu’à quarante-huit heures et se terminer samedi avec l’éventuelle présentation des deux journalistes aux juges d’instruction en vue de leur mise en examen. Le parquet, qui s’était déjà saisi en enquête préliminaire, a ouvert mercredi une information judiciaire pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage.
Selon le récit de l’avocat du Maroc, Me Éric Dupond-Moretti, l’affaire, singulière et rocambolesque, a commencé le 23 juillet, quand Éric Laurent contacte le cabinet royal et sollicite une rencontre en disant qu’il prépare un livre. Le journaliste n’est pas un inconnu au Maroc. Il avait déjà publié en 1993 un livre d’entretiens avec l’ancien monarque Hassan II, père de l’actuel roi Mohammed VI. Début 2012, il publiait aussi, avec Catherine Graciet cette fois, un livre accusateur contre Mohammed VI, Le Roi prédateur (éditions du Seuil). Signe de l’ire de Rabat, l’édition du journal espagnol El País avait été interdite sur le territoire marocain le jour où le quotidien avait publié les bonnes feuilles du livre.
Après l’appel d’Eric Laurent, un représentant du cabinet du roi, un avocat marocain, a rencontré le journaliste. « Et là, surprise, énorme, raconte Me Dupond-Moretti, Eric Laurent dit : Écoutez, je prépare un livre avec Mme Graciet, co-auteur, et, moyennant trois millions d’euros, il n’y a pas de polémique, on retire notre bouquin. »
Nombreuses questions
Le Maroc a déposé une plainte à Paris, conduisant le parquet à ouvrir une enquête. Dans ce cadre, des réunions vont être organisées, « des rencontres filmées, enregistrées, entre le représentant du roi » et les journalistes, poursuit Me Dupond-Moretti. Selon l’avocat, les deux journalistes sont sortis du dernier rendez-vous parisien, jeudi, toujours sous surveillance policière, avec « un acompte substantiel de 40 000 euros chacun ». Une source proche du dossier a confirmé jeudi à l’AFP qu’il y avait eu « remise et acceptation d’une somme d’argent ». Peu après, ils ont été arrêtés et placés en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).
À ce stade, de nombreuses questions se posent, notamment sur les motivations des deux journalistes, qui ont publié plusieurs autres ouvrages (Bush, l’Iran et la Bombe, La Face cachée du pétrole, La Face cachée du 11 Septembre pour Éric Laurent, La Régente de Carthage : main basse de la Tunisie, Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison pour Catherine Graciet). Jeudi, les éditions du Seuil ont confirmé à l’AFP qu’ils préparaient un livre sur le roi du Maroc, « pour une sortie en janvier-février ».
« Folie douce »
« C’est de la folie douce d’imaginer que leur chantage aurait pu marcher », s’étonne une source proche du dossier. « Si les faits sont avérés, c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit », a réagi le journaliste Nicolas Beau, co-auteur de La Régente de Carthage. Si l’avocat du Maroc a livré de nombreux détails sur l’affaire, la version des journalistes n’a à ce stade pas filtré.
L’affaire intervient dans un contexte particulier entre Paris et Rabat, qui se sont réconciliés au niveau diplomatique après une brouille, début 2014, lors de l’annonce de plaintes à Paris pour tortures contre le patron du contre-espionnage marocain Abdellatif Hammouchi. En février 2014, des policiers lui avaient notifié directement à l’ambassade du Maroc à Paris, où il se trouvait, une convocation d’un juge d’instruction, suscitant la colère de Rabat. Les deux pays s’étaient réconciliés à la faveur d’un nouvel accord judiciaire début 2015 entre les deux gouvernements, qui a été dénoncé par des organisations de défense des droits de l’homme.
ENQUETE Eric Laurent et Catherine Graciet ont été interpellés et placés en garde à vue jeudi, accusés d’avoir accepté de l’argent extorqué…
Chantage contre le roi du Maroc: Qui sont les deux journalistes français interpellés?
N.Bg.
Publié le 28.08.2015 à 14:53
Mis à jour le 28.08.2015 à 16:26
Ils sont toujours en garde à vue ce vendredi. Jeudi, les journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet ont été interpellés à Paris, accusés d’avoir voulu extorquer deux millions d’euros au Royaume du Maroc pour ne pas publier un livre à charge contre Mohammed VI. Au lendemain de cette retentissante interpellation, 20 Minutes dresse leur portrait.
Quel est leur parcours ?
Les deux journalistes connaissent bien le Maroc, via deux parcours très différents. En 1993, le spécialiste de la politique étrangère Eric Laurent s’entretient avec le roi du Maroc Hassan II pour écrire Mémoires d’un roi, et garde « un contact privilégié avec le monarque jusqu’à sa mort, en 1999, indique Catherine Graciet dans une interview en 2012. Il a donc connu le palais royal et la Cour de l’intérieur. » Dans cet entretien lisible sur Feedbooks.com, la journaliste présente sa propre expérience d’enquêtrice au Maroc pour le Journal hebdomadaire, revue suspendue en 2009 à la suite de pressions du pouvoir. Après avoir écrit avec le journaliste Nicolas Beau Quand le Maroc sera islamiste en 2006, elle publie au Seuil en 2012 Le roi prédateur, consacré à Mohammed VI et sa fortune, coécrit avec… Eric Laurent.
Ce premier livre était-il déjà à charge contre Mohamed VI ?
A L’Express, Eric Laurent confiait en 2012: « A l’origine, notre propos n’était pas du tout d’écrire un livre sur la fortune du roi », mais plutôt de « faire une sorte d’état des lieux de la monarchie marocaine à l’heure des printemps arabes ». A la sortie du livre, la critique du Monde estimait que « le réquisitoire de ce livre est brut, les témoignages souvent anonymes, et les faits parfois approximatifs faute d’accès aux sources. » L’ouvrage jetait la lumière sur la façon dont le monarque marocain se serait considérablement enrichi sur le dos de ses sujets au fil des ans. Signe de l’ire de Rabat, l’édition du journal espagnol El País avait été interdite sur le territoire marocain le jour où le quotidien avait publié les bonnes feuilles du livre. Selon le Monde diplomatique, il avait connu un « engouement » chez les Marocains, qui avaient pu le lire en ligne.
Quel pourrait être le mobile ?
Si les faits sont avérés, l’appât du gain paraît être un mobile évident. Selon l’avocat du royaume Eric Dupond-Moretti, les coaccusés auraient demandé trois, puis deux millions d’euros en échange de la non-publication de leurs informations sensibles. Ce serait d’ailleurs avec 80.000 euros en poche qu’ils auraient été interpellés jeudi. Une autre version est avancée par l’avocat de la partie plaignante : « D’après les éléments dont nous disposons, nous pouvons penser que les deux auteurs ont été instrumentalisés par un groupe, un mouvement terroriste, pour déstabiliser le régime, peut-on lire sur Lefigaro.fr. Mais c’est à l’instruction de déterminer le mobile. »
Que dit leur défense ?
Joint par Le Monde, l’avocat de Catherine Graciet ne croit pas du tout à la thèse terroriste esquissée par son confrère : « Parler de connexion avec un groupe terroriste, c’est du fantasme et c’est très grave », réagit Eric Moutet, qui estime que « tout cela sent le coup monté ». Selon RTL, les coaccusés estiment qu’ils sont tombés dans un piège. Le journaliste Nicolas Beau, qui avait travaillé en 2006 avec Catherine Graciet, se dit quant à lui « sous le choc ». « Je savais que Catherine avait ce projet [de livre], confie-t-il à l’AFP. Si les faits sont avérés c’est très surprenant de sa part. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit. » L’auteur Christian Combaz, qui indique sur son site « avoir travaillé avec le très courtois Eric Laurent chez Flammarion », juge lui que « ça sent le montage dès les premières étapes du récit », imaginant plutôt que « les services marocains ont eu vent de ce projet [de livre] et ont monté l’opération de rachat des pages compromettantes (…) tout en prévoyant de la dénoncer, la main sur le cœur, au moment opportun ».
Deux journalistes français accusés de faire chanter le roi du Maroc
Les deux journalistes Catherine Graciet et Éric Laurent qui ont déjà écrit un livre accusateur sur Mohammed VI sont en garde à vue à Paris depuis jeudi 27 août.
28/8/15 – 17 H 12
FADEL SENNA/AFP
Le roi du Maroc,Mohamed VI dans son bureau en juin 2015.
Les deux journalistes français, Catherine Graciet et Éric Laurent, auteurs de plusieurs livres d’enquêtes et très critiques sur le royaume du Maroc ont été interpellés jeudi 27 août à Paris. Ils sont depuis en garde à vue dans les locaux parisiens de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne. Ils sont soupçonnés d’avoir voulu faire chanter le roi du Maroc.
L’affaire a démarré en juillet
Selon l’un des avocats du royaume du Maroc, Me Éric Dupond-Moretti, l’affaire a démarré le 23 juillet 2015 lorsque Éric Laurent a contacté le cabinet royal marocain pour l’informer qu’il préparait un livre sur Mohammed VI avec sa consœur Catherine Graciet.
Tous deux ont déjà publié Le roi prédateur en 2012 aux éditions du Seuil dans lequel ils dénonçaient la colossale fortune de la famille royale que celle-ci a amassée en faisant main basse sur l’économie du Maroc.
Lors d’une première entrevue avec un avocat représentant le cabinet royal, Éric Laurent aurait réclamé trois millions d’euros pour ne pas publier le livre censé paraître début 2016 au Seuil. L’éditeur a confirmé la préparation de ce livre.
Ouverture d’une enquête pour tentative d’extorsion de fonds
Le parquet de Paris a alors ouvert une enquête préliminaire et saisi des juges d’instruction après que le Maroc a déposé une plainte. D’autres rendez-vous entre des émissaires du Maroc et les deux journalistes ont ensuite été organisés sous surveillance des enquêteurs.
C’est au cours de la dernière rencontre le jeudi 27 août que les journalistes auraient accepté de recevoir une première somme d’argent, d’un montant de 40 000 € chacun selon Me Dupond-Moretti qui a dénoncé un « racket digne de voyous ».
À l’issue de ce rendez-vous ils ont tous deux été interpellés dans le cadre d’une information judiciaire ouverte la veille pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage.
Des observateurs sidérés
L’avocat Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’homme, qui a souvent eu maille à partir avec le Maroc se déclare « stupéfait par cette histoire qui semble invraisemblable », mais « ne peut en dire plus faute d’informations ».
Le journaliste marocain Omar Brouksy, ancien de l’AFP et également auteur en 2014 d’un livre très critique sur le roi, Mohammed VI, derrière les masques (Éd. Nouveau Monde) et longtemps collègue de Catherine Graciet est lui aussi « abasourdi » et réclame « le respect de la présomption d’innocence ».
Pour Gilles Perrault, auteur en 1990 de Notre ami le roi qui dressait un bilan accablant du règne d’Hassan II, cette « triste histoire risque de déconsidérer à l’avance toute critique » sur le Maroc.
Des journalistes chevronnés
Cette affaire laisse perplexe. Les deux journalistes sont chevronnés et connaisseurs du Maroc.
Éric Laurent a ses entrées au palais de très longue date. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis cette prise de contact direct en juillet 2015. Avant de signer plusieurs livres d’enquêtes (La face cachée du pétrole, Bush l’Iran et la bombe, tous deux chez Plon), il avait en 1993, publié La mémoire d’un roi, un livre d’entretien avec l’ancien roi du Maroc, Hassan II, père de Mohammed VI.
Quant à Catherine Graciet, elle aussi auteure de plusieurs livres d’enquêtes (dont Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison, Seuil, 2013), elle a vécu plusieurs années au Maroc et elle a notamment collaboré au Journal hebdomadaire, un journal d’information indépendant qui a mis la clé sous la porte en 2010 en raison de son endettement et de son asphyxie financière par le régime d’après ses anciens dirigeants.
« El Pais » censuré pour avoir publié les bonnes feuilles de leur livre
« Je suis sous le choc (…) Je savais que Catherine avait ce projet (de livre). Si les faits sont avérés c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit », a réagi le journaliste Nicolas Beau, qui a écrit plusieurs livres avec sa consœur, dont La régente de Carthage : main basse sur la Tunisie (2009, La Découverte), sur Leïla Trabelsi, épouse de l’ancien président tunisien Ben Ali.
Lorsque Catherine Graciet et Éric Laurent avaient publié leur ouvrage accusateur sur Mohammed VI, celui-ci avait fortement irrité le royaume. Le quotidien espagnol El Pais, qui avait publié les bonnes feuilles du livre, avait alors été censuré au Maroc.
Un mobile peu clair
Me Dupont-Moretti sur les ondes de RTL, s’est interrogé sur le mobile. « Est-ce que c’est la vénalité ? Ou est-ce que cet homme et cette femme n’ont pas été instrumentalisés par un groupe ? Et en particulier, on se pose la question du terrorisme. Je le dis très sérieusement », prévient-il.
« Le Maroc est depuis longtemps passé maître en pratique de corruption et manipulation », estime un observateur. « L’entourage du palais a-t-il tendu un piège aux journalistes qui connaissent pourtant les arcanes du pouvoir marocain ? Ces derniers ont-ils voulu jouer au plus fin en voulant montrer comment le Maroc achetait les personnes d’influence ? », interroge-t-il.
La France et le Maroc sortent d’un an de brouille
En 2014, une mystérieuse source marocaine qui dévoilait sur les réseaux sociaux des documents classifiés marocains avait accusé quatre journalistes français chevronnés, de Libération, du Point, de l’Express et de LCI, d’avoir publié, moyennant finance, des articles sur le Sahara occidental favorables à la position marocaine.
Cela se passait sur fond de sévère brouille entre la France et le Maroc après qu’une plainte pour torture avait été déposée en France contre le chef du contre-espionnage marocain.
VIDÉO – Arrêtés à Paris, Eric Laurent et Catherine Graciet sont soupçonnés d’avoir tenté d’extorquer des fonds à Mohamed VI en échange de la non-publication d’un livre à charge. Ils pourraient avoir été instrumentalisés par un mouvement terroriste, indique Eric Dupont-Moretti, avocat du roi du Maroc.
Deux journalistes et écrivains français sont actuellement entendus par la police à Paris. Ils ont été arrêtés dans la capitale, suspectés d’avoir réclamé de l’argent à l’entourage du roi du Maroc en échange de leur silence. Ils envisageaient de publier un livre à charge contre le roi Mohamed VI. Une information judiciaire pour chantage et tentative d’extorsion de fonds a été ouverte.
«Tout a commencé le 23 juillet, jour où le journaliste Eric Laurent a contacté le cabinet royal et sollicité un entretien avec un représentant du palais car il avait des choses importantes à demander», indique Eric Dupont-Moretti, avocat du roi du Maroc. «Le palais a alors envoyé un représentant du Roi, un de mes confrères. Là, Eric Laurent a affirmé qu’il préparait un livre avec Catherine Graciet et qu’ils accepteraient de ne pas le sortir contre 3 millions d’euros», affirme l’avocat français.
Immédiatement, le Royaume du Maroc dépose une plainte auprès du procureur de la République à Paris et une réunion est organisée sous le contrôle de la police et du parquet, ajoute l’avocat. Les propos du journaliste, qui réitère son offre, sont enregistrés.
Une troisième réunion a eu lieu ce jeudi, une nouvelle fois sous surveillance policière. Cette fois les deux écrivains sont présents. «L’objectif de cette rencontre était de s’assurer de l’implication de Catherine Graciet et de prendre les journalistes en flagrant délit», explique Eric Dupont-Moretti. «Le représentant du palais joue alors le jeu et il s’accorde avec les deux auteurs sur une somme à leur remettre contre leur silence. Ils acceptent de se partager 2 millions d’euros avec une avance reçue ce jour de 80.000 euros», explique l’avocat. «Les deux journalistes ont en outre signé un contrat ce jour dans lequel ils s’engagent à ne pas publier leur livre en échange des 2 millions d’euros», ajoute l’avocat.
«D’après les enregistrements, Eric Laurent affirme que le livre est une vision à 360 degrés sur le Maroc…Mais je n’ai pas eu accès au livre. Mais ce n’est pas forcément la vénalité qui a conduit cet homme à faire cette proposition. D’après les éléments dont nous disposons, nous pouvons penser que les deux auteurs ont été instrumentalisés par un groupe, un mouvement terroriste, pour déstabiliser le régime. Mais c’est à l’instruction de déterminer le mobile», souligne l’avocat.
«Le roi prédateur, main basse sur le Maroc»
En 2012, Eric Laurent et Catherine Graciet avaient publié Le roi prédateur, main basse sur le Maroc, aux éditions du Seuil. Dans cet ouvrage, le souverain est qualifié de «premier banquier, premier assureur, premier agriculteur» de son pays. Les deux auteurs dressent alors le portrait d’un «roi Midas» , classé au 7e rang en 2009 des monarques les plus riches par le magazine américain Forbes. Depuis la publication de ce livre, Eric Laurent et Catherine Graciet ne sont pas en grâce auprès du royaume. Le quotidien espagnol El Pais avait même été interdit sur le territoire marocain, le jour où il avait diffusé les bonnes feuilles de cet essai.
Contactées par l’AFP, les éditions du Seuil ont confirmé que les deux journalistes préparaient un livre sur le roi du Maroc Mohammed VI, «pour une sortie en janvier-février». «Je suis sous le choc (…) Je savais que Catherine avait ce projet (de livre). Si les faits sont avérés, c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit», a réagi auprès de l’AFP le journaliste Nicolas Beau, qui a écrit plusieurs ouvrages avec sa consœur.
Les deux auteurs ont publié, chacun de leur côté, plusieurs livres «coup de poing». En 2013, Catherine Graciet a écrit «Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison» (Edition du Seuil), où un ancien responsable politique libyen donne du crédit aux accusations de financement de la campagne de l’ancien président de de droite Nicolas Sarkozy par le régime de Mouammar Kadhafi. Co-auteur de La régente de Carthage, aux éditions La Découverte en 2009, la journaliste indépendante spécialiste du Maghreb, a dénoncé l’emprise mafieuse de Leila Trabelsi, l’épouse de l’ex-président Ben Ali en Tunisie. La même année, Eric Laurent a publié La face cachée des banques. Scandales et révélations sur les milieux financiers, aux éditions Plon, où il est question de falsifications des comptes, de contournement des lois, de systèmes clandestins et d’enrichissement des dirigeants.
Chantage sur le Maroc : les deux journalistes présentés à un juge
Soupçonnés d’avoir voulu faire chanter les autorités marocaines, les deux journalistes français placés en garde à vue jeudi sont arrivés vendredi soir au palais de justice de Paris pour être présentés à un juge d’instruction en vue de leur éventuelle mise en examen.
28 Août 2015, 14h07 | MAJ : 28 Août 2015, 23h10
Un «deal financier» a bien eu lieu entre le Maroc et les deux journalistes français soupçonnés d’avoir fait chanter le royaume, qui ont été «piégés» par des «enregistrements sauvages», a déclaré à l’AFP Eric Moutet, l’avocat de la journaliste Catherine Graciet.
Catherine Graciet et Eric Laurent sont soupçonnés d’avoir voulu faire chanter le royaume du Maroc avec des informations supposées gênantes et d’avoir extorqué un acompte de 40 000 € chacun.
Leur garde à vue, qui a commencé jeudi après-midi s’est terminée vendredi soir. Les deux journalistes ont été conduits au palais de justice de Paris pour être présentés à un juge d’instruction en vue de leur éventuelle mise en examen. Le parquet avait ouvert mercredi une information judiciaire pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage.
40 000 € lors d’un rendez-vous jeudi
Si l’avocat du Maroc a livré de nombreux détails sur cette affaire singulière et rocambolesque, la version des journalistes incriminés n’a pas filtré. Selon le récit de l’avocat du Maroc, Me Eric Dupond-Moretti, l’affaire a commencé le 23 juillet, quand Eric Laurent contacte le cabinet royal et sollicite une rencontre en disant qu’il prépare un livre. Après l’appel d’Eric Laurent, un représentant du cabinet du roi, un avocat marocain, a rencontré le journaliste. «Et là, surprise, énorme, raconte Me Dupond-Moretti, Eric Laurent dit Ecoutez, je prépare un livre avec Mme Graciet, co-auteure, et moyennant 3 millions d’euros, il n’y a pas de polémique, on retire notre bouquin».
Le Maroc a déposé plainte à Paris, conduisant le parquet à ouvrir une enquête. Dans ce cadre, des réunions sont organisées, «des rencontres filmées, enregistrées, entre le représentant du roi» et les journalistes, poursuit Me Dupond-Moretti. Selon l’avocat, les deux journalistes sont sortis du dernier rendez-vous parisien, jeudi, toujours sous surveillance policière, avec «un acompte substantiel de 40 000 € chacun». Une source proche du dossier a confirmé jeudi qu’«il y a eu remise et acceptation d’une somme d’argent». Ils ont été arrêtés peu après.
A ce stade, de nombreuses questions se posent, notamment sur les motivations des deux journalistes, qui ont déjà publié chacun plusieurs livres d’enquête. Jeudi, les Editions du Seuil ont confirmé qu’ils préparaient un livre sur le roi du Maroc, «pour une sortie en janvier-février». «C’est de la folie douce d’imaginer que leur chantage aurait pu marcher», s’étonne une source proche du dossier.
Chantage : les journalistes s’étaient engagés à vie à ne plus publier sur le Maroc
Eric Laurent et Catherine Graciet, deux journalistes soupçonnés d’avoir tenté de soutirer 2 M€ au roi du Maroc en échange d’un engagement à ne plus rien écrire d’embarrassant sur lui, ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi pour «chantage» et «extorsion de fonds».
Geoffroy Tomasovitch | 28 Août 2015, 23h01 | MAJ : 29 Août 2015, 10h13
Info le Parisien
Leurs détracteurs les appellent, avec une pointe d’ironie bien marquée, les « titulaires d’une carte de presse ». Il faut dire que ces deux journalistes français expérimentés se retrouvent depuis jeudi au cœur d’une affaire extravagante. Eric Laurent et Catherine Graciet, coauteurs en 2012 d’un livre accusateur contre Mohammed VI, sont soupçonnés d’avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc, en lui réclamant d’abord 3, puis finalement 2 M€.
La contrepartie ? Renoncer à leur projet d’écrire plusieurs nouveaux brûlots contre le souverain de Rabat.
Mieux encore. Selon nos informations, les deux journalistes se sont engagés, dans un document manuscrit rédigé, signé et remis jeudi à l’émissaire du roi dans le cadre feutré d’un palace parisien, à ne plus rien publier sur le Maroc. Et ce, à vie !
Arrêtés le jour même par les policiers qui les surveillaient discrètement, Eric Laurent et Catherine Graciet ont été présentés tard vendredi soir à une juge d’instruction à l’issue de leur garde à vue qui avait été renouvelée, et à la suite de plusieurs perquisitions à Paris et en province. Ils ont été mis en examen dans la nuit pour «chantage» et «extorsion de fonds», et ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
Une première conversation enregistrée, les deux autres sous surveillance policière
Selon Me Eric Dupond-Moretti, l’un des avocats du royaume du Maroc, cette incroyable affaire, révélée par RTL jeudi, a débuté par un coup de téléphone d’Eric Laurent, le 23 juillet. Le journaliste d’investigation chevronné cherche alors à contacter le secrétaire particulier de Mohammed VI. Il va insister quelques jours plus tard et parvenir à décrocher un rendez-vous à Paris avec un avocat marocain, homme de confiance du royaume.
Et le 11 août, le journaliste apprend à cet émissaire son projet de livre à charge contre Mohammed VI. Selon Me Dupond-Moretti, Eric Laurent a alors évalué à 3 M€ le prix de la non-publication de ce présumé futur brûlot.
L’émissaire rentre au Maroc et rend compte au roi. « Devant des faits aussi graves, nous avons de suite décidé de porter plainte », glisse un proche du royaume. Le parquet de Paris ouvre aussitôt une information judiciaire. La deuxième réunion, puis la dernière — la seule où intervient Catherine Graciet — se feront sous « surveillance ». De plus, selon nos informations, la toute première conversation entre Eric Laurent et l’émissaire du roi a été enregistrée et remise à la justice française.
Deux enveloppes contenant en tout 80.000€ comme avance
L’affaire éclate au grand jour avec l’interpellation des deux maîtres chanteurs présumés. Jeudi, ils ont après une longue « négociation » accepté de recevoir chacun une enveloppe contenant environ 40 000 €, avance sur les 2 M€, prix de leur renoncement à écrire sur le Maroc.
« Le contexte du dossier est très troublant. Le royaume du Maroc a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet et un nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation au moment où le deal financier se met en place », confiait hier soir Me Eric Moutet, avocat de la journaliste qui admet avoir accepté les 40 000 €. « Par ailleurs, c’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages. Dans ce dossier, il y a une logique de stratagème », dénonce encore Me Moutet.
« Scandale clair et net » selon la partie civile, « affaire bien trouble » pour d’autres, cette histoire n’a peut-être pas fini de surprendre…
VIDEO. Chantage sur le Maroc. L’avocat de Graciet : «Ils ont été attirés dans un traquenard»
Chantage contre le Maroc : l’avocat de la journaliste évoque un « piège »
Un « deal financier » a bien eu lieu entre le Maroc et les deux journalistes français soupçonnés d’avoir fait chanter le royaume. Ils se disent « piégés ».
Source AFP
Publié le 28/08/2015 à 23:22 – Modifié le 29/08/2015 à 10:07 | Le Point.fr
Catherine Graciet et Éric Laurent, placés jeudi en garde à vue, sont arrivés vendredi soir au palais de justice de Paris pour être présentés à un juge d’instruction en vue de leur éventuelle mise en examen. L’avocat de la journaliste Catherine Graciet, Éric Moutet, dénonce des « enregistrements sauvages ».
« Le contexte du dossier est très troublant : le royaume marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet et un nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation au moment où le deal financier se met en place », a estimé son avocat.
« Des enregistrements sauvages »
L’affaire, singulière et rocambolesque, a été révélée peu après l’arrestation des deux journalistes, qui venaient de se faire remettre de l’argent lors d’un rendez-vous organisé à Paris avec un représentant du Maroc. Ils sont soupçonnés d’avoir voulu faire chanter le roi du Maroc, Mohammed VI, avec des informations supposées gênantes.
Pour Me Moutet, « c’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages ». « Il y a dans cette affaire une logique de stratagème qui s’est mise en place », a-t-il jugé. « L’instruction devra déterminer le rôle de chacun », a-t-il dit.
Les deux journalistes français soupçonnés d’avoir réclamé de l’argent afin de ne pas publier un livre à charge contre le roi ont été mis en examen pour chantage et extorsion de fonds dans la nuit de vendredi à samedi. Eric Laurent et Catherine Graciet, accusés d’avoir empoché de l’argent extorqué, étaient en garde à vue depuis jeudi après-midi. Le parquet, qui s’était déjà saisi en enquête préliminaire, avait ouvert mercredi une information judiciaire pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage. Ils ont été mis en liberté surveillée.
Selon Eric Dupont-Moretti, l’un des avocats du Maroc, l’un des journalistes avait contacté le palais royal le 23 juillet dernier pour annoncer la rédaction d’un livre et demander « des choses importantes ». Lors d’une rencontre avec un représentant du roi, il aurait demandé trois millions d’euros pour ne pas publier son ouvrage et le souverain chérifien a déposé plainte auprès du procureur de la République de Paris.
Lors d’une nouvelle réunion organisée jeudi à Paris sous le contrôle de la police et du parquet français pour piéger le journaliste et son co-auteur, ces derniers ont accepté de l’argent et signé un contrat, a ajouté l’avocat du roi du Maroc. »Le contrat, c’est en réalité la signature de leur culpabilité et la signature de ce chantage », a-t-il dit.
Me Eric Moutet, l’avocat de Catherine Graciet a invité à la prudence concernant les accusations formulées contre les deux journalistes. »Le royaume du Maroc a des comptes extrêmement lourds et un passif à solder avec Catherine Graciet. Ce dossier démarre, il y a des propos imprudents surtout dans le contexte de risques d’attentats, parler de terrorisme dans une affaire comme celle-là parait un petit peu avancé. Complot ou pas complot, je n’en sais rien. Il est clair qu’ils ont été attirés dans un traquenard », a-t-il dit.
Chantage contre le roi du Maroc : les deux journalistes mis en examen
Éric Laurent et Catherine Graciet ont été mis en examen pour « chantage » et « extorsion de fonds » et ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
Source AFP
Publié le 29/08/2015 à 10:05 – Modifié le 29/08/2015 à 10:25 | Le Point.fr
Deux journalistes français soupçonnés d’avoir tenté de faire chanter le royaume du Maroc avec des informations supposées gênantes ont été mis en examen ce samedi pour « chantage » et « extorsion de fonds » et ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Leur contrôle judiciaire leur impose notamment de ne pas entrer en contact entre eux ni avec d’autres protagonistes du dossier. Dans ce scénario rocambolesque, les deux journalistes, Éric Laurent et Catherine Graciet, ont été arrêtés jeudi à Paris à la sortie d’un rendez-vous avec un représentant du Maroc au cours duquel « il y a eu remise et acceptation d’une somme d’argent », a indiqué une source proche du dossier. L’avocat de Catherine Graciet, Me Eric Moutet, a confirmé vendredi soir l’existence d’un « deal financier » dans un « contexte très troublant ». « Le royaume marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet et un nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation au moment où le deal financier se met en place », a-t-il déclaré à l’AFP.
Le parquet de Paris a ouvert mercredi une information judiciaire pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage. Selon le récit de l’avocat du Maroc, Me Éric Dupond-Moretti, l’affaire commence le 23 juillet, quand Éric Laurent contacte le cabinet royal et sollicite une rencontre en disant qu’il prépare un livre. Le journaliste de 68 ans n’est pas un inconnu au Maroc. Il a publié en 1993 un livre d’entretiens avec l’ancien monarque Hassan II, père de l’actuel roi Mohammed VI. Début 2012, il publie, avec Catherine Graciet cette fois, un livre accusateur contre Mohammed VI, Le Roi prédateur. L’édition du journal espagnol El País avait été interdite sur le territoire marocain le jour où le quotidien avait publié les bonnes feuilles du livre. Après l’appel d’Eric Laurent, un représentant du cabinet du roi, un avocat marocain, a rencontré le journaliste. « Et là, surprise, énorme », raconte Me Dupond-Moretti, « Eric Laurent dit écoutez, je prépare un livre avec Mme Graciet, co-auteur, et, moyennant trois millions d’euros, il n’y a pas de polémique, on retire notre bouquin« .
« Piège »
Le Maroc a déposé une plainte à Paris, conduisant le parquet à ouvrir une enquête. Dans ce cadre, des réunions ont été organisées, « des rencontres filmées, enregistrées entre le représentant du roi » et les journalistes, poursuit Me Dupond-Moretti. « C’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages », a affirmé de son côté l’avocat de Catherine Graciet, jugeant qu’ »il y a dans cette affaire une logique de stratagème ». Selon Me Dupond-Moretti, les deux journalistes sont sortis du dernier rendez-vous parisien, jeudi, sous surveillance policière, avec « un acompte substantiel de 40 000 euros chacun ». Peu après, ils ont été arrêtés et placés en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).
Les deux journalistes ont publié plusieurs autres ouvrages (Bush, l’Iran et la bombe, La Face cachée du pétrole, La Face cachée du 11 Septembre pour Éric Laurent, La Régente de Carthage : main basse sur la Tunisie, Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison pour Catherine Graciet). Jeudi, les éditions du Seuil ont confirmé à l’AFP qu’ils préparaient un livre sur le roi du Maroc, « pour une sortie en janvier-février ». « Si les faits sont avérés, c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit », a réagi le journaliste Nicolas Beau, co-auteur de La Régente de Carthage.
L’affaire survient dans un contexte particulier entre Paris et Rabat, qui se sont réconciliés début 2015 après une brouille d’un an à cause de plaintes à Paris pour tortures contre le patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi. En février 2014, des policiers lui avaient notifié directement à l’ambassade du Maroc à Paris, où il se trouvait, une convocation d’un juge d’instruction, suscitant la colère de Rabat.
Les journalistes soupçonnés d’avoir voulu faire chanter le roi du Maroc mis en examen
Le Monde.fr avec AFP | 29.08.2015 à 00h11 • Mis à jour le 29.08.2015 à 10h17
Deux journalistes français soupçonnés d’avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc ont été mis en examen pour chantage et extorsion de fonds dans la nuit de vendredi 28 à samedi 29 août, a-t-on appris de source judiciaire. Selon une source proche du dossier, Eric Laurent a reconnu durant sa garde à vue, entamée jeudi soir, avoir formulé une offre de 3 puis 2 millions d’euros au Maroc pour le renoncement de la publication d’un livre compromettant pour le Palais royal, co-signé avec la journaliste Catherine Graciet.
L’avocat de Catherine Graciet, Me Eric Moutet, a lui confirmé vendredi soir l’existence d’un « deal financier », dans un « contexte très troublant ». « Le royaume marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet et un nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation au moment où le deal financier se met en place », a-t-il déclaré à l’AFP. Pour lui, « c’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages ». « Il y a dans cette affaire une logique de stratagème qui s’est mise en place », a-t-il jugé et « l’instruction devra déterminer le rôle de chacun ».
Selon Me Eric Dupond-Moretti, l’un des avocats de Rabat, l’affaire a commencé le 23 juillet : ce jour-là, Eric Laurent aurait contacté le secrétariat du Palais royal pour annoncer la sortie prochaine d’un livre polémique contenant « des choses importantes ». « Un représentant du Palais a alors été envoyé à Paris où une première rencontre a eu lieu avec M. Laurent », explique l’avocat, joint jeudi soir par Le Monde.
« Moyennant 3 millions d’euros, je ne publie pas mon livre »
Au cours de cette rencontre, M. Laurent aurait déclaré être en train de préparer un ouvrage compromettant pour le Palais. Selon lui, « Eric Laurent dit : “Ecoutez, moyennant 3 millions d’euros, je ne publie pas mon livre, un livre que je prépare avec Catherine Graciet” ».
« Le Palais a alors décidé de porter plainte auprès du parquet de Paris. Les policiers ont décidé d’organiser un flagrant délit», raconte Me Dupond-Moretti, qui a révélé l’affaire jeudi après-midi sur l’antenne de RTL. Dans la foulée, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire, puis saisira des juges d’instruction.
Un autre rendez-vous, écouté et surveillé par la police, aurait alors été fixé. M. Laurent y aurait réitéré la même proposition. Enfin, un troisième rendez-vous aurait été fixé au jeudi 27 août dans un restaurant parisien. « Cette fois, Eric Laurent et Catherine Graciet étaient tous les deux présents. Un contrat a été signé et un acompte de 80 000 euros leur a été remis », déclare l’avocat. Les deux journalistes ont été interpellés à la sortie de ce rendez-vous, ils ont passé la nuit en garde à vue.
Les deux journalistes français Catherine Graciet et Nicolas Beau auraient reçu d’un certain Lotfi une grosse somme d’argent pour écrire leur ouvrage paru en 2009, « La Régente de Carthage : main basse sur la Tunisie ».
Lotfi Ben Chrouda, majordome de Leïla Ben Ali, semble lui aussi avoir été très bien rétribué pour son témoignage publié en juin 2011, mais la révolution était déjà passée, en partie grâce aux révélations des précédents.
Lotfi Ben Chrouda, majordome de Leïla Ben Ali, a été arrêté mardi 7 juin 2011 à l’aéroport Tunis-Carthage. Le majordome devait partir en France en compagnie de la rédactrice de son livre « Dans l’ombre de la reine. J’étais le majordome de Leïla Ben Ali ».
L’arrestation n’a rien à voir avec la publication de l’ouvrage et serait liée à un mandat de recherche dans une affaire d’abandon familial. Divorcé, Lotfi Ben Chrouda aurait abandonné son ancienne épouse et ses enfants depuis l’année dernière.
Son ouvrage édité en France chez Michel Lafon devrait paraitre demain, jeudi 9 juin. Selon son entourage, il aurait reçu quelques centaines de milliers de dinars (600.000, mais nous n’avons pas pu authentifier le montant) en contrepartie de son témoignage.
Leïla Trabelsi – l’épouse de Ben Ali – a fait couler beaucoup d’encre, mais tout n’a pas été dit. Lotfi ben Chrouda a voulu compléter ces lacunes avec son propre témoignage. Car rien de la folie du palais ne lui a échappé. Il a tout vu, tout entendu dans l’ombre des dirigeants, ses « patrons ». Et pour cause : depuis 1992 il a été le majordome de celle qui se surnomma elle-même « La Reine de Carthage » et devint en quelques années la femme la plus détestée de Tunisie : Leïla ben Ali.
Personne ne peut imaginer ce que fut le règne de cette reine aux sombres aspirations – jusqu’à celle de préparer sa propre arrivée au pouvoir suprême – et dont on découvre seulement aujourd’hui les excès et les turpitudes. Lorsque Leïla demande, elle obtient. Rien ne doit lui résister ! Elle veut tout s’approprier. Elle humilie quotidiennement son mari qui s’incline chaque fois qu’il la croise, faisant de lui une pitoyable marionnette. Elle dilapide les fonds publics, exproprie des particuliers… sans compter ce qui se passe dans sa garçonnière, et les séances de magie noire qu’elle organise, réunissant en secret sorciers sénégalais ou marocains, et lançant à tour de bras des malédictions auxquelles certains sujets apeurés finissent par croire…
Lofti ben Chrouda a tenu à décrire dans le détail tout ce qui méritait d’être dénoncé – jusqu’à la fuite médiocre du couple maudit – mais que nul n’avait encore eu le courage de dire par crainte de perdre la vie. Il nous montre Leïla ben Ali telle qu’en elle-même, femme avenante en public mais être maléfique en privé, symbole de la corruption absolue d’un couple tragiquement ubuesque.
Ancien majordome au palais présidentiel tunisien, Lotfi Ben Chrouda raconte dans un livre ses vingt années au service de Leïla Trabelsi et Zine el-Abidine Ben Ali. Un poste qui n’avait rien d’un privilège.
Il a passé vingt ans au service de Leïla Trabelsi, épouse de l’ex-président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. De ce quotidien, Lotfi Ben Chrouda tire aujourd’hui un livre, « Dans l’ombre de la reine », paru le 9 juin aux éditions Michel Lafon.
Dans un entretien à FRANCE 24, il explique que « la révolution a vraiment été un effet de surprise [pour les Ben Ali, NDLR]« . « C’est seulement à partir du 13 janvier qu’ils se sont rendu compte qu’ils n’avaient pas été justes envers le peuple tunisien ».
Vingt années durant, Lotfi Ben Chrouda a surtout été un observateur du quotidien de l’ancien couple présidentiel. L’ex-majordome détaille ainsi que « Ben Ali ne pouvait rien dire, c’était Leïla qui contrôlait tout ». Selon lui, elle faisait même usage de la « magie noire » afin de garder le contrôle sur son mari. Envers le personnel du palais, elle se montrait cruelle, allant jusqu’à plonger les mains d’un cuisinier dans l’huile bouillante. « On était vraiment maltraité, c’était oppressant », assure Ben Chrouda. « En fait personne n’avait le choix. Tout le monde avait peur. […] On avait tous signé un papier comme quoi nous n’avions pas le droit de parler. C’était dur mais personne ne pouvait quitter le palais, autrement c’était la prison. »
« Un simple majordome »
Bien que majordome de la « reine » Leïla Trabelsi, et également au service du président Ben Ali, Lotfi Ben Chrouda n’a jamais tenu le rôle de confident, loin s’en faut. « Ben Ali considérait les Tunisiens comme ses esclaves, affirme-t-il. Il ne me demandait jamais comment j’allais. » « Je n’étais qu’un simple majordome », résume-t-il, assurant ne pas être un « collaborateur » des Ben Ali, et se félicitant de la chute du régime pour lequel il a travaillé : « Heureusement qu’il y a eu la révolution. »
Lotfi Ben Chrouda explique ainsi avoir écrit ce livre pour « réhabiliter tous les Tunisiens qui ont travaillé dans les palais au service des Ben Ali ». Lui, a refusé d’y retourner depuis la chute du régime de Ben Ali. « J’ai envie d’oublier ce qui s’est passé et de prendre ma retraite », conclut l’ex-majordome.
Lofti Ben Chrouda, ancien majordome de Leila Ben Ali
Sylvain Attal reçoit Lotfi Ben Chrouda, ancien majordome au palais présidentiel tunisien et auteur de « Dans l’ombre d’une reine » dans lequel il raconte ses vingt années au service de Leïla Trabelsi et Zine el-Abidine Ben Ali. Un poste qui n’avait rien d’un privilège.
L’interpellation hier des deux journalistes français Eric Laurent et Catherine Graciet dans une affaire de chantage et extorsion de fonds présumée est l’occasion pour certains de rappeler que la seconde aurait reçu une grosse somme pour écrire avec Nicolas Beau « La Régente de Carthage : main basse sur la Tunisie », un ouvrage paru en 2009.
Assez logiquement, son co-auteur Nicolas Beau serait donc aussi vénal.
Affaire des journalistes français corrompus : la Tunisie de Ben Ali a payé une grosse somme à Catherine Graciet
Ajouté le 28/08/2015 à 14:22
Le journal français Le Figaro a rapporté dans l’un de ses derniers articles publiés hier soir que les deux journalistes français, Eric Laurent et Catherine Graciet, ont été arrêtés à Paris, soupçonnés d’avoir fait chanter le royaume du Maroc en demandant 3 millions d’euros pour ne pas publier un livre contenant des informations compromettantes, et qu’ils sont en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire ouverte hier pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage, a précisé la source judiciaire.
Dans ce cadre lapressenewsa été informée par une source fiable que Catherine Graciet qui a publié un livre avec Nicolas Beau au temps de Ben Ali sous le titre de la Régente de Carthage dans lequel elle avait dénoncé l’emprise mafieuse de Leila Trabelsi, a bien reçu une grosse somme d’argent pour écrire ce livre de la part d’un citoyen tunisien résidant dans d’un pays du Golf au nom de Lotfi. Le dossier de cette affaire se trouve dans les archives de l’ex- Agence tunisienne de Communication Extérieure.
Elle est à l’origine d’une généralisation de la corruption dans son pays, dont les principaux bénéficiaires sont les membres de sa propre famille, les Trabelsi, qualifiée selon les observateurs ainsi que par les services de l’ambassade américaine en Tunisie de « clan quasi-mafieux »1. Ainsi, la fortune personnelle du couple Ben Ali, amassée pendant les 23 années de pouvoir et estimée à quelques milliards d’euros placés sur des comptes bancaires à l’étranger ou investis dans l’immobilier, serait essentiellement le résultat des détournements de fonds opérés durant cette période par le clan Ben Ali-Trabelsi. Cette situation est l’un des principaux éléments déclencheurs de la révolution qui renverse le régime en 2011. Comme son mari, elle part alors en exil en Arabie saoudite où elle réside toujours, même si elle fait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
En 2009 paraît La Régente de Carthage : main basse sur la Tunisie de Nicolas Beau et Catherine Graciet ; Leïla Ben Ali demande son interdiction au tribunal de grande instance de Paris mais se voit déboutée et condamnée à verser 1 500 euros à la maison d’édition La Découverte52.
M6 diffuse, dans le cadre de son émission 66 minutes, le reportage Leïla Trabelsi-Ben Ali, la bête noire des Tunisiens. Dans ce reportage, on la compare à la Milady d’Alexandre Dumas. Parmi les autres reportages traitant le sujet, réalisés à la suite de la révolution de 2011, figure une série de reportages diffusée sur la Télévision Tunisienne 1 et intitulée La chute du régime corrompu (سقوط دولة الفساد)53.
Lotfi Ben Chrouda et Isabelle Soares Boumalala, Dans l’ombre de la reine, Paris, éd. Michel Lafon, 2011
Arabe
Rafif Sidaoui, Leïla Ben Ali et les aspirations de la femme arabe à la modernité (ليلى بن علي وتطلعات المرأة العربية إلى الحداثة), Beyrouth, éd. Dar El Mithak, 2010
La Régente de Carthage, une enquête explosive des journalistes Nicolas Beau et Catherine Graciet sur le rôle que jouent en Tunisie Leïla Trabelsi, l’épouse du président Zine El Abidine Ben Ali, et sa famille, vient de sortir aux éditions La Découverte. Un « clan » accusé de contrôler, sur fond de corruption, des secteurs clés de l’économie.
Votre enquête est attendue surtout au Maghreb ! Sans « déflorer » le livre, qu’avez-vous découvert sur la femme du président Ben Ali ? Est-ce elle qui dirige effectivement le pays et pas le président Zine El Abbidine Ben Ali ?
Comme la plupart des Tunisiens, nous avions entendu dire que Leïla Trabelsi jouissait d’une piètre réputation acquise pendant sa jeunesse. Or, en enquêtant, nous avons découvert qu’il existait en réalité une seconde Leïla Trabelsi c’est donc un cas d’homonymie qui gravitait dans des cercles du pouvoir analogues à ceux de la Leïla Trabelsi qui allait devenir première dame. Mais cette seconde Leïla, dont personne ne sait ce qu’elle est devenue, menait, elle, une vie dissolue. Plus largement, nous avons découvert que la première dame de Tunisie n’est pas la « coiffeuse » dont se moquent beaucoup de Tunisiens, mais une femme intelligente à très forte personnalité dont l’appât du gain et l’habileté à placer les siens en font la digne héritière de Wassila Bourguiba qui a gouverné la Tunisie dans l’ombre du défunt le président Bourguiba.
Quel secteur de l’économie tunisienne serait sous la coupe du clan Trablesi ?
Une blague qui circule à Tunis veut que dans une même journée, un Tunisien ne consomme que du Trabelsi : taxi, voiture, bus, avion, denrées alimentaires, téléphone… Plus sérieusement, des membres du clan Trabelsi excellent dans deux domaines économiques comme nous le montrons dans le livre : faire construire pour les revendre à prix d’or des résidences immobilières sur des terrains classés au patrimoine historique et prendre le contrôle de banques. Par exemple, en 2008, Belhassen Trabelsi, le frère préféré de Leïla Ben Ali, devenait administrateur de la Banque de Tunisie (BT), l’un des seuls établissements bancaires à ne pas être tombé sous la coupe des Trabelsi. Il a été nommé par la nouvelle pédégère de la BT qui n’est autre que l’épouse du puissant ministre des Affaires étrangères, Abdelwaheb Abdallah, qui n’est autre qu’un affidé de Leïla Trabelsi. On pourrait aussi raconter les tribulations du neveu de Mme Ben Ali, Imed Trabelsi, qui a récemment lancé l’enseigne Bricorama en Tunisie après avoir mis la main dessus en évinçant à la déloyale les promoteurs initiaux du projet.
Qu’avez-vous appris sur la personnalité de Leïla Trabelsi, une femme peut-elle « régenter » tout un pays comme la Tunisie ?
C’est en tout cas le souhait de Leïla Trabelsi ! Mais il semble bien que la bourgeoisie d’affaires tunisienne ainsi qu’une partie de l’armée et/ou des services de sécurité ne veulent pas entendre parler d’« une solution familiale » dans la succession du président Ben Ali qui se pose désormais de manière ouverte. Cela dit, grâce au défunt président Bourguiba, la Tunisie est sans aucun doute le pays arabe le plus en avant en matière de « féminisme d’Etat ». Avant Leïla Trabelsi, deux autres femmes on peut même parler de « présidentes » ont eu un poids considérable sur la vie politique du pays : Wassila Bourguiba et, dans une moindre mesure ainsi que d’une façon plus négative, Saïda Sassi. On ne peut donc pas exclure qu’une Leïla Trabelsi dotée d’une autre personnalité, moins encline au népotisme et surtout moins âpre au gain, aurait peut-être eu un destin national en Tunisie.
Quelles ont été les conditions de travail pour vous ? La Tunisie étant connue pour être l’un des pays les plus difficiles où travailler lorsqu’on se lance dans une enquête journalistique…
Les conditions de travail ont été particulièrement difficiles puisque nous sommes tous les deux strictement interdits de séjour en Tunisie. C’est d’ailleurs le seul pays du Maghreb où c’est le cas puisque nous pouvons nous rendre et travailler librement aussi bien en Algérie qu’au Maroc. Mais comme nous travaillons sur la Tunisie depuis de nombreuses années, nous y disposons de nombreuses sources auxquelles il faut ajouter des Tunisiens en exil en France et de courageux citoyens qui se rendent souvent en Europe et qui sont maintenant convaincus que la Tunisie du président Ben Ali est devenue une dictature qui n’apportera plus rien au pays. Néanmoins, certaines de nos sources qui ont eu le courage de « sortir du bois » ont été menacées, y compris en France, et traînées dans la boue dans une partie de la presse tunisienne, qui est aux ordres de Carthage ainsi que sur Internet. Cela est absolument déplorable. Autre épisode intéressant mais lié cette fois à la sortie du livre. Leïla Ben Ali en personne a introduit un référé (procédure d’urgence) devant la 17e Chambre du tribunal de Paris pour faire interdire La Régente de Carthage, mais sa requête a été frappée de nullité par la justice française. Enfin, une association de Tunisiens en France, vraisemblablement inféodée à l’ambassade de Tunisie à Paris, a déposé auprès de la préfecture de police de Paris une demande d’autorisation pour manifester devant les locaux des éditions La Découverte pour protester contre la sortie du livre le 1er octobre. Mais il semble, aux dernières nouvelles, que cette manifestation a été annulée… Sans doute la peur du ridicule…
Apparemment, votre enquête ne sera pas diffusée en Tunisie, vous avez eu des difficultés pour publier le livre à Tunis ? Racontez-nous…
Il ne fait en effet aucun doute que le livre sera interdit en Tunisie. Cela est systématiquement le cas pour tous les ouvrages critiques envers le régime du président Ben Ali. Il en va de même pour tous les journaux et les sites internet qui enquêtent sur des sujets comme la corruption en Tunisie, les abus des droits (atteinte) de l’homme ou le népotisme des clans au pouvoir et en particulier celui des Trabelsi. Mais cette censure ne devrait pas empêcher les Tunisiens de lire notre ouvrage. On sait qu’il est déjà entré clandestinement en Tunisie et circule sous le manteau. Les lecteurs peuvent également l’acheter sur Internet.
Le népotisme dénoncé dans votre enquête est-il révélateur d’un mode de gouvernance au Maghreb ? A quand une enquête en Algérie ?
Le népotisme n’est pas le propre du Maghreb ! En France aussi on y a droit ! Mais la Tunisie du président Ben Ali le pratique à outrance… Un livre sur l’Algérie n’est pas à notre programme. Mais inch’allah ! Cela arrivera peut-être un jour.
Catherine Graciet est journaliste et responsable de la rubrique international du site web www.bakchich.info Nicolas Beau est ancien journaliste du Canard Enchaîné et directeur de la rédaction de Bakchich.
Maroc - Soupçons de chantage : deux journalistes français arrêtés à Paris
Eric Laurent et Catherine Graciet, auteurs en 2012 du livre « Le roi prédateur », se préparaient à sortir un autre livre sur le souverain chérifien.
Source AFP
Deux journalistes français ayant enquêté sur le Maroc ont été arrêtés jeudi à Paris et placés en garde à vue, soupçonnés d’avoir tenté de faire chanter Rabat en proposant de ne pas sortir leur livre en échange d’argent. L’affaire est singulière et immédiatement après sa révélation sur RTL, l’un des avocats du royaume, Eric Dupond-Moretti, a pris la parole pour en livrer des détails, dénonçant un « racket digne de voyous ». Un racket à trois millions d’euros selon lui. Les deux journalistes, Eric Laurent et Catherine Graciet, qui ont déjà écrit un livre accusateur contre Mohammed VI en 2012, « Le roi prédateur » (Editions du Seuil), ont été interpellés après un rendez-vous avec un représentant du Maroc dans un hôtel parisien. Lors de ce rendez-vous, « il y a eu remise et acceptation d’une somme d’argent », a rapporté une source proche du dossier à l’AFP. Jeudi soir, les deux journalistes étaient toujours en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), dans le cadre d’une information judiciaire ouverte la veille pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage, a indiqué une source judiciaire à l’AFP.
Piégés après une plainte du Maroc
Tout aurait commencé le 23 juillet, quand Eric Laurent a contacté une première fois le cabinet royal marocain en indiquant qu’il préparait un livre, a raconté l’avocat du Maroc sur RTL. Une première rencontre aurait été organisée à Paris avec un avocat, « un de mes confrères marocains », a raconté Me Dupond-Moretti. Selon lui, « Eric Laurent dit « Écoutez, moyennant 3 millions d’euros, je ne publie pas mon livre, un livre que je prépare avec Catherine Graciet ». Après la plainte du Maroc, qui a conduit le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire, puis à saisir les juges d’instruction, d’autres rendez-vous ont été organisés, dont deux jeudi, mais cette fois sous la surveillance des enquêteurs. Contactées par l’AFP, les Editions du Seuil ont confirmé que les deux journalistes préparaient un livre sur le roi du Maroc Mohammed VI, « pour une sortie en janvier-février ».
Des journalistes auteurs de livres d’enquêtes
« Je suis sous le choc (…) Je savais que Catherine avait ce projet (de livre). Si les faits sont avérés c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit », a réagi auprès l’AFP le journaliste Nicolas Beau, qui a écrit plusieurs livres avec sa consoeur, dont « La régente de Carthage: main basse sur la Tunisie » (2009, La Découverte), sur Leïla Trabelsi, épouse de l’ex-président tunisien Ben Ali. Catherine Graciet a également écrit « Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison » (Ed. Seuil, 2013), où un ancien responsable politique libyen donne du crédit aux accusations de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par le régime de Mouammar Kadhafi. Quant à Eric Laurent, il a écrit de nombreux livres d’enquête: « Aux banques les milliards, à nous la crise », qui doit sortir le 9 septembre, « La face cachée du pétrole » (Plon, 2006), « Bush l’Iran et la bombe » (Plon). En 1993, il avait signé un livre d’entretien avec l’ancien roi du Maroc, Hassan II, père de Mohammed VI (« La mémoire d’un roi »). Eric Laurent et Catherine Graciet ne sont pas en grâce auprès du royaume. Quand leur précédent livre sur Mohammed VI est sorti, en 2012, le quotidien espagnol El Pais avait été interdit sur le territoire marocain le jour où il en avait diffusé les bonnes feuilles.
Paris et Rabat ont connu une brouille diplomatique de plusieurs mois à cause d’une enquête menée à Paris sur des accusations de tortures au Maroc contre le patron du contre-espionnage (DGST) Abdellatif Hammouchi. La réconciliation a été permise notamment grâce à une nouvelle convention d’entraide judiciaire, qui a suscité l’inquiétude des organisations de défense des droits de l’Homme.
Deux journalistes français soupçonnés d’avoir fait chanter le roi du Maroc
Le Monde.fr avec AFP | 27.08.2015 à 19h51 • Mis à jour le 28.08.2015 à 10h39 | Par Matthieu Suc et Charlotte Bozonnet
L’affaire est sidérante. Deux journalistes français, Eric Laurent et Catherine Graciet, coauteurs en 2012 d’un livre très critique sur le roi du Maroc, ont été arrêtés jeudi 27 août à Paris, pour tentative de chantage et d’extorsion de fonds à l’encontre de Mohammed VI. Les journalistes sont soupçonnés d’avoir voulu extorquer de l’argent au souverain, en échange de la non-publication d’un livre compromettant pour le Palais royal. Tous les deux ont passé la nuit en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).
Selon Me Eric Dupond-Moretti, l’un des avocats de Rabat, l’affaire a commencé le 23 juillet : ce jour-là, Eric Laurent aurait contacté le secrétariat du Palais royal pour annoncer la sortie prochaine d’un livre polémique contenant « des choses importantes ». « Un représentant du Palais a alors été envoyé à Paris où une première rencontre a eu lieu avec M. Laurent », explique l’avocat, joint jeudi soir par Le Monde.
Au cours de cette rencontre, M. Laurent aurait déclaré être en train de préparer un ouvrage compromettant pour le Palais. Selon lui, « Eric Laurent dit : “Ecoutez, moyennant 3 millions d’euros, je ne publie pas mon livre, un livre que je prépare avec Catherine Graciet” ».
« Flagrant délit »
« Le Palais a alors décidé de porter plainte auprès du parquet de Paris. Les policiers ont décidé d’organiser un flagrant délit», raconte Me Dupond-Moretti, qui a révélé l’affaire jeudi après-midi sur l’antenne de RTL. Dans la foulée, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire, puis saisira des juges d’instruction.
Un autre rendez-vous, écouté et surveillé par la police, aurait alors été fixé. M. Laurent y aurait réitéré la même proposition. Enfin, un troisième rendez-vous aurait été fixé au jeudi 27 août dans un restaurant parisien. « Cette fois, Eric Laurent et Catherine Graciet étaient tous les deux présents. Un contrat a été signé et un acompte de 80 000 euros leur a été remis », déclare l’avocat. Les deux journalistes ont été interpellés à la sortie de ce rendez-vous. Une information judiciaire avait été ouverte, la veille, par trois juges pour tentative d’extorsion de fonds et de chantage.
Joint par téléphone jeudi soir, l’avocat de Catherine Graciet, Me Eric Moutet, invoque le respect de la présomption d’innocence : « Nous n’avons pour le moment que très peu d’éléments sur le dossier mais tout cela sent le coup monté. » Contactés, le ministère de l’intérieur et la police judiciaire parisienne ne souhaitent faire aucun commentaire sur cette affaire hautement sensible. Et le parquet de Paris n’a pas pu être joint vendredi matin.
Incrédulité
La nouvelle de l’arrestation a provoqué l’incrédulité dans l’entourage des journalistes. Ils ont coécrit en 2012 une enquête accusatrice sur le roi du Maroc. Intitulé Le Roi prédateur. Main basse sur le Maroc, le livre dénonçait un système de prédation économique exercée par le monarque et son entourage. Les éditions du Seuil ont confirmé jeudi à l’AFP qu’Eric Laurent et Catherine Graciet avaient un nouveau projet de livre sur le Maroc « pour une sortie en janvier-février ».
« Je vois Catherine régulièrement et je savais qu’elle avait ce projet de livre. Quand on la connaît, ça paraît sidérant. C’est une journaliste indépendante, rigoureuse », souligne le journaliste Nicolas Beau, qui a coécrit plusieurs livres avec elle, dont La régente de Carthage : main basse sur la Tunisie en 2009 sur Leïla Trabelsi, l’épouse de l’ex-président tunisien Ben Ali. Même incompréhension au Maroc. «Nous nous sommes connus dans les années 2002-2003 au Journal hebdomadaire. Nous sommes sous le choc, et jusqu’à ce que l’on en sache plus, c’est la présomption d’innocence qui s’applique», souligne le journaliste marocain Omar Brouksy.
Eric Laurent a lui aussi déjà écrit sur le Maroc, signant en 1993 un livre d’entretien avec l’ancien roi Hassan II, père de Mohammed VI (La mémoire d’un roi). Il est l’auteur de plusieurs livres d’enquête : Aux banques les milliards, à nous la crise, qui doit sortir le 9 septembre, La face cachée du pétrole (Plon, 2006), Bush, l’Iran et la bombe (Plon).
Paris et Rabat ont connu une brouille diplomatique de plusieurs mois à cause d’une enquête menée à Paris sur des accusations de tortures au Maroc contre le patron du contre-espionnage (DGST) Abdellatif Hammouchi. La réconciliation a été permise notamment grâce à une nouvelle convention d’entraide judiciaire, qui a suscité l’inquiétude des organisations de défense des droits de l’Homme.
Eric Laurent et Catherine Graciet: qui sont les journalistes soupçonnés de chantage?
Rédaction Le HuffPost
Publication: 28/08/2015 09h49 CEST Mis à jour: Il y a 1 heure
MÉDIAS – Une affaire rare. Deux journalistes français ayant enquêté sur le Maroc ont été arrêtés jeudi 27 août à Paris et placés en garde à vue, soupçonnés d’avoir tenté de faire chanter Rabat en proposant de ne pas sortir leur livre en échange d’argent. Au-delà de son aspect exceptionnel, cette arrestation frappe par l’identité et le statut des principaux intéressés, Éric Laurent et Catherine Graciet.
Ces deux journalistes et enquêteurs reconnus préparaient ensemble un livre sur le roi « pour une sortie en janvier-février » selon les Editions du Seuil, et ont déjà écrit un ouvrage accusateur contre Mohammed VI en 2012, « Le roi prédateur », également publié au Seuil. Leur enquête n’avait pas vraiment plu au Maroc et le quotidien espagnol El Pais avait été interdit sur le territoire marocain le jour où il en avait diffusé les bonnes feuilles.
Nombreux ouvrages d’enquête
Comme le note Jeune Afrique, Éric Laurent avait aussi déjà publié en 1993 un livre d’entretiens avec le roi Hassan II, le père et prédécesseur de Mohammed VI. Intitulé « La mémoire d’un roi », il s’agit du « seul ouvrage du genre sur l’ancien souverain », « réalisé en bonne entente avec le palais » note le magazine sur son site.
En dehors de ses livres sur le Maroc, Eric Laurent a écrit de nombreux autres ouvrages d’enquête: « Aux banques les milliards, à nous la crise », qui doit sortir le 9 septembre, « La face cachée du pétrole » (Plon, 2006) ou encore « Bush l’Iran et la bombe » (Plon). Âgé de 68 ans, ce journaliste qui a débuté au Figaro travaille notamment à France Culture.
Catherine Graciet, journaliste indépendante spécialiste du Maghreb, a travaillé au Maroc pour le Journal hebdomadaire. Elle a également écrit plusieurs livres d’enquête dont « Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison » (Seuil, 2013), où un ancien responsable politique libyen donne du crédit aux accusations de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par le régime de Mouammar Kadhafi.
« Je suis sous le choc (…) Je savais que Catherine avait ce projet (de livre). Si les faits sont avérés c’est très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit », a réagi auprès l’AFP le journaliste Nicolas Beau, qui a écrit plusieurs livres avec sa consœur, dont « La régente de Carthage: main basse sur la Tunisie » (2009, La Découverte), sur Leïla Trabelsi, épouse de l’ex-président tunisien Ben Ali.
On savait depuis longtemps que les crapules pullulent dans la classe journalistique française, en voici une confirmation éclatante.
Eric Laurent et sa co-auteure Catherine Graciet ne sont sûrement pas les premiers à signer une transaction comme celle qui vient finalement d’être dénoncée à la justice française.
La nouveauté est donc que cette fois, ils vont devoir s’expliquer.
Notons qu’Eric Laurent est le père de Samuel Laurent, un « consultant international » dont les ouvrages et propos comme spécialiste autoproclamé des organisations islamistes sont controversés, tandis que Catherine Graciet, une journaliste indépendante ayant travaillé au Maroc, a aussi écrit avec Nicolas Beau, connu pour avoir fait du Canard Enchaîné l’un des principaux organes de presse des Renseignements Généraux sous le règne d’Yves Bertrand.
Deux journalistes français interpellés pour avoir fait chanter le roi du Maroc
Éric Laurent et une autre journaliste ont été arrêtés, selon RTL. Ils réclamaient de l’argent à Mohammed VI pour éviter la publication d’un livre à charge.
Publié le 27/08/2015 à 19:17 – Modifié le 27/08/2015 à 20:18 | Le Point.fr
L’affaire commence le 23 juillet dernier, rapporte RTL ce jeudi. Ce jour-là, Éric Laurent, journaliste-écrivain qui a écrit plusieurs livres sur le royaume marocain, contacte le cabinet du roi du Maroc auquel il annonce qu’il va publier un livre à charge et réclame un rendez-vous pour évoquer cette publication.
Trois millions d’euros
Le rendez-vous a donc lieu avec un avocat, représentant du roi, auquel il réclame la somme de trois millions d’euros. Sinon, le livre incriminant Mohammed VI sortira. Le roi du Maroc décide alors de s’en remettre à la justice française en portant plainte.
La police lance une enquête et la deuxième rencontre entre le journaliste et l’avocat, le 21 août, s’opère sous surveillance policière. Éric Laurent réitère alors ses menaces : s’il ne perçoit pas les trois millions d’euros, il publiera son livre contre Mohammed VI. Alerté, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour chantage et tentative d’extorsion de fonds et désigne trois juges pour superviser l’affaire.
Le dernier épisode de ce chantage a eu lieu ce jeudi 27 août. L’écrivain, qui aurait concédé une transaction à deux millions d’euros, se présente avec un document écrit qui atteste de son abandon à publier. Il est interpellé avec sa coauteur, Catherine Graciet, à la sortie du restaurant parisien où s’est déroulé le rendez-vous.
« Du racket digne de voyous »
Pour assurer sa défense, le roi du Maroc a fait appel à l’avocat Éric Dupond-Moretti, qui a réagi à cette interpellation sur RTL, et qui déplore : « Cette affaire, c’est du racket digne de voyous. » Selon lui, le livre ne comportait « aucune révélation fracassante, car il n’y a absolument rien à dire ». « Le roi fait régulièrement l’objet d’ouvrages, dont certains ont déjà été écrits par Éric Laurent », rappelle l’avocat.
« C’est la première fois qu’un personnage qui se veut journaliste exerce directement un racket sur un chef d’État en exercice, c’est d’une audace folle », s’inquiète Éric Dupond-Moretti, qui dénonce le comportement d’Éric Laurent : « Il a été laudateur d’Hassan II, et, aujourd’hui, il est racketteur. »
L’avocat s’interroge cependant : « Est-ce que c’est la vénalité qui a guidé les journalistes ? » « Cet homme et cette femme n’ont-ils pas été instrumentalisés par un groupe, notamment terroriste ? » « Il y a suffisamment d’éléments dans l’enquête pour que nous envisagions qu’ils soient jugés au plus tôt pour des agissements particulièrement graves », estime l’avocat.
Un journaliste français interpellé pour avoir fait chanter le roi du Maroc
INFO RTL – Éric Laurent avait réclamé trois millions d’euros contre la non publication d’un livre à charge. Il a été interpellé à Paris jeudi 27 août. Une information judiciaire pour chantage et tentative d’extorsion de fonds a été ouverte.
par Jean-Alphonse Richard publié le 27/08/2015 à 18:00 mis à jour le 27/08/2015 à 19:33
L’écrivain-journaliste français Éric Laurent a tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed VI. L’homme de 68 ans a écrit plusieurs livres sur le royaume marocain mais le dernier en date n’est pas paru. Et pour cause : c’est un livre à charge et le journaliste a réclamé de l’argent au roi pour ne pas le publier. Sauf que les autorités du pays ont porté plainte pour chantage et extorsion. Le journaliste a alors été interpellé dans l’après-midi de ce jeudi 27 août.
Le feuilleton dure en fait depuis un mois. Le premier acte a lieu le 23 juillet à Paris. Ce jour-là, Éric Laurent contacte le cabinet du roi du Maroc. Il annonce qu’il va publier un livre à charge et sollicite un rendez-vous. Le 11 août, une rencontre a lieu entre l’écrivain et un avocat marocain. Au cours de ce face à face, Éric Laurent aurait réclamé trois millions d’euros au représentant du roi pour annuler la publication du livre. C’est ce que soutient le Maroc. Une plainte est alors immédiatement déposée auprès du procureur de Paris.
Des entrevues sous surveillance policière
Deuxième acte, le 21 août. Une nouvelle rencontre se tient entre l’avocat marocain et l’écrivain. Mais cette fois, la réunion est sous discrète surveillance policière. Éric Laurent aurait alors réitéré son offre : 3 millions d’euros contre son silence. Cinq jours plus tard, devant la gravité des faits, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour chantage et tentative d’extorsion de fonds. Trois juges sont désignés.
Le dernier acte a donc eu lieu ce jeudi 27 août. Un ultime rendez-vous est à nouveau surveillé et écouté par la police. L’écrivain se serait accordé sur une transaction à deux millions d’euros, accepté une avance de 80.000 euros et renoncé par écrit à la publication. Il a finalement été interpellé à la sortie de ce restaurant parisien, en compagnie, semble-t-il, de sa co-auteure, Catherine Graciet, qui travaillait sur cet ouvrage.
Éric Laurent (né en 1947) est un journalistefrançais, spécialiste de politique internationale sur France Culture. Il est spécialiste des questions touchant la finance et la géopolitique du pétrole.
Son engagement comme journaliste au Figaro en 1985 lui permet de se spécialiser dans les entretiens avec les chefs d’États et personnalités internationales (Kadhafi, Hassan II, Hammer, John McCloy, Rockefeller, etc.)
Le 27 août 2015, la radio RTL annonce qu’Eric Laurent a été interpellé en compagnie de Catherine Graciet pour avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed VI. L’écrivain aurait réclamé trois millions d’euros pour la non-publication d’un ouvrage à charge1.
Réalisations
Bibliographie
La Puce et les géants, de la révolution informatique à la guerre du renseignement, Fayard, 1984.
La Corde pour les pendre, Fayard, 1985 : sur le financement du bolchévisme.
Mémoire d’un Roi, 1993 Sous forme d’interview avec le roi Hassan II, cet ouvrage rapporte le point de vue du roi du Maroc sur divers sujets concernant son pays et les relations avec les autres pays.
Le Génie de la modération : réflexions sur les vérités de l’islam, 2000 : Un ouvrage écrit avec le roi du Maroc Hassan II.
Le Grand Mensonge, le dossier noir de la vache folle, 2001 : Ou l’on apprend que le nombre de morts dus à Alzheimer est sans doute surestimé, celui des morts liés à l’ESB étant lui sous estimé
La Guerre des Bush, 2003 : étudie les relations de la famille Bush avec l’entourage de ben Laden et avec Saddam Hussein.
Le Monde secret de Bush, 2003 : la religion, les affaires, les réseaux occultes
La Face cachée du 11 septembre, 2004 : réquisitoire contre les ambiguïtés américaines
La face cachée du Pétrole, 2006 : enquête sur les manipulations et les mensonges des pays qui produisent le pétrole et les compagnies qui le vendent. Point de depart d’un documentaire sur Arte diffuse en septembre 2010, et d’une emission de Deux mille ans d’Histoire sur France Inter en septembre 2010.
Bush, l’Iran et la bombe, 2007 Enquête sur une guerre programmée.
La Face cachée des banques. Scandales et révélations sur les milieux financiers, Plon2009
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Journaliste indépendante, Catherine Graciet a travaillé notamment au Maroc pour le Journal hebdomadaire.
Le 27 août 2015, la radio RTL annonce qu’elle a été interpellé en compagnie d’ Eric Laurent pour avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed VI. L’écrivain aurait réclamé trois millions d’euros pour la non-publication d’un ouvrage à charge1. Dans le cadre de cette affaire, maître Éric Dupond-Moretti, avocat du roi du Maroc, affirme sur I-Télé avoir des preuves sur une possible manipulation terroriste dans ce dossier.
Publications
Quand le Maroc sera islamiste, avec Nicolas Beau, La Découverte, 2006
La Régente de Carthage. Main basse sur la Tunisie, avec Nicolas Beau, La Découverte, 20092
Luc MATHIEU 21 décembre 2014 à 17:36 (Mis à jour : 22 décembre 2014 à 08:20)
ENQUÊTE
L’autoproclamé «consultant international», habitué des plateaux télé et radio où il assène des vérités alarmistes sur l’Etat islamique et Al-Qaeda, peine à justifier ses approximations.
Samuel Laurent n’est ni chercheur, ni diplomate, ni journaliste, ni analyste, ni ancien espion. «Consultant international», comme il se définit lui-même, il était totalement inconnu jusqu’en 2013. Il a depuis écrit trois livres, publiés au Seuil, dont deux à quelques mois d’intervalle cette année : Al-Qaïda en France et l’Etat islamique. Cela lui vaut d’être régulièrement invité dans des émissions de télé et de radio, des matinales de France 2, RTL et RMC aux nocturnes de LCI. Il y parle avec assurance du jihadisme, de l’islamisme, du salafisme, du risque terroriste en France et dans le monde, de la guerre en Syrie et de celle en Irak, des erreurs de la communauté internationale, de l’incompétence des pouvoirs politiques et de l’incurie des services de renseignements.
Samedi 6 décembre, Samuel Laurent était invité sur Canal +. Assis entre la chanteuse Princess Erika et l’humoriste Laurent Baffie, il a asséné ses vérités sur l’Etat islamique (EI), l’organisation jihadiste qui s’est emparée en moins de deux ans d’une large part de l’est de la Syrie et du nord de l’Irak. A l’en croire, 2 000 Français seraient actuellement dans ses rangs, ils recevraient 500 dollars (408 euros environ) en la rejoignant, 1 000 dollars en plus s’ils viennent avec un enfant et, surtout, il serait impossible pour eux de rentrer en France : tous ceux qui veulent partir sont «shootés» (comprendre exécutés par balle).
Exagération. Question, logique, de Thierry Ardisson, animateur de l’émission : «Mais alors, on a tort de s’inquiéter du retour de jihadistes occidentaux dans leur pays ?» Samuel Laurent, d’un coup beaucoup plus hésitant : «Euh non, pas vraiment, en effet, 99% des mecs ne rentreront jamais chez eux, mais Baghdadi [dirigeant de l’EI, ndlr] a une politique très claire : « Vous venez nous bombarder chez nous, on va vous taper chez vous. »» D’où vient ce chiffre de 1% de jihadistes qui reviendraient commettre des attentats dans leur pays sur ordre de l’EI ? Et le nombre de Français enrôlés – 2000 – alors que le ministère de l’Intérieur les évalue à moins de 400 en Irak et en Syrie ? Dans l’émission de Canal +, Samuel Laurent n’expliquera jamais comment il est parvenu à ces conclusions. Le problème est que l’on n’en sait pas plus en lisant ses livres. Dans le dernier, publié en novembre, Samuel Laurent affirme d’emblée que l’EI compte 50 000 combattants. Soit près de 20 000 de plus que l’estimation haute de la CIA. Contacté par Libération, l’auteur du Seuil dit qu’il a fait «ses propres calculs» et qu’«au final, les estimations variaient entre 40 000 et 50 000». Pourquoi, dans ce cas, prendre la fourchette haute ?
L’exagération vaut aussi pour le financement de l’EI via ses ventes de pétrole. Samuel Laurent écrit qu’elles rapportent 3 millions de dollars par jour. Les analyses circonstanciées, telle celle du Brookings Doha Center, estiment qu’elles s’établissent entre 1 et 3 millions. La société d’analyses IHS les évalue à 2 millions, le Trésor américain à un million de dollars par jour. Sur quelles sources Samuel Laurent s’appuie-t-il ? Elles sont, comme il se doit, «fiables», «très bien informées» ou «proches d’Al-Qaeda».
Personnages. L’auteur puise également dans des articles de presse, sans toujours les citer. Ainsi de la partie consacrée à Omar al-Shishani, un Géorgien qualifié à tort de «figure légendaire du jihad», alors qu’il n’avait jamais participé à aucun jihad avant 2012. Le récit de son parcours est largement inspiré, parfois simplement paraphrasé, de Wikipedia et d’un article du Wall Street Journal du 11 juillet. L’essentiel des citations est sinon attribué à trois hommes : Tarek, un «ami qui travaille [avec l’EI] depuis longtemps» ; Abou Maria, «émir d’Al-Qaeda» en Syrie, et Abou Moustapha, un transfuge de l’EI à Al-Qaeda, qui décrit longuement à Samuel Laurent l’organisation de l’EI.
Libération a joint Abou Maria, aussi appelé Mohammed Fizour, en Turquie. Est-il un «émir d’Al-Qaeda» ? «Mais non. Je suis un simple combattant du Jabhat al-Nusra [la branche syrienne d’Al-Qaeda]. J’ai eu à un moment quelques responsabilités, mais rien de significatif», explique-t-il. Le jeune Syrien réfute également le statut accordé par l’auteur du Seuil à Abou Moustapha, le transfuge de l’Etat islamique. «C’était un petit commandant au nord d’Alep. Il a quitté l’EI dès janvier 2014, lors des affrontements avec les autres groupes rebelles. Il n’a jamais été quelqu’un d’important, il ne connaît quasiment rien de l’organisation de l’EI.» Abou Maria était déjà l’un des personnages essentiels du précédent livre de Samuel Laurent, Al-Qaïda en France. Durant 400 pages, l’auteur y raconte un étonnant périple qui le mène en Syrie, en Turquie, puis en Somalie et en France. C’est Abou Maria qui a permis à l’auteur de se rendre en Syrie. Dans son livre, Samuel Laurent affirme qu’il a passé «plusieurs semaines» à Selma (Nord-Ouest), logé notamment par l’émir d’Al-Qaeda dans la ville. Il aurait rencontré chez lui des jihadistes français. La version d’Abou Maria est sensiblement différente. «Samuel Laurent est resté six jours en Syrie, pas plusieurs semaines. L’émir dont il parle n’est pas du tout le chef d’Al-Qaeda dans la région, c’est simplement un commandant local qui loge des combattants dans sa maison. Et je suis catégorique : Samuel Laurent n’a rencontré aucun jihadiste français chez lui. C’était son obsession, mais on n’a pas réussi à en trouver ; le seul que j’ai contacté a refusé de le voir. Comme il n’arrêtait pas d’insister, je l’ai conduit à la base de l’EI à Selma. Quand on est arrivé à l’entrée, leur chef m’a dit de repartir immédiatement car sinon, ça finirait mal. C’était l’époque où l’EI avait commencé à enlever les journalistes et les humanitaires étrangers. On est repartis immédiatement.»
A Libération, Samuel Laurent finit par reconnaître non pas des contradictions, mais des «passages compressés» et des «raccourcis pour faire simple». «Cela s’appelle un livre», ajoute-t-il. Il affirme toutefois qu’il est resté «deux, peut-être trois» semaines en Syrie. Son épopée narrée dans Al-Qaïda en France s’achève sur une inquiétante conclusion : Al-Qaeda disposerait de cellules en France déterminées à commettre attaques et attentats. Elles seraient composées de jihadistes qui ne se connaissent pas entre eux et ne connaissent pas leur chef. Tous auraient combattu au sein du Jabhat al-Nusra en Syrie avant d’être envoyés «en formation» en Somalie, puis de rentrer en France pour se fondre dans la population. Samuel Laurent dit connaître leur chef. Il lui consacre plusieurs chapitres dans lesquels Abou Hassan, c’est son surnom, raconte non seulement comment son groupe fantôme est organisé, mais aussi les attentats qu’il envisage de commanditer. Ils vont de l’assassinat d’un dirigeant politique, y compris le Président, par un sniper posté «à plusieurs kilomètres», à un attentat contre un TGV et des attaques simultanées. Le livre se clôt sur une visite des caches d’armes de l’organisation en France. L’arsenal est digne d’une petite armée : fusils de précision américains, missiles antichars russes, explosifs par centaines de kilos, grenades, mortiers, etc.
Insultes. Sauf que là non plus, le récit de Samuel Laurent ne tient pas. Il y a ces chiffres absurdes, tel le financement d’Al-Qaeda qui atteindrait plusieurs centaines de millions de dollars par an, alors qu’à son apogée, avant le 11 septembre 2001, il était évalué à 30 millions de dollars par la Commission d’enquête américaine. Il y a aussi des incohérences flagrantes. Si l’on en croit l’auteur, les jihadistes français seraient d’abord «observés» durant plusieurs mois en Syrie, puis devraient combattre au moins six mois là-bas, avant d’être enfin envoyés en Somalie pour suivre deux mois de formation. Pour que dix jihadistes suivent ce parcours et soient renvoyés en France en 2012, comme l’écrit Samuel Laurent, il aurait donc fallu qu’ils combattent en Syrie dès 2011. Problème, la filiale syrienne d’Al-Qaeda n’a été créée que début 2012. Interrogé sur ce décalage, Samuel Laurent s’énerve : «Vous êtes juge ou quoi ?» Et finit par dire que les jihadistes ont pu combattre en Syrie avec «d’autres groupes islamistes qu’Al-Qaeda». Une nouvelle thèse en contradiction avec le récit publié. Tout aussi étranges sont certaines citations attribuées au chef d’Al-Qaeda en France. Celui-ci affirme par exemple ne pas en vouloir aux «chrétiens et aux juifs». «Ce n’est absolument pas crédible. La première apparition publique d’Al-Qaeda en 1998 s’est faite sous le titre de « Front islamique mondial pour le jihad contre les juifs et les croisés », ce qui en dit long sur la vision des juifs et des chrétiens par Al-Qaeda», explique Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po et auteur des Neuf Vies d’Al-Qaida (éditions Fayard).
Tout aussi incohérente est la possibilité même que le chef d’Al-Qaeda en France, si tant est qu’il existe, accepte non seulement de parler à un consultant qui écrit un livre, mais aussi de lui détailler ses plans d’attentats et de lui dévoiler son arsenal. Aucun chercheur, aucun analyste, aucun membre des services de renseignements interrogés par Libération n’y croit. «Cela n’a aucun sens. C’est comme si Ben Laden ou l’un de ses adjoints avait dit à un journaliste avant le 11 Septembre qu’il s’apprêtait à envoyer des avions contre des tours aux Etats-Unis. Ce serait totalement stupide. L’histoire nous a montré que les dirigeants d’Al-Qaeda ne le sont pas», explique un cadre de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). «Cela paraît invraisemblable. S’il est arrivé que des chefs terroristes rencontrent des journalistes ou des chercheurs, ce n’était pas pour présenter en détail le fonctionnement de cellules clandestines, évoquer des plans d’attaques ou dévoiler des armes dont l’utilisation pourrait créer une surprise stratégique. Le schéma de clandestinité décrit est en lui-même contradictoire avec le fait d’accepter une telle rencontre», confirme Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Lorsqu’on lui demande s’il a des preuves de ce qu’il avance, Samuel Laurent s’énerve encore un peu plus. «Vous n’êtes qu’un gros connard !» hurle-t-il au téléphone. Mais entre deux insultes, il admet que non, il n’a pas de preuve. Avant d’affirmer que Bernard Squarcini, ex-patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), soutient la thèse des caches d’armes. Contacté par Libération, celui-ci dément formellement.
Comment un tel récit aussi incohérent qu’Al-Qaïda en France a-t-il pu être publié au Seuil, maison réputée pour son sérieux ? Est-ce parce qu’Eric Laurent, le père de Samuel Laurent [journaliste géopolitique à France Culture, ndlr], a été publié dans cette même maison en 2012 ? «Oui, cela a joué», reconnaît Jean-Christophe Brochier, son éditeur. Selon lui, l’absence de preuve fournie par Samuel Laurent pour Al-Qaïda en France n’a pas été un obstacle. «Je ne suis pas rédacteur en chef et Samuel Laurent n’est pas journaliste. C’est un consultant international, ce qui veut tout dire, ou ne rien dire. Disons que c’est un baroudeur», poursuit-il. La publication en tant que «document» ne signifie rien elle non plus. «C’est un terme délibérément imprécis qui recouvre autant le récit, l’enquête que l’essai.» Pour les deux derniers livres de Samuel Laurent, «roman» aurait été plus approprié.
* Le Samuel Laurent dont nous parlons ci-dessus n’est pas le Samuel Laurent journaliste au Monde.fr.
Ce blog a été créé le 6 janvier 2015 pour prendre le relais du Petitcoucou venant d'être suspendu sans préavis ni avertissement en milieu de journée. Ayant eu cette fonction jusqu'au 1er février 2015, il devient un doublon du Petitcoucou suite à la réouverture de ce dernier après trois semaines de suspension, et sa reprise d'activité à compter du 2 février 2015.
Les statistiques de ce blog sont bloquées depuis le 21 janvier 2015. Plus aucun compteur n'est incrémenté, ceux des visites du jour restent à zéro, les mises à jour ne se font plus.
Avis du 24 janvier 2015
Mes statistiques "avancées" sont de retour et font apparaître un record de visites le 21 janvier 2015 - record très modeste, mais néanmoins record pour ce blog nouveau-né.
En revanche, les statistiques "basiques" sont toujours bloquées.
Tout cela m'évoque bien évidemment les petites manies de Cyprien Luraghi qui n'a jamais pu supporter de voir s'envoler le nombre de mes lecteurs, qu'il surveille comme le lait sur le feu depuis la création de mon premier blog, sur Le Post, début septembre 2009.
Avis du 26 janvier 2015
Mes statistiques "basiques" sont de retour. Tout se passe normalement. Le Chinois de Thaïlande est inactif sur ce blog.
Avis du 31 janvier 2015
Mes statistiques "basiques" sont de nouveau bloquées depuis le 29 janvier.
Avis du 1er février 2015
Retour de mes statistiques "basiques".
Avis du 3 février 2015
Statistiques "basiques" de nouveau bloquées depuis le 1er février.
Avis du 6 février 2015
Mes statistiques "basiques" sont de retour. Tout fonctionne.
Avis du 11 février 2015
Mes statistiques "basiques" sont de nouveau bloquées depuis le 8 février.
Avis du 26 février 2015
Statistiques "basiques" enfin débloquées !
Avis du 27 février 2015
Statistiques "basiques" de nouveau bloquées depuis le 26 février. Ce petit jeu pourrait-il cesser ? On n'en voit pas l'intérêt...
Complément de 22 h: merci de m'avoir rendu ces statistiques !
Avis du 4 mars 2015
Statistiques "basiques" de nouveau bloquées depuis le 1er mars. Merci de les débloquer et ne plus les bloquer ou les oublier en cet état à l'avenir.
Avis du 7 mars 2015
Statistiques "basiques" bien débloquées. Merci.
Avis du 25 mars 2015
Statistiques "basiques" bloquées depuis le 14 mars.
Avis du 2 avril 2015
Mes statistiques "basiques" sont de retour.
Avis du 26 avril 2015
Les statistiques "basiques" de ce blog sont encore bloquées, depuis le 10 avril 2015.
Avis du 28 avril 2015
Statistiques de retour. Merci.
Avis du 7 mai 2015
Je n'ai de nouveau plus de statistiques "basiques" depuis le 2 mai. Comme pour Petitcoucou, les statistiques "avancées" ont également disparu depuis deux jours.
Avis du 10 mai 2015
Statistiques "basiques" débloquées. Merci. Me manquent encore les statistiques "avancées".
Avis du 14 mai 2015
Toutes mes statistiques sont de retour depuis hier. Merci.
Avis du 3 octobre 2015
Les compteurs de mes statistiques avancées sont tous à zéro depuis le 1er octobre. Merci de me les rendre.
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